Comment parler de la mort en hôpital ou en Ehpad ?

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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A devastated senior man dealing with some terrible news © Getty Images

Dans la plupart des cas, la mort survient à l’hôpital ou en Ehpad. Quelle attitude avoir avec les patients en fin de vie ? Comment les soignants se préparent-ils à cette réalité ? Ces questions ont fait l’objet d’une table ronde lors de la 3e édition du colloque « La mort si on en parlait » les 4 et 5 novembre 2021 à Nantes.

Dans l’idéal, on préférerait mourir chez soi, entouré des siens. Mais c’est en général dans un hôpital ou dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes que la vie s’éteint. Anaëlle Leneveu, psychologue en Ehpad, a rappelé cette réalité en préambule de la table ronde « La mort en hôpital, comment on en parle ? », qui s’est tenue à Nantes le 4 novembre 2021 dans le cadre du colloque « La mort si on en parlait » *.

La praticienne a recueilli les témoignages des résidents et des soignants de son établissement qui affirment que la vie comme la mort peuvent être des moments d’une grande richesse quand on se soucie d’autrui. « On ne peut pas se mettre à la place d’un patient mais on peut essayer d’être au plus proche de lui. » C’est à quoi s’emploient ceux qui accompagnent les personnes en fin de vie.

« Les professionnels de santé se sont souvenus de la fois où ils n’ont pas eu à agir comme des soignants pour soigner. C’est-à-dire qu’ils sont sortis de leur rôle traditionnel pour mieux s’adapter à la personne qu’ils entouraient ». Et Anaëlle Leneveu de raconter toutes ces histoires humaines où la blouse blanche est laissée de côté, dont celle de cet infirmier qui a fumé une dernière cigarette avec son patient condamné.

Une double responsabilité : celle de soignant et celle d’humain

De l’engagement, de l’empathie, de l’écoute, il en faut quand on travaille dans un service où l’on côtoie régulièrement la mort. « Se cantonner à une seule démarche normative et professionnelle n’est pas suffisant », admet le professeur Gérard Dabouis, responsable adjoint du centre d’éthique de la clinique mutualiste Jules-Verne à Nantes. Le docteur Florence Deciron-Debieuvre, cheffe de service du Samu de la Sarthe, est de cet avis. « Quand on est un professionnel de santé, on a une double responsabilité, celle de soignant et celle de vivant, d’humain. »

Le professeur Dabouis observe que les patients ont une histoire de vie, un vécu « dont on ne peut pas faire l’économie de l’écoute. » Et les soignants doivent être prêts à faire face à l’éventualité de la mort, même dans les services hospitaliers où elle n’est pas censée survenir. « Il faut avoir autant de vigilance dans une salle d’accouchement qu’en soins palliatifs. »

Dans ces moments délicats, la parole et la solidarité entre collègues sont essentielles. Valérie Demarle est la directrice du pôle « personnes âgées » VYV3 des Pays de la Loire. Elle en fait le constat avec son équipe pluridisciplinaire. « L’intervention du psychologue est un temps fort dans ces échanges car il apporte avis, conseils et éclairages à l’ensemble des soignants confrontés à des situations difficiles. »

La présence et l’écoute indispensables dans l’accompagnement de fin de vie

On ne peut jamais prévoir l’heure et la date d’un décès. « On peut donner au patient des tranches de temps, expliquer ce qui va se passer dans les étapes de sa prise en charge », confie le docteur Deciron-Debieuvre du Samu de la Sarthe. À la question « Quand vais-je mourir ? », le soignant doit saisir s’il y a une angoisse de la personne qui s’exprime, un besoin d’être rassurée, de faire passer un message aux proches… « C’est pour cela que la présence et l’écoute sont indispensables ainsi que la cohésion d’équipe. Il faut permettre et encourager la parole et les émotions de la personne qui va partir », poursuit Valérie Demarle.

Dire à une personne en fin de vie qu’elle va mourir n’est pas un exercice aisé et télécommandé. Le docteur Florence Deciron-Debieuvre a été confrontée à des cas de figure où elle a estimé qu’il ne fallait pas s’étendre. D’autres où elle s’est exprimée. « Avec mon équipe, nous portions assistance à une personne, consciente, qui allait partir dans les heures qui suivaient. Une situation terrible, abrupte. On a choisi de ne pas évoquer la fin pour que le patient souffre moins. » Quelques temps plus tard, la cheffe de service du Samu ne cachera rien à un autre patient, apte à entendre ce qui l’attend.

La formation des soignants à la mort est essentielle

Florence Deciron-Debieuvre reconnaît la perplexité et la difficulté devant laquelle ses coéquipiers et elle-même peuvent être placés : « On se pose beaucoup de questions à savoir si on a bien fait, si on avait le droit ou pas d’annoncer la mort… Lorsqu’une personne est dans le déni de la mort, par exemple, doit-on forcément insister devant le peu de temps qu’il lui reste ? Je crois qu’il faut respecter son déni. »

La formation des soignants à la mort est centrale dans le parcours professionnel comme l’explique le professeur Gérard Dabouis. « On apprend à travailler sur le langage à employer, la bienveillance et l’écoute, mais aussi à poser son souffle, sa voix, à bien articuler. » Le docteur Deciron-Debieuvre, cheffe du Samu de la Sarthe, supervise des formations sous forme de simulations. « On se met à la place du patient, de la famille, dans une situation d’annonce. » Le pôle « personne âgées » que dirige Valérie Demarle a aussi développé à la demande du personnel un plan de formation pour mieux gérer la mort.

*Ce colloque est à l’initiative du groupe VYV et de la MAIF.

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