Où en est la solidarité aujourd’hui ?

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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© Recherches & Solidarités – Probono Lab – Fondation EDF / DR

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On la dit malmenée, en crise. La solidarité est-elle vraiment en déclin ou bien a-t-elle évolué, tout comme la société ? Réponses avec Jacques Malet de Recherches & Solidarités.

Comment pourrait-on définir la solidarité ?

Déjà, il ne faut pas la confondre avec la générosité. La solidarité, c’est agir AVEC les autres, pas forcément POUR les autres. Et quand on rame tous dans le même sens, c’est efficace : la solidarité, ça paye. Cela n’exclut pas les satisfactions personnelles. Bien au contraire. Être solidaire, ça fait plaisir, ça rend heureux. On le voit notamment dans le bénévolat ou le don. C’est une bonne chose car cela permet un certain équilibre (on donne mais on reçoit aussi). Ainsi, il est plus facile d’inscrire son engagement dans la durée.

Les aspirations solidaires des Français ont-elles changé ?

On est passé petit à petit de l’action militante (se battre pour une cause) à une forme d’engagement basée sur la notion de projet et sur la coopération (des actions menées en commun), avec comme principaux moteurs : l’épanouissement personnel et l’acquisition de compétences.

Il est très important d’avoir cela en tête lorsque l’on veut mobiliser des gens. C’est mieux de leur dire : « Venez, car non seulement vous allez faire des choses utiles mais vous allez également gagner en compétence et vous faire plaisir » plutôt que « Venez travailler pour la cause, sacrifiez-vous ». Si ce genre de messages pouvait fonctionner à une certaine époque, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Pour autant, la solidarité est-elle en crise ?

Il y a aujourd’hui deux formes de solidarité, totalement différentes. L’une est encourageante, très présente mais insuffisante. L’autre pourrait être menacée à terme.

La première est ce que j’appelle la solidarité spontanée, le « coup de cœur ». Sur l’ensemble des Français, environ les deux tiers ont, d’une façon ou d’une autre, des actions ou des comportements ponctuels solidaires : dons d’argent, adhésion à une association, engagement auprès de ses voisins, d’une école ou d’une mairie, défense d’une cause sur les réseaux sociaux… C’est très positif d’autant que, dans le tiers restant, 15 à 20 % des Français sont en attente de la solidarité des autres.

Cela montre bien qu’il y a un désir de solidarité, des réflexes toujours présents. On le voit à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturelle, un incendie quelque part, tout le monde ou presque est sur le pont. Toutefois, ce sont des personnes qui vont se mobiliser sur le moment mais qui, dès que l’événement sera passé, vont revenir à un comportement un peu plus individualiste.

La deuxième forme, c’est la solidarité « construite », qui s’organise pour un projet, dans la durée. Celle-ci connaît des difficultés depuis quelques années. Par exemple, le bénévolat évolue vers un engagement moins régulier et plus ponctuel et de plus en plus en dehors des associations. On va agir sur une journée et c’est tout. Vous me direz, c’est déjà bien. Sauf que pour le secteur associatif, si important en France, il est difficile de fonctionner, de perdurer sans des bénévoles réguliers car 85 % des associations n’ont pas de salariés. Et les projets ont besoin de temps.

Progressivement, on est passé d’une solidarité « construite » à une solidarité « coup de cœur ».

Quelles sont les raisons de cette évolution ?

On ne peut pas dire que l’environnement actuel soit très favorable, entre le contexte international, la crise économique et la perte de confiance envers les partis politiques. Cela ne concourt pas du tout à la solidarité. Car on a alors tendance à s’occuper davantage de sa famille, de ses proches avant de penser à aider les autres. Aussi, ceux qui ne sont pas gagnés par le « repli sur soi » et se montrent solidaires avec constance sont presque des héros. Je caricature à peine.

Pour en savoir plus

  • Recherches & Solidarités est un réseau associatif d'experts « au service de toutes les formes de solidarité ». Il publie régulièrement des études sur le bénévolat, les associations, l’économie sociale, le don…
  • Le réseau sort chaque année son rapport sur La France bénévole, avec de nouvelles données (la 15e édition a été publiée en avril 2018).

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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