Serge Guérin : « Les seniors ne sont pas une charge mais une chance »

Publié le

Par Cécile Fratellini

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
© ANDIA

En 2050, la France comptera presque 23 millions de personnes de plus de 60 ans. Pour Serge Guérin, sociologue et spécialiste des questions du vieillissement, cette « révolution démographique » invite à repenser la société, l’économie... Explications.

Aujourd’hui, à quel âge est-on considéré comme « un vieux » ou un senior ?

Cela dépend de l’environnement et de l’endroit où l’on se trouve. Ainsi, dans une entreprise, on est vieux à 45 ans, après cet âge, nous sommes d’ailleurs peu formés. Dans les médias, c’est à 50 ans car il y a toujours l’image de la ménagère de moins de 50 ans. D’une manière générale, 50 ans est une barrière un peu forte, car c’est la moitié de 100, au moins la moitié de la vie.

Et dans la tête des gens, nous sommes vieux à 75 ans. Mais en fait, à n’importe quel âge, quelqu’un qui a 15 ans de plus que vous, vous le considérez comme vieux. Après, il y a également des barrières psychologiques, on se sent vieux quand on dépasse l’âge du décès de ses parents, quand les enfants quittent la maison, quand un stagiaire vous vouvoie…

L’image des seniors a-t-elle changé depuis 20 ou 30 ans ?

Les choses changent car on commence à se faire à l’idée que l’on aura une vie plus longue. Et puis les seniors de maintenant ne sont pas les aînés d’hier ou d’avant hier. Aujourd’hui, la retraite c’est l’après-midi de la vie. La société commence tout juste à comprendre que l’on pouvait s’appuyer sur des personnes âgées : dans les associations bien sûr, mais songez aussi que 32 % des maires sont des retraités ! Et sans ces retraités, le tissu associatif s’écroulerait, des territoires n’existeraient pas… Ils peuvent contribuer à la vie économique.

Ils ne sont pas une charge ou un poids mais une chance. Et je n’aime pas parler de dépendance liée à l’âge car on est dépendant à la drogue, à l’alcool mais pas à l’âge. À tout moment de la vie, on est dépendant des autres, c’est ce qui fait une société, c’est une longue chaîne. Il est préférable de parler de perte d’autonomie, cela donne une dynamique. Plutôt qu’évoquer la dépendance, parlons d’interdépendance !

En quoi le vieillissement peut avoir des effets positifs sur la société ?

On va être obligé d’inventer une société différente pour que les plus âgés puissent y vivre, en pensant la ville, les transports, l’habitat, la prévention autrement. Le vieillissement ne va pas nous enfermer mais nous obliger à inventer de nouvelles choses en nous appuyant sur ces personnes. Nous sommes tous concernés, à 5, 15, 35, ou 60 ans, car nous allons vieillir et nous avons des parents ou des grands-parents qui vieillissent.

En France, les aidants sont en première ligne face au vieillissement. Leur action représente une économie importante…

En effet, leur action équivaut à une dépense de 164 milliards d’euros. Ils sont 8,5 millions en France, la moitié d’entre eux sont des retraités qui accompagnent un proche de manière bénévole et informelle. Cela montre qu’il y a encore de la solidarité.

Mais il faut les soutenir car ils contribuent à améliorer la situation humaine de millions de gens. Leur action permet de libérer des places dans les établissements pour des personnes en grande fragilité et contribue à soulager le travail des professionnels intervenant à domicile.

Les choses bougent car il y a quelques années, le mot aidant n’existait pas. Depuis 2010, il y a même la journée nationale des aidants (ndlr : 6 octobre). Et pour la première fois, dans le projet de loi sur l’adaptation au vieillissement du gouvernement, on dit qu’il faut les aider en prévoyant un « droit au répit » avec un soutien financier qui peut aller jusqu’à 500 euros par an. C’est une première marche. Il faudra surtout se centrer sur la prévention en s’appuyant sur les résidences autonomie* par exemple.
Mieux vaut une politique de petits pas réels que de grands slogans sans suite.

* Foyers-logements

« La solidarité ça existe… Et en plus ça rapporte »

Serge Guérin est sociologue et professeur à l’ESG Management School. Directeur du Fonds pour l’innovation sociale, il contribue depuis plusieurs années à faire prendre conscience de la séniorisation de la société en insistant sur ses effets positifs.

Il est l’auteur de La solidarité ça existe… et en plus ça rapporte ! paru en 2013 aux éditions Michalon où il montre qu’une société décentrée et solidaire est en marche.

Compte Twitter de Serge Guérin : @Guerin_Serge

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir