Bibliothérapie : des « consultations » littéraires pour soigner son mal-être

Publié le

Par Natacha Czerwinski

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

Illustration
Confident mature businesswoman facilitates Bible study or book club at the office. © Getty Images

Problèmes de couple, difficultés professionnelles, énergie en berne : et si la solution était dans la littérature ? Des bibliothérapeutes vous proposent de cibler les ouvrages les plus à même de répondre à votre problématique. Si la pratique reste encore confidentielle, elle séduit de plus en plus.

« Proposer un livre ou un poème qui sauront restaurer ce qui est abîmé, consolider ce qui menaçait de s’effriter » : voilà comment Nathalie Palayret conçoit son métier de bibliothérapeute. Après 25 années comme bibliothécaire, cette passionnée de poésie a choisi, il y a cinq ans, de retrouver un « lien direct » avec le texte et le lecteur. Elle fournit désormais des prestations (payantes) de médiation littéraire à celles et ceux qui la sollicitent, que ce soit en séance individuelle ou en atelier collectif. 

Son approche ? La bibliothérapie « créative ». En fonction des problématiques identifiées en amont avec son interlocuteur (problème de couple, difficulté professionnelle, conflit familial…) et de ses habitudes de lecture, Nathalie Palayret sélectionne des extraits de romans ou des poèmes qu’elle lit à haute voix lors de l’entretien. Puis, elle invite le ou les participants à écrire un texte à partir de ce qu’ils ont entendu. « Ecrire, c’est choisir des mots et, en se relisant, les gens prennent conscience de certaines choses », explique la quinquagénaire qui, pour finir, envoie une liste de lectures complémentaires aux personnes qu’elle a accompagnées. 

« J’insiste toujours sur le fait qu’étymologiquement, le mot ‘thérapie’ veut dire prendre soin, et non guérir, précise Nathalie Palayret. Je ne suis pas médecin, ni psychologue. J’écoute une histoire de vie comme on écoute un récit et la relation qui se noue pendant la rencontre est triangulaire : il y a la personne, le texte et moi. »

La lecture favorise l’imagination 

Née aux Etats-Unis en 1916 et bien développée dans les pays anglo-saxons, la bibliothérapie se définit comme l’utilisation de lectures sélectionnées en tant qu’outils thérapeutiques afin de résoudre des problèmes personnels. L’activité, qui peut se pratiquer seul en s’appuyant sur des ouvrages spécialisés (voir encadré), commence à se professionnaliser en France. « On dénombre une cinquantaine de praticiens, mais de plus en plus de personnes nous contactent pour savoir comment se former », assure Arnaud Demaison, président de l’Association francophone de bibliothérapie. Cette dernière s’emploie à structurer la pratique et à la faire reconnaître (actuellement, elle n’est régie par aucun diplôme officiel). 

« Des études ont montré que la lecture a un effet stimulant sur le psychisme car elle favorise l’imagination, la rêverie, l’empathie, souligne le spécialiste. Elle suscite également l'émergence d'affects et de souvenirs, surtout si elle est accompagnée. Et c'est aussi en cela qu'elle soigne. »

« Parler d’un livre est souvent un prétexte pour parler de soi »

« Chaque bibliothérapeute a son approche »

Cette branche de l’art-thérapie, adaptée aux troubles légers, s’adresse à tous publics (enfants, adultes, personnes âgées) en quête de réconfort, d’apaisement, ou tout simplement d’un échange bienveillant autour de la lecture. « Chaque bibliothérapeute a son approche, indique Arnaud Demaison. Certains prescrivent des livres, d’autres incitent les gens à se diriger d’eux-mêmes vers ce qui les intéresse. Le principe n’est pas de donner un mode d’emploi, plutôt de permettre aux participants d’évoquer des choses indirectement. Car parler d’un livre est souvent un prétexte pour parler de soi. »

La démarche séduit aussi par son accessibilité. « Une ou deux séances de bibliothérapie, c’est moins engageant que de se lancer dans un processus avec un psychologue », estime Claire Felep. La jeune femme a fait appel à Nathalie Palayret alors qu’elle était en recherche d’emploi et qu’elle se sentait dans une impasse professionnelle. « J’ai été touchée et émue par les extraits qu’elle a choisis, raconte cette Bretonne de 27 ans. Cette séance m’a remotivée, donné confiance. Elle m’a permis de prendre du recul sur ma situation. »

La bibliothérapie « reconnaît le patient dans sa personnalité »

Les livres permettent de se sentir moins seul

 « Quand on est dans un marasme, on tourne en rond. Les livres et les mots ouvrent la fenêtre. On se dit qu’on n’est pas tout seul et, en même temps, cela permet de se tourner vers l’avenir », renchérit Pascale, 50 ans, qui a consulté Nathalie Palayret parce qu’elle traversait un épisode dépressif. « Le bibliothérapeute nous propose un autre regard sur le mal-être que l’on vit, sans chercher à intellectualiser, détaille cette bibliothécaire. L’exercice touche à l’émotion, aux sens. Evidemment, le bénéfice n’est pas immédiat – ce n’est pas un cachet qu’on avale ! – mais, avec le temps, ça mature. » 

Pour le Dr Pierre-André Bonnet, auteur d’une thèse intitulée La bibliothérapie en médecine générale, cette pratique « n’exclut pas les soins techniques (psychotropes, prise en charge spécialisée…), mais elle reconnaît le patient dans sa personnalité. » « La bibliothérapie est peut-être le chaînon manquant dans une prise en charge globale des patients », écrit-il. « Quand on lit un bon livre, on est content de le retrouver, c’est comme si on retrouvait un ami, résume joliment Arnaud Demaison. Et le bibliothérapeute peut vous mettre en relation avec cet ami. »

Bibliothérapie, mode d’emploi

Plusieurs publications ont été consacrées à la bibliothérapie :

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