Ces bénévoles qui luttent contre la fracture numérique

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Par Pauline Hervé

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Dans huit villes en France, Emmaüs Connect agit pour donner à tous ceux qui en sont éloignés les clés du numérique et d’Internet. Un enjeu d’insertion crucial à l’heure où les démarches pour l’emploi et l’administration se dématérialisent.

« Avant de venir à Emmaüs Connect, je ne savais pas envoyer d’e-mail, ni faire mes actualisations en ligne sur Pôle emploi… Comme beaucoup de gens, ni jeune ni “vieille”, j’étais simplement décalée par rapport à tout cet univers ». En deux phrases, Christine Cabrafiga, 60 ans, ancienne vendeuse en boulangerie en recherche d’emploi, résume ce que vivent un grand nombre de Français : l’illectronisme ou illettrisme numérique. Ce terme désigne l’impossibilité de se servir des outils numériques, par manque de connaissance. Cela toucherait près de 15 % de la population. Et près d’un quart des Français disent se sentir « mal à l’aise » avec le monde du numérique, et abandonner en conséquent certaines démarches, selon une récente étude menée par CSA pour le syndicat de la presse sociale.

 

A lire aussi : La fracture numérique

Notre dossier sur la fracture numérique avec des solutions, le point sur la télédéclaration fiscale et des témoignages.

 

Obstacle à l’emploi et à l’insertion

« Demandes d’accès aux droits, allocations logement, RSA, assurance retraite, Pôle emploi : tout ceci se mène aujourd’hui en ligne », égrène Marion Lélu, directrice des opérations France Sud pour Emmaüs Connect. Cette association est née en 2013 d’un constat : pour les personnes en recherche d’emploi et en processus d’insertion, l’un des plus gros obstacles était le fait de ne pas avoir de téléphone ou de connexion. « Puis on s’est aperçu que ce problème va au-delà de l’emploi mais dépasse aussi la question même de l’équipement technologique : c’est le savoir-faire numérique et la confiance en soi qui manquent », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, 250 bénévoles travaillent au quotidien, dans neuf points d’accueil de huit villes en France, à rapprocher du numérique les personnes qui en restent éloignées.

« Nous proposons un programme de formation sur le terrain, qui a déjà touché 35 000 bénéficiaires, des formations aux professionnels (Pôle emploi, CAF, missions locales), et de la sensibilisation au sujet de l’inclusion numérique, auprès des collectivités locales notamment », détaille Marion Lélu.

 

Formations personnalisées

Sur le terrain, comme au point d’accueil Emmaüs Connect de Bordeaux, les bénévoles proposent des formations selon le besoin des personnes qui poussent la porte. Ce fut le cas de Louise Bonas, 72 ans, orientée ici par le Centre communal d’action sociale de sa ville. « Je suis arrivée avec cette question : on me dit que dorénavant, pour les formalités, tout devra passer par Internet : où puis-je apprendre ? Et cela fait maintenant 16 mois que je viens à Emmaüs Connect plusieurs fois par semaine. » Manier une souris et un ordinateur, créer une boîte mail et envoyer des courriels, faire des recherches sur Internet… Chacun est guidé par les bénévoles et des jeunes en service civique. Des ateliers spécifiques sont aussi proposés régulièrement : « La semaine prochaine, c’est découverte de la tablette tactile ! », détaille la septuagénaire à qui des amis en ont offert une pour garder le lien.

 

Les jeunes aussi

« Emmaüs Connect s’adresse principalement à des publics assez précaires, orientés par les travailleurs sociaux », détaille Marion Lélu d’Emmaüs Connect. Beaucoup ont de petits revenus, sont sans emploi, voire sans logement. Mais par ailleurs nous recevons tout type de profils : pas plus de femmes que d’hommes et pas uniquement des seniors. Certains jeunes en difficulté maîtrisent certes bien Youtube et Facebook mais pas du tout le reste… »

Christine Bonafiga, elle, vient une fois par semaine et mesure les progrès. « Je suis moins hésitante, et surtout je vais pouvoir inscrire cela dans mes compétences professionnelles pour, qui sait, retrouver un emploi. En outre, on s’entraide les uns les autres, il y a ici des personnes qui parlent mal le français, mais on se soutient. C’est un travail formidable que fait Emmaüs Connect, s’enthousiasme la Bordelaise en recherche d’emploi, il en faut davantage en France ! »

Pour Marion Lélu, « Le numérique est un véritable accélérateur d’insertion. Les besoins sont énormes et tout le monde (centres sociaux, CAF, Pôle emploi…) prend conscience de l’enjeu. Nous souhaitons que le numérique devienne une des grandes missions de citoyenneté pour demain. Mais pour cela il faut des moyens notamment humains. »

 

Aller plus loin :

Emmaüs Connect : actualités et infos pratiques des points d’accueil de l’association. Devenir bénévole pour Emmaüs Connect.

Le baromètre du numérique 2017 : étude sur les usages du numérique en France menée par le secrétariat d’État au Numérique.

L’illectronisme en France : enquête menée par l’institut CSA pour le syndicat de la presse sociale, juin 2018

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