Covid-19 : la langue des signes s’impose à la télévision

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

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Julie Saidlitz est interprète en langue des signes. Depuis le début de la crise sanitaire, elle intervient aux côtés du ministre de la Santé lors de ses interventions audiovisuelles. Elle raconte son métier, sa passion.

Le pouce touche le bout des autres doigts pour former une sphère. La deuxième main se déploie en couronne de piques au-dessus du cercle constitué par la première. C’est ainsi que se dit coronavirus, ou Covid-19, en langue des signes. Et ce dans le monde entier. C’est assez rare pour être souligné. « En général chaque pays a sa langue, avec ses signes, ses expressions propres, bien qu’il y ait une base commune à toutes », commente Julie Saidlitz.

Cette Héraultaise sait de quoi elle parle. Depuis le début de la crise sanitaire, elle intervient aux côtés du ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, et des membres de son département, lors de leurs interventions audiovisuelles sur le virus. Julie et ses collègues de Trilogue, société parisienne de service d’interprétation en langue des signes française (LSF), se relaient dans cette tâche informative et essentielle pour les personnes sourdes et malentendantes.

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Julie Saidlitz, interprète en langue des signes

L’interprète en langue des signes enfin placé à côté du locuteur

C’est une grande première. Jusqu’alors les interprètes étaient contenus dans des médaillons, placés en haut ou en bas de l’écran, ou se positionnaient à l’arrière du locuteur. Ce qui compliquait la compréhension du message délivré. « Les gens ne voient pas grand-chose quand on est loin ou représentés en minuscule. C’est comme si l’on parlait en chuchotant à quelqu’un qui entend », souligne la polyglotte. Alors, l’ensemble de la profession se félicite de la proximité affichée.

Le fait que l’interprète soit à la même hauteur, non loin de l’intervenant, permet aux personnes sourdes de suivre l’information correctement. Comme les entendants. « L’image est symbolique, forte. Lors des interventions du président de la République sur le terrain, l’interprète en langue des signes était aussi à ses côtés. On espère que cela va durer, que cela devienne la norme ». Julie précise que les gestes barrières sont suivis scrupuleusement et qu’une distance d’au moins un mètre est observée entre chaque personne.

Chaque intervention est préparée, documentée

Julie s’est éprise de la langue des signes très tôt. Par curiosité et par goût. « J’ai pris des cours dans une association à Montpellier, fréquenté les milieux sourds pour pratiquer. J’ai compris qu’il y avait de sérieux manques et besoins. Ce qui est toujours le cas ». Après un master en sociologie, elle s’inscrit à l’université à Paris afin de s’orienter vers l’interprétariat en langue des signes française. Elle obtient son diplôme professionnel en 2010 à l’Université Vincennes-Saint Denis, Paris 8.

Chaque intervention demande de la préparation, que ce soit avec un officiel ou un particulier, dans la sphère publique comme privée. « L’interprète peut intervenir dans les actes de la vie quotidienne comme un mariage, un examen scolaire, une réunion de copropriété ». Julie, ses consœurs et ses confrères se documentent sur le Covid-19 avant chaque allocution. « On passe du temps à éplucher la presse généraliste ou spécialisée, les réseaux et médias en LSF, pour se tenir au courant des nouveaux concepts, de l’évolution du virus, de l’avancée de la recherche ».

La LSF : une langue reconnue depuis 2005 seulement

La langue des signes française est reconnue comme une langue à part entière depuis seulement 2005 en France. On compte pourtant, dans notre pays, 300 000 personnes sourdes et 4 millions d’individus atteints de problèmes auditifs à des degrés plus ou moins élevés. Julie refuse de réduire cette langue visuelle et gestuelle au seul handicap auquel il répond. « C’est une langue comme les autres, vivante, en perpétuelle évolution, que l’on peut tous apprendre. On peut tout dire avec cette langue, parler de tout : employer des termes juridiques, médicaux, techniques… ».

La langue des signes possède ses vieux mots, ses néologismes, son argot. Elle diffère quelque peu d’une région à l’autre. Et Julie d’ajouter : « C’est comme le français courant. Le Nord a ses expressions, ses mots que l’Est n’utilise pas. Lorsque je suis arrivée à Paris, les gens ont très vite perçu que j’étais du midi dans la langue des signes que j’employais ».

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