Savoirs pour réussir : une chance pour sortir de l’illettrisme

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Par Delphine Delarue (ANPM/France Mutualité)

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L’association parisienne Savoirs pour réussir propose des ateliers de lecture, d’écriture, d’expression orale et de calcul aux publics en situation d’illettrisme. L’objectif ? Leur permettre de maîtriser les savoirs de base essentiels à l’autonomie et à l’insertion socioprofessionnelle.

La lecture est hésitante, la prononciation hasardeuse. Mais Andressa, 19 ans, s’accroche, se concentre. Avec bienveillance et douceur, Sylvie, bénévole à l’association parisienne Savoirs pour réussir (SPR), la reprend, explique les mots difficiles, interroge le sens des phrases. Cela fait maintenant un an et demi que cette jeune retraitée encadre un atelier hebdomadaire dont l’objectif est d’aider les personnes en situation d’illettrisme à accéder à une lecture plus fluide. « Je souhaitais vraiment donner de mon temps dans ce domaine parce que pour moi, quand on peut lire, on a accès à tout », explique-t-elle.

Avec SPR, Sylvie ne pouvait pas mieux tomber. Financée par la ville de Paris, le Commissariat général à l’égalité des territoires et des fonds privés, l’association s’adresse à tous ceux qui ont été scolarisés en langue française mais, pour une raison ou une autre, maîtrisent mal les savoirs fondamentaux. Et se retrouvent ainsi complètement isolés.

« Sans ces connaissances, la vie quotidienne devient très compliquée, précise Perrine Terrier, directrice adjointe de Savoirs pour réussir Paris*. Il n’y a pas d’autonomie possible. Vous ne pouvez pas lire vos courriers administratifs, vous avez du mal à trouver un travail et quand vous en avez un, vous n’évoluez pas. Vous êtes aussi plus vulnérable, à la merci d’offres commerciales et de crédit que vous ne comprenez pas. » À tout cela s’ajoutent aussi, la plupart du temps, un profond sentiment d’échec, de honte, et un véritable manque de confiance en soi.

* Il existe d’autres associations Savoirs pour réussir à Colmar, Strasbourg et Châlons-en-Champagne.

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Des vocalises et du vocabulaire

Dans une autre salle, Hélène, chanteuse lyrique, anime un atelier d’expression orale et de chant. Cinq jeunes l’entourent et répètent joyeusement des vocalises à tour de rôle. Ici, l’idée est plutôt d’améliorer la maîtrise de la langue dans la prononciation des sons et l’enrichissement du vocabulaire. « Grâce au chant, à la respiration et à la prise de conscience du corps, ils reprennent progressivement de l’assurance, constate Hélène. Peu à peu, ils se redressent et osent prendre la parole en groupe ».

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Illettrisme - Savoirs pour réussir musique

Utiliser l’art comme outil pour redonner le goût d’apprendre, c’est justement l’une des spécificités de SPR. Depuis quelques années, l’association monte des projets au long cours avec de grands établissements culturels. « L’an passé, un groupe a travaillé à l’élaboration d’une histoire que les jeunes ont contée au musée du quai Branly, se souvient Marie-Odile Chassagnon, directrice de SPR. Plus récemment, d’autres ont réalisé un livre numérique qui a été présenté à la BNF ».

On l’aura compris : aller à Savoirs pour réussir, ce n’est pas comme retourner en classe. « On ne travaille pas du tout dans les mêmes conditions, ajoute Marie-Odile. Nous proposons une dizaine d’ateliers de deux heures par semaine, en petits groupes ou en individuel, encadrés par des tuteurs bénévoles qui prennent le temps nécessaire pour expliquer les choses. Nous appliquons une pédagogie inductive, c’est-à-dire que l’on part de la production des apprenants : on les met en situation pour apporter la connaissance. Il s’agit surtout de déclencher de l’appétence pour réconcilier ces publics avec le savoir et leur montrer qu’ils peuvent avoir de l’ambition. »

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« Ici, je suis moi-même »

Et ça marche. Andressa affirme avoir « fait beaucoup de progrès » en quelques mois. « Ici, je suis moi-même, confie-t-elle. Les professeurs font des efforts pour nous et ça nous donne envie d’en faire aussi. » Idem pour Gigi, 20 ans, qui vient à Savoirs pour réussir depuis un an et demi : « j’apprends plein de choses, je sens que j’avance vite », raconte la jeune fille qui souhaite à terme pouvoir intégrer une formation d’aide-soignante.

Jusqu’à présent réservée aux jeunes de 16 à 30 ans, l’association n’impose plus de limite d’âge. Chaque personne volontaire, qu’elle soit adressée par la mission locale, un centre social ou qu’elle vienne d’elle-même, a désormais sa chance. « Nous fonctionnons en entrées et sorties permanentes et accueillons actuellement 141 bénéficiaires, précise Perrine. La majorité reste entre six et neuf mois. Et environ 60 % de ceux qui nous quittent le font parce qu’ils ont atteint le niveau nécessaire pour entrer en formation ou parce qu’ils ont trouvé un emploi. »

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Par Delphine Delarue (ANPM/France Mutualité)

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