Restaurant Le Relais, le goût de la solidarité depuis plus de vingt-cinq ans

Publié le

Par Alexandra Luthereau

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Illustration
© Alexandra Luthereau

Depuis les années 1990, Le Relais, à Pantin, offre aux personnes éloignées de l’emploi de Seine-Saint-Denis une qualification et des perspectives de travail dans la restauration.

A Pantin, à quelques encablures du métro, c’est un lieu inattendu que l’on découvre après avoir franchi le portail. Nous voici dans la cour pavée d’un ancien corps de ferme, converti en un ensemble industriel au XIXe siècle. Étonnant décor à quelques kilomètres de Paris. Nous ne sommes cependant pas au bout de notre (agréable) surprise, puisque le lieu héberge Le Relais, à la fois centre de formation et restaurant. Il forme et embauche en contrat d’insertion des personnes éloignées de l’emploi.

Secteur en tension

Le restaurant est né au début des années 1990 sous l’impulsion d’un collectif d’habitants militants qui souhaitait transformer cette friche industrielle en un lieu alternatif citoyen, convivial et solidaire. Notamment, « ils cherchaient une solution liée à la formation et l’emploi pour des publics laissés au bord de la route », précise Belkacem Kheder, qui a rejoint l’aventure dès le début.

A ce moment-là, cet éducateur spécialisé est en pleine réflexion professionnelle. Il aspire à « voir autre chose » après une dizaine d’années d’exercice auprès des jeunes : « J’en avais marre de me cogner à des portes et de ne pas voir rapidement le résultat du travail mené. »

Intéressé par la cuisine et la musique, il travaille quelques temps dans la restauration. Suffisamment pour se rendre compte d’un paradoxe. « D’un côté, la restauration est en recherche continue de personnel. C’est un secteur en tension. De l’autre, des jeunes, comme ceux que j’accompagnais, peinent à trouver du travail », détaille cela qui est directeur du Relais depuis début. C’est à ce moment-là que le collectif le contacte et qu’ensemble ils imaginent ce dispositif solidaire pour concilier « ces deux univers parallèles ».

« Lever les freins professionnels et sociaux »

Après des mois de travaux, Le Relais ouvre ses portes au public en 1994 en tant qu’association et devient une Scic (société coopérative d’intérêt collectif) en 2011. Très vite, il obtient le label entreprise d’insertion, lancé à la même époque.

Aujourd’hui, Le Relais compte plusieurs activités – restauration, traiteur et salade bar – et embauche une trentaine de salariés chaque année en contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) de quatre mois, renouvelable. 200 personnes sortent tous les ans du centre de formation avec un titre professionnel de cuisinier ou de serveur. Au total, en un peu plus de vingt-cinq ans, 1 000 personnes ont été salariées de la structure et 5 000 ont été formées aux métiers du service et de la cuisine.

Pour favoriser l’insertion professionnelle de l’après-Relais, les personnes sont accompagnées tout au long de leur parcours avec l’objectif de « lever tous les freins professionnels et sociaux (logement par exemple), en trouvant des solutions auprès d’acteurs extérieurs », précise Belkacem Kheder. Depuis vingt-cinq ans, ce travail et cette énergie portent leurs fruits : Le Relais peut s’enorgueillir de belles réussites. « D’anciens stagiaires ou salariés sont devenus responsables de restauration. Ils nous envoient des personnes à former ou bien recrutent les stagiaires en formation. » Le Relais porte bien son nom.

Illustration

Salle de restaurant Le Relais

« J’ai l’objectif d’ouvrir mon propre restaurant »

Yasmina Hakmi est la responsable du salade bar. Quand on la rencontre, son contrat est sur le point de se terminer, après deux ans passés au Relais. Avant d’intégrer la formation puis d’être embauchée, elle n’arrivait pas à trouver d’emploi, à cause de lacunes en français. Aujourd'hui, Yasmina est une jeune femme sûre d’elle et de ses capacités. « Aujourd’hui, j’ai pour objectif d’ouvrir mon propre restaurant, ambitionne-t-elle. Le Relais m’a aidée à devenir autonome, à développer mes compétences, à progresser en français et à prendre confiance en moi. »

Jelissa Viator abonde : « Ici, ils donnent leur chance à tout le monde, ils nous tendent la main. » Quand elle était âgée de 16 ans, Jelissa a été formée en restauration au Relais. Dix ans plus tard, devenue maman, elle cherche du travail, et contacte son ancien centre de formation pour des renseignements. Ni une, ni deux : Le Relais lui propose un emploi ! Aujourd’hui, elle poursuit le rêve de devenir wedding planner (organisatrice de mariage), un métier de l'événementiel auquel elle s’exerce avec l’activité traiteur du Relais. De son côté, Willy Levi, recruté en décembre 2019 en tant que serveur après une formation, semble avoir trouvé sa voie : « La restauration me plaît ! »

Essaimage

Tout n’est pas tout rose non plus. Depuis quelques années, Le Relais rencontre des difficultés, dans un contexte d’environnement économique dégradé, un lourd emprunt bancaire à rembourser et l’ouverture de nouveaux restaurants avec l’arrivée d’une nouvelle population plus aisée. Néanmoins, ces difficultés n’entament pas les perspectives de développement du projet solidaire. Au contraire, Belkacem Kheder souhaite lui donner un nouvel élan avec l’essaimage du modèle – un nouveau salade bar va ouvrir prochainement dans une autre ville – et l’arrivée d’un nouveau directeur à la tête du lieu. « Je pars à la retraite. Il est temps que le projet soit repris par des jeunes, d’autres compétences et façons de voir. » Et que le lieu puisse continuer son action.

Pour en savoir plus :

  • Le Relais : 61, rue Victor-Hugo à Pantin : https://www.facebook.com/relaisrestopantin/
  • A lire : S’il suffisait de traverser la rue… Le Relais, un restaurant à Pantin, vingt-cinq ans d’économie solidaire, de Philippe Chibani-Jacquot, éditions Les Petits Matins.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir