Thierry Beccaro raconte sa résilience après avoir été battu dans son enfance

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Par Nathania Cahen

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© Astrid di Crollalanza

L’ancien animateur de télévision a longtemps attendu avant de lever le voile sur la part sombre de son enfance : celle d’un enfant battu. Poussé par ses proches, il a récemment raconté son histoire dans deux livres-témoignages. Paru en novembre 2021, le dernier, « Ma résilience à moi »* entend « dire à ceux qui ont connu le même sort qu’ils ne sont pas seuls ».

De Thierry Beccaro, on connaît le grand sourire et la sympathique présence sur le petit écran. Mais l’homme public a longtemps caché ses fêlures : son père le battait lorsqu’il était enfant. Un traumatisme dont il s’est petit à petit extrait, pour emprunter le chemin de la résilience : combattre ses démons, donner un sens à sa vie et pardonner. Deux livres témoignent de cette période de sa vie.

C’est dans votre premier livre, « Je suis né à 17 ans », que vous révélez le grand traumatisme de votre enfance…

Thierry Beccaro : Nous vivions dans les grands ensembles de Mantes-La-Jolie. J’avais un papa très jaloux de sa jolie femme militaire qui, de fait, travaillait beaucoup avec des hommes. Elle était l’objet d’un malheur qu’il reportait sur moi. Dès qu’il avait trop bu, c’était Dr Jekyll se transformant en Mister Hyde : il me frappait. J’ai passé beaucoup de temps recroquevillé dans l’escalier, à espérer que la tempête passe. Le pire, c’est que je ne savais jamais quand sa fureur allait se déchaîner, je vivais dans la peur, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Pourtant, quand il allait bien, c’était un mec formidable, avec un charme fou.

Pourquoi avoir attendu d’avoir la soixantaine pour rendre publique votre histoire ?

T.B. : On m’y avait encouragé plus tôt, mais je ne voulais pas lâcher comme ça des bribes de ma vie au gré d’émissions de télé ou de radio. Ceux qui sont passés par là ont beaucoup de dignité, vous savez ! Mais on m’a encouragé, pressé, pour aider les personnes qui n’osent pas parler de ce qu’elles ont vécu, pour les soutenir. Et en effet, cela a ouvert des portes incroyables.

Après le premier livre, j’ai reçu beaucoup de messages. Les gens me remerciaient d’avoir livré mon témoignage, partagé cette période terrible. Ils m’avouaient se sentir moins seuls. Cela a même permis à d’autres de libérer leur parole. C’est une jolie récompense.

« On peut dépasser le traumatisme avec du courage et du travail »

La résilience, thème de votre second ouvrage, en quoi consiste-t-elle ?

T.B. : C’est le chemin par lequel je suis passé pour m’en sortir, pour mener ma carrière avec succès, avec le sourire, en dépit des cicatrices héritées de mon enfance. J’ai éprouvé qu’on peut dépasser le traumatisme avec du courage et du travail. En renonçant à l’aigreur, l’amertume ou la vengeance. Qu’on peut faire ce chemin qui peut mener au pardon. Transformer la douleur en bienveillance comme le décrit Boris Cyrulnik** dans son ouvrage « Un merveilleux malheur ».

Et ce chemin de la résilience, où commence-t-il ? Où le trouver ?

T.B. : Ça ne se décide pas. Il est là : c’est essayer d’aller le mieux possible au jour le jour, de prendre le bon. Le mien a certainement pris forme quand, à 17 ans, j’ai eu la chance de décrocher un stage à la Maison de la Radio. Un véritable coup de foudre pour cet univers, pour la musique que j’adore.

J’ai alors eu la chance de travailler avec Macha Béranger qui s’adressait la nuit à ceux qui sont seuls. J’assurais le standard, je prenais les appels de personnes qui se trouvaient dans une détresse bien plus terrible que moi. Tous ne passaient pas à l’antenne, mais je les écoutais. À partir de là, j’ai décidé de mettre ma bonne humeur au service des gens. D’être utile.

La résilience est comme un sac à dos qui s’allège

Que raconte votre livre « Ma résilience à moi » ?

T.B. : Il raconte ma résilience, mais ne donne pas une méthodologie car chaque résilience est unique. Mon récit est constitué d’allers-retours entre le passé et le présent, émaillé de notes consignées dans des carnets. Il s’attarde sur toutes les étapes par lesquelles je suis passé, les hauts et les bas, les bonheurs et les failles, les gouffres. L’addiction aux médicaments, les peurs (peur de l’avion, peur d’avancer, de déranger, d’en faire trop…). Accepter de s’allonger sur un divan pour raconter sa vie, pour essayer de comprendre ce qui est arrivé.

Car la résilience, ça n’est pas passer d’un chemin de ronces à un chemin de roses. C’est plutôt un sac à dos qui s’allège.

Vous évoquez le pardon. Celui de votre père ou le vôtre ?

T.B. : Il ne m’a jamais demandé pardon, je n’ai jamais pu entendre sa voix sur le sujet. La conversation d’homme à homme n’a pas eu lieu et je le regrette. Mais je me réjouis quand je reçois des témoignages de pères de famille qui ont eu la main leste et ont su demander pardon.

De mon côté, le pardon s’est installé petit à petit. La colère a déserté. J’ai accompagné mon père en fin de vie parce que c’était évident, j’étais passé au-dessus de tout ça.

Aujourd’hui, que faites-vous ?

T.B. : J’ai quitté la télévision il y a trois ans, après avoir animé vingt ans durant l’émission Motus sur France 2 et avoir régulièrement présenté Télématin. Je suis comédien à temps plein et je joue dans une pièce de théâtre qui tourne actuellement en France. Surtout, je suis ambassadeur de l’Unicef depuis deux ans. C’était très important, essentiel pour moi d’être impliqué dans la défense de l’enfance et de ses droits.

* Ma résilience à moi, de Thierry Beccaro, publié aux éditions Plon (2021).

** Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik est connu notamment pour avoir popularisé en France le concept de « résilience », cette capacité à surmonter un choc traumatique.

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