Bibliothèques d’objets : et si vous empruntiez au lieu d’acheter ?

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Par Natacha Czerwinski

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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Après avoir fait leurs preuves à l’étranger, les « bibliothèques d’objets » arrivent en France. Ces structures, qui permettent d’emprunter tous types de biens en fonction de ses besoins, sont une bonne façon de limiter les dépenses et la surconsommation. Mais aussi de nouer des liens…

Broyeur à végétaux, groupe électrogène, échafaudage, motoculteur ou encore tondeuse… Cette liste aux allures d’inventaire à la Prévert n’est pas le contenu du garage d’un féru de bricolage et de jardinage, pas plus que le catalogue des promotions du moment d’une enseigne spécialisée. Tous ces objets font partie du « top 10 » des biens les plus empruntés à l’Établi.

Cette association, située aux Ponts-de-Cé, près d’Angers, a lancé en 2015 un système innovant : une « banque d’outils ». Une bibliothèque d’objets dans laquelle les adhérents peuvent piocher, au gré de leurs besoins. De l’appareil à raclette au matelas gonflable en passant par la poussette, 465 objets sont mis à la disposition des membres, par les membres.

« Voir l’objet à travers le service qu’il rend »

« Nous avons tous chez nous des objets qui dorment dans des tiroirs ou qui prennent la poussière dans les placards », souligne Michel Akkaoui, le fondateur de l’association, qui propose également aux usagers un espace de travail collaboratif ainsi que des ateliers thématiques (initiation à la soudure, au travail du bois…).

« En mutualisant ces biens, on rentabilise la quantité de matière et d’énergie qui a été dépensée pour les fabriquer, explique cet ingénieur de formation. L’idée est également de voir l’objet à travers sa fonction et le service qu’il rend : si vous voulez faire un trou dans un mur, ce n’est pas de la perceuse dont vous avez besoin, mais du trou ! »

« Depuis que j’ai découvert l’Établi, je me demande toujours, avant d’acheter un objet, si je ne vais pas pouvoir le trouver là-bas », témoigne Nicolas Delhaye, un commercial de 26 ans qui y a récemment emprunté une décolleuse à papier peint. « Sans elle, j’aurais dû utiliser des produits chimiques, cela aurait été beaucoup moins efficace, et moins écologique. »

Les bibliothèques d’objets : un concept en plein essor

Emprunter une cocotte-minute comme on emprunte un livre. Ce concept de « Library of Things » (littéralement, les « bibliothèques de choses »), né dans les pays anglo-saxons, est en plein essor à travers le monde. Si, en France, on compte déjà de nombreuses « outilthèques » qui font le bonheur des bricoleurs, le système du prêt s’étend peu à peu à toutes sortes d’objets.

D’ailleurs, même les bibliothèques « traditionnelles » s’y mettent : aux 7 Lieux, la médiathèque flambant neuve de Bayeux Intercom, les abonnés peuvent ainsi emporter une guitare chez eux. Dans les prochains mois, machines à coudre, appareils photo ou encore moules à gâteaux originaux viendront compléter le catalogue.

« L’objectif est de permettre aux gens de découvrir sans investir et de développer les savoirs et les savoir-faire, précise Eva Garrouste, directrice de la médiathèque. Dès que nous avons parlé de ce projet, nous avons senti l’enthousiasme et l’impatience du public. »

Réaliser des économies et préserver les ressources

Il faut dire que ce principe de bibliothèque d’objets a tout pour plaire : si l’emprunt permet bien sûr de réaliser des économies, il prend aussi tout son sens dans le contexte actuel d’urgence écologique. « Nous sommes tous de plus en plus conscients que nos ressources sont limitées et nous avons un peu dépassé l’idée qu’il faut posséder une multitude d’objets pour être heureux », estime Emilie Le Goff, chargée d’animation et de développement à l’association nantaise Nous & Co, qui a créé, en novembre 2018, une « Boutique du partage ».

Grâce à un fructueux appel aux dons, la structure a recueilli 70 objets et a rapidement fait des heureux. « Nous avons par exemple prêté un piano électrique à une adhérente pendant 3 mois pour que sa fille essaie l’instrument, détaille la responsable. Au moment de Noël, certains membres sont aussi venus chercher du mobilier supplémentaire. Il y aura toujours des choses qu’on aura envie d’avoir à soi, mais on s’est tous dit au moins une fois que c’était un peu embêtant d’avoir à acheter tel ou tel bien… Souvent, on sollicite sa famille, ses amis. Mais pour des personnes qui n’ont pas ce cercle social, la Boutique du partage joue ce rôle. »

Un lieu accessible et rassurant

La dimension humaine est en effet l’autre grand atout de ces bibliothèques d’un nouveau genre. À l’heure du tout Internet et de la multiplication des plateformes d’échange entre particuliers, ces espaces constituent un lieu accessible et rassurant. « Ce n’est pas forcément évident de prêter ses affaires à des inconnus, reconnaît Emilie Le Goff. À la Boutique, l’association fait l’intermédiaire, il n’y a pas d’enjeu personnel ni affectif. »

« Quand une personne veut emprunter un objet, on s’assure que celui-ci soit adapté à son projet et qu’elle sache bien s’en servir, ajoute Michel Akkaoui. Et quand l’outil revient, on vérifie qu’il soit en bon état. Qui plus est, il y a toujours un bénévole pour discuter du projet lui-même. »

Forcément, en misant sur ces valeurs de dialogue et de générosité, ces structures permettent également de retisser un réseau de confiance dans un quartier. « Des échanges de service se sont faits d’eux-mêmes entre membres de l’association », indique Emilie Le Goff, qui organise des rendez-vous réguliers (ateliers, apéro) pour faciliter les rencontres. « L’un d’eux a par exemple installé une télévision chez une dame, tandis qu’une autre a conduit une adhérente en voiture. » Dans ces bibliothèques-là, on partage décidément plus que des objets…

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