Claudie Haigneré : « l’élan qui nous pousse à aller de l’avant »

Publié le

Par Angélica Tarnowska

Temps de lecture estimé 3 minute(s)

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© ESA – Nadia Imbert-Vier

Claudie Haigneré est médecin et spationaute. Elle a été la première femme française à aller dans l’espace. Ministre de 2002 à 2005, elle est conseillère à l’Agence Spatiale Européenne.

Quelle est votre définition de l’optimisme ?

Claudie Haigneré : Pour moi, l'optimisme est l’élan qui nous pousse à aller de l'avant. Comme le disait Winston Churchill, « un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté ! ».

 

Est-ce que le désir d'aller dans l’espace était ancré en vous depuis l’enfance ? Relevait-il d’un bel optimisme ou simplement d’un rêve ?

Claudie Haigneré : En juillet 1969, à douze ans, j’assiste, émerveillée, aux premiers pas de l'homme sur la Lune. C’est ainsi que naquit mon désir d'aller dans l’espace. Plus tard, devenue médecin rhumatologue à l'Hôpital Cochin, je saisis l'opportunité de réaliser mon rêve en découvrant un appel à candidature. L’Agence Française de l'Espace recrutait des astronautes pour mener à bien des programmes scientifiques à bord des stations spatiales. C’était inespéré, alors j’ai eu l'audace de tenter ma chance et l'optimisme de penser que c'était mon chemin ! Au bout de onze années de sélection, je me suis envolée à deux reprises, en 1996 et en 2001.

 

Voyager dans l’espace vous a-t-il transformé ?

Claudie Haigneré : Bien sûr. Pour commencer, je suis resté émerveillée devant la beauté stupéfiante du spectacle, et devant sa rareté, j’ai ressenti le privilège fou d'être en orbite. Puis j’ai soudain réalisé la fragilité de notre planète et notre responsabilité à la préserver. J’ai acquis une vision plus globale des enjeux de notre société, et aussi développé le sens du devoir de la transmission, de la pédagogie et du partage. Ce qui a boosté mon optimisme dans l’aventure spatiale multiculturelle, c’est d’être plus forts en mettant nos intelligences individuelles au service d'une intelligence collective.

 

Quelles sont les relations que l’on peut établir entre optimisme et science ?

Claudie Haigneré : En explorant le réel, la science est un outil de compréhension des phénomènes, elle recherche des vérités, réduit des ignorances, rejette le faux. Mais comme l’a écrit Edgar Morin, « cette science élucidante, enrichissante, conquérante, triomphante, nous pose de plus en plus de graves problèmes qui ont trait à (…) l’action qu’elle détermine, à la société qu’elle transforme ». Pour moi, il ne faut pas que la peur du risque et le principe de précaution viennent à masquer les espoirs de progrès. Laissons-nous porter par un optimisme intelligent, responsable, anticipateur, nourri d'une réflexion éthique autour de valeurs humanistes, pour orienter et choisir les futurs souhaitables à notre humanité !

 

Vous avez été ministre. L’optimisme sert-il le pouvoir ?

Claudie Haigneré : Dans les sphères du pouvoir, l’expérience est différente. Le politique doit décider dans un monde complexe, ambigu et incertain. Il doit le faire avec intelligence. Mais il lui faut allier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté. Comme l'a dit Jean Monnet, « je ne suis pas optimiste, je suis déterminé ». Ce qui stimule mon optimisme aujourd’hui ? Célébrer les vertus de l'incertitude comme capacité à exercer sa liberté et son libre arbitre, avec une faculté de joie et d'émerveillement. Dans ce XXIe siècle, nous n'avons pas d'autre choix que d'être encore plus intelligents. Et c'est toute la raison d'être de notre humanité.

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