Violences faites aux femmes : «Le grand défi est celui de la justice»

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Par Delphine Delarue (ANPM-France Mutualité)

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© Shutterstock - Portrait Anne-Cécile Mailfert : Céline Trefle

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Si les femmes sont aujourd’hui plus nombreuses à porter plainte, les procédures vont rarement jusqu’à la condamnation des agresseurs. Le point sur la situation avec Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes.

Lancée en 2016, la Fondation des femmes a pour ambition de soutenir financièrement, matériellement et juridiquement les associations qui luttent contre les violences faites aux femmes. Sa fondatrice et présidente, Anne-Cécile Mailfert, est une militante féministe de longue date. Elle nous explique comment la fondation agit au quotidien.

Pourquoi avoir créé la Fondation des femmes ?

Anne-Cécile Mailfert : Mon expérience dans les associations féministes (Mouvement du nid et Osez le féminisme !, N.D.L.R.) m’a permis de voir à quel point les associations qui luttent contre les violences faites aux femmes le font avec très peu de moyens. Elles font de leur mieux, grâce à l’implication de bénévoles formidables. Mais ce n’est pas suffisant.

D’un côté il y a les discours, l’envie que ça change, et je pense que la plupart des gens souhaitent vraiment l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais de l’autre côté, on a vraiment l’impression que ces associations se battent contre une montagne avec trois bouts de ficelle. Il y a donc un enjeu, ce n’est pas le seul mais il est essentiel : définir les outils, les moyens et les armes qui seront utilisés pour gravir cette montagne.

La Fondation des femmes a été créée avec cet objectif : récolter et mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’action de ces associations. L’idée, c’est de faire en sorte que de nouvelles solutions émergent pour que, demain, il y ait moins de discriminations, moins de violences dirigées contre les femmes, plus d’égalité, davantage de plaintes déposées et plus d’agresseurs condamnés. On ne peut pas se contenter des discours.

Concrètement, comment aidez-vous ces associations ?

A-C. M. : De trois façons. D’abord financièrement, nous montons des événements, des collectes auprès du grand public dont les fonds sont reversés aux associations pour qu’elles puissent mettre en place leurs projets. Parmi ces événements, nous organisons régulièrement la Nuit des relais. Une grande course solidaire ouverte à tous, dont la prochaine édition aura lieu le 4 décembre au Grand Palais à Paris.

Nous avons aussi lancé la campagne #MaintenantOnAgit avec des personnalités du monde du cinéma pour inciter les gens à faire des dons, qui ont ensuite servi à soutenir les associations d’aide aux femmes qui étaient saturées d’appels après l’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo. On apporte également une aide matérielle : nous avons ouvert un espace de coworking à Paris où les associations peuvent louer à bas prix des locaux ou avoir un accès à des ordinateurs par exemple. La fondation a aussi organisé un Webathon, une grande journée en partenariat avec Google et Facebook, pour les informer de l’impact et de l’utilité des réseaux sociaux afin qu’elles puissent les utiliser au mieux.

Enfin, nous disposons d’un réseau d’avocats et d’avocates pour tout ce qui concerne leurs problématiques juridiques. Aujourd’hui, n’importe quelle association ayant besoin de défendre une victime de violences conjugales peut nous contacter et obtenir de l’aide.

Quelques mois après l’affaire Weinstein et #MeToo, où en est-on quant aux violences faites aux femmes ?

A-C. M. : L’affaire Weinstein et le mouvement #MeToo ont permis de libérer la parole des femmes, c’est une réalité. On l’a dit, elles sont plus nombreuses à appeler les associations, à demander de l’aide. À présent, le grand défi pour notre société, pour les politiques, pour les associations… pour tout le monde, c’est celui de la justice. Aujourd’hui, le sujet commence à être mieux traité dans les médias et on constate globalement une intolérance de l’opinion publique face aux violences faites aux femmes. Mais une fois qu’elles ont porté plainte, que se passe-t-il ? Sur quoi cela débouche-t-il ? En général, sur pas grand-chose.

Actuellement, seules 10 % des femmes victimes de viol portent plainte, et seulement 10 % d’entre elles voient l’agresseur condamné. C’est donc un crime qui reste immensément impuni. Il faut que les textes de loi aillent plus loin, que l’accueil dans les commissariats s’améliore, que les plaintes et les procédures soient facilitées. Pour cela il faut dépasser le stade des discours et donner des moyens. Le rôle des associations, qui est d’accompagner et de soutenir les femmes victimes tout au long de ce parcours de la combattante, est souvent décisif.

Par Delphine Delarue (ANPM-France Mutualité)

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