Le sportif quadri-amputé Théo Curin a fait de son handicap une force

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 8 minute(s)

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© Jen.elle.8

À seulement 21 ans, le nageur paralympique, amputé des quatre membres, ne cesse de se lancer de nouveaux défis. Le dernier en date : la traversée du lac Titicaca, au Pérou, avec deux autres sportifs. Dans sa vie, son handicap n’a jamais été un frein. Bien au contraire. Ce serait plutôt son moteur.

Suite à une méningite à l’âge de 6 ans, Théo Curin est amputé des quatre membres. Il doit alors tout réapprendre : à manger, à se brosser les dents… À l’époque, il a peur de l’eau. Mais en voyant les exploits d’un autre quadri-amputé, Philippe Croizon, et notamment sa traversée de la Manche à la nage, il décide lui aussi de se mettre à la natation. Rapidement, il fait figure de jeune prodige, et devient quelques années plus tard vice-champion du monde de natation handisport, par deux fois.

Mais cela ne lui suffit pas. Théo Curin a soif de nouveaux défis et de nouvelles aventures. Grâce à son exposition médiatique, il devient chroniqueur au Magazine de la santé sur France 5 et l’égérie d’une marque de cosmétiques. Il s’essaie même à la comédie. En 2020, rattrapé par son goût de la compétition, il va au bout de son premier half Ironman*, un triathlon longue distance. Et en novembre 2021, il réalise la traversée à la nage du lac Titicaca, au Pérou, avec deux autres grands sportifs. Une première mondiale.

Théo Curin est également l’animateur de la websérie Tous héros, proposée par Harmonie Mutuelle, dont la quatrième saison se tiendra en 2022.

Théo Curin : « J’arrive à tout faire avec mon handicap »

Vous sortez prochainement une biographie. Pourquoi avoir eu envie de vous raconter, vous qui êtes si jeune ?

Théo Curin : C’est vrai qu’avoir sa biographie à 21 ans, c’est un peu surprenant ! Mais j’ai eu la chance de vivre pas mal de péripéties jusqu’ici, des bonnes et des moins bonnes. Et je me suis rendu compte à travers des discussions, des messages que je reçois via les réseaux sociaux, que mon témoignage peut peut-être inspirer d’autres personnes.

On me pose beaucoup de questions aussi. Donc raconter mon parcours dans ce livre, c’est pouvoir rentrer un peu plus dans les détails.

« La vie tient à peu de chose. C’est une phrase qu’on entend souvent, mais ce n’est pas une banalité, je peux en témoigner. »

Votre livre s’intitule « La chance de ma vie »**. Diriez-vous que votre handicap a finalement été un tremplin ?

T.C. : Complètement. Si je n’avais pas eu cette méningite en 2006, qui a conduit à m’amputer les quatre membres, je n’aurais pas fait la moitié de ce que j’ai fait. Elle m’a permis de me rendre compte que la vie tient à peu de chose. C’est une phrase qu’on entend souvent, mais ce n’est pas une banalité, je peux en témoigner.

Quand je m’en suis sorti, même si je n’étais encore qu’un enfant, je me suis dit que j’allais tout vivre à fond à partir de maintenant. Sans limite, sans frein. Aujourd’hui, j’arrive à tout faire avec mon handicap, je suis ultra-épanoui.

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À travers ses défis sportifs, l’athlète quadri amputé Théo Curin cherche à repousser ses limites. Crédit photo : andyparant.com

L’athlète est un modèle de résilience

C’est un conseil que vous donneriez aux autres : faire de sa différence ou d’une épreuve, un moteur ?

T.C. : Tout à fait, c’est mon leitmotiv. Quand on est face à une épreuve, sur le moment on a l’impression d’être à 6 000 mètres sous terre et qu’on n’arrivera jamais à refaire surface. Mais je pense qu’on a tous la capacité de trouver en nous les ressources pour rebondir, quel que soit le pépin. Dans mon cas, cela a été une maladie. Pour d’autres, cela peut être un divorce, la perte d’un proche… Il faut faire de sa différence ou de cette difficulté une force.

On me pose souvent la question : si, demain, on te redonnait tes mains et tes pieds, que ferais-tu ? Clairement, je n’en voudrais pas. J’ai mis du temps à accepter ce nouveau schéma corporel, à adapter mon quotidien pour être autonome. Donc si on me remettait des mains et des pieds, je serais bien embêté car il faudrait que je réapprenne tout. Et puis, mon corps, pour moi, c’est celui-là, et j’en suis fier. Donc je n’en changerais pour rien au monde.

« On a tous la capacité de trouver en nous les ressources pour rebondir. »

Des aventures sportives pour repousser ses limites

Depuis l’arrêt de la compétition en natation, vous avez fait votre premier half Ironman. Vous avez aussi réussi la traversée du lac Titicaca, au Pérou. Pourquoi vous lancer de tels défis ?

T.C. : J’ai décidé d’arrêter la compétition handisport suite à des changements de classification qui faisaient que je me retrouvais avec des personnes qui avaient des handicaps assez différents du mien. Mais j’avais envie de rester dans le sport et de garder cet esprit de compétition. J’ai donc eu l’idée de faire un half Ironman, car c’était un milieu que je ne connaissais pas. Je n’avais jamais fait de triathlon de ma vie et il fallait être un peu fou pour commencer par ça. J’ai souffert, cela a vraiment été difficile mais c’était une façon de repousser mes limites. Et ça m’a permis de me rendre compte que j’aimais me lancer des défis.

La traversée du lac Tititaca au Pérou, avec Malia Metella et Matthieu Witvoet***, a aussi été une expérience complètement dingue. Ce que j’ai aimé, c’est partir d’une feuille blanche car on a été les premiers à traverser ce lac.

Changer le regard sur le handicap

Ce type de défis a un côté « surhumain ». Pourtant, vous dites souvent que vous n’êtes pas un superhéros…

T.C. : C’est une performance sportive évidemment. Mais il n’y a rien d’exceptionnel. Il suffit de s’en donner les moyens et d’y croire très fort. Je ne suis pas du tout un superhéros, juste quelqu’un qui croit en ses rêves et qui se donne les moyens de les atteindre.

En matière d’aventure sportive, Philippe Croizon est un modèle. Il a beaucoup fait pour changer le regard sur le handicap…

T.C. : C’est inspirant de voir quelqu’un qui a le même handicap que vous réussir à se débrouiller et à réaliser des choses incroyables. Il fait partie de ces ambassadeurs qui se sont battus, et qui continuent de le faire aujourd’hui, pour faire changer les mentalités. Mais chacun peut jouer ce rôle en réalité. Quand vous me donnez la parole à travers cette interview, vous aussi, vous contribuez à faire avancer les choses.

À la télévision, dans le mannequinat, on voit de plus en plus de personnes atypiques et c’est formidable. On peut critiquer la société actuelle, mais je trouve qu’elle progresse sur les questions de diversité, même s’il reste encore pas mal de chemin à parcourir.

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Malia Metella, Théo Curin et Matthieu Witvoet après leur traversée à la nage du lac Titicaca. Crédit photo : andyparant.com.

Lac Titicaca : un défi sportif et écoresponsable

Le fait d’avoir mené le défi du lac Titicaca à plusieurs, qu’est-ce que cela change ?

T.C. : C’était un de mes objectifs dès le début : je ne voulais pas partir seul sur ma première expédition. Je trouvais dommage de vivre des émotions si fortes tout seul dans son coin. La partager avec Malia et Matthieu me l’a fait vivre différemment, plus intensément sans doute.

On a vécu la même aventure, mais sans doute pas de la même manière, parce qu’on a chacun nos atouts et nos faiblesses. C’est cette complémentarité qui nous a permis d’aller au bout.

Il y avait aussi une dimension écoresponsable à ce défi (radeau éco-conçu, autonomie énergétique…). On ne peut plus ignorer les questions environnementales aujourd’hui ?

T.C. : Je pense que dans tout ce qu’on entreprend, il faut prendre en compte cette dimension. C’est vrai quel que soit le projet : un défi sportif, le lancement d’un produit pour une entreprise… Jusqu’à présent, à part trier mes déchets chez moi, je ne faisais rien de plus pour la planète. Dans cette aventure, en dehors de notre défi personnel, on a eu envie de s’engager en limitant au maximum notre impact environnemental et en finançant des projets sur place, pour aider les populations locales.

Vous avez sans doute un nouveau défi sportif en tête. Peut-on en savoir plus ?

T.C. : En 2022, je vais essayer de me reposer un peu, de faire autre chose. J’ai déjà des projets : un peu de cinéma, de la télévision. J’ai aussi besoin de temps pour digérer ce que je viens d’accomplir et le partager avec le plus grand nombre notamment lors de conférences en entreprises. Mais je vous rassure, en 2023, il y aura une nouvelle grande aventure sportive. Toutefois, je ne peux rien en dire pour le moment.

* Un half Ironman est une compétition de triathlon de 113 km : 1,9 km de natation, 90 km de vélo et 21,1 km de course (un semi-marathon).

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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