Deuil blanc : comment faire le deuil d’un proche malade en perte d’autonomie ?

Publié le

Par Peggy Cardin-Changizi

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
Une femme qui réconforte son mari © Getty Images

On parle de deuil blanc lorsqu’une personne, qui est toujours en vie, perd progressivement ses facultés cognitives en raison d’une maladie neurodégénérative. Une souffrance ponctuée de frustrations, parfois de colère, qu’il est important d’identifier afin d’éviter des situations d’épuisement physique et psychique notamment chez l’aidant principal.

On pourrait définir le deuil blanc comme une forme de deuil avant le deuil. Ce terme, qui a émergé avec la maladie d’Alzheimer, qualifie en effet l’ensemble des pertes que vivent les personnes - aidants, familles, proches - accompagnant une personne qui, petit à petit, perd ses capacités cognitives, affectives et de communication au point de ne plus ressembler à la personne qu’elle était auparavant.

La perte progressive de la relation d’échange

« La personne aimée n’est pas décédée, elle reste physiquement présente mais elle n’est plus la même qu’avant car touchée par une pathologie neurodégénérative (Alzheimer, Parkinson, démence, certains cancers…), altérant petit à petit ses fonctions cognitives », explique Judith Mollard, expert psychologue pour l'association France Alzheimer. Ce qui a disparu et dont l’aidant doit faire le deuil, c’est avant tout la personne qu’il a connue, la relation d’échange avec l’être cher, en incapacité à un stade évolué de la maladie neurologique d’exprimer des éléments de communication, de lui retourner des manifestations visibles des liens affectifs antérieurs, ou même de le reconnaître ».

Un deuil sans décès

Cette situation n’est pas comparable au deuil rencontré lors d’un décès « classique » qui survient lorsqu’il y a mort physique ; la personne en deuil sait alors qu’elle pleure un être disparu. De même, que le deuil blanc n’est pas le deuil anticipé. « Ce terme est utilisé par exemple lors de l’annonce d’une pathologie mortelle (comme certains cancers), sans nécessairement qu’il y ait présence de troubles cognitifs », poursuit Judith Mollard. L’aidant entame alors un travail de deuil par anticipation pour se protéger de la douleur face à l’inévitable.

Exprimer ou non ses émotions

« Cette forme particulière de deuil doit être identifiée car, restée dans l’ombre, elle peut générer des sentiments de colère, de culpabilité ou de solitude », insiste la psychologue. Si pour un décès « classique », on parle parfois des 7 étapes du deuil, pour le deuil blanc, France Alzheimer distingue notamment deux formes : le deuil intuitif et le deuil instrumental. Dans le deuil intuitif, le proche va ressentir le besoin d’exprimer ses émotions. Des émotions diverses que l’on peut retrouver dans tout deuil (tristesse, colère, culpabilité, désespoir, mais aussi solitude, pleurs ou perte d’énergie).

En revanche, dans le deuil instrumental, le proche aura tendance à ne pas parler de ce qu’il ressent. Il va être davantage dans l’analyse. Cette forme de deuil implique de l’anxiété, de l’agitation ou un surcroît d’énergie.

Accompagner l’aidant

« Il est important d’accompagner et de soutenir l’aidant, qui a souvent le sentiment d’être seul et incompris. Il n’est pas rare que le deuil blanc ait des conséquences sur les relations sociales de l’aidant qui préfère se couper du monde ». L’aidant peut alors trouver de l’aide et du soutien auprès de groupes de parole au sein d’associations, de professionnels de santé (psychologues, médecins…) formés à cette problématique ou de son entourage.

Au sein de l’association France Alzheimer, plusieurs dispositifs sont mis en place pour les aidants familiaux. Tout d’abord, des formations animées par un psychologue et un bénévole ayant eu une expérience d’aidant, formés ensemble pour cette action. « Ce travail en binôme apporte des réponses au plus près des réalités vécues par les participants », assure Judith Mollard. Les Séjours Vacances permettent à des couples aidants-aidés de profiter d’activités de loisirs et de détente en groupe. « Cela permet à la fois de créer du lien avec d’autres personnes rencontrant ces mêmes difficultés mais aussi de se rendre compte que la personne malade est encore capable de faire des choses ».

Enfin, des plateformes d’accompagnement et de répit (PFR) - créées initialement pour aider les proches accompagnant au quotidien une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer – proposent une offre diversifiée : accueils de jour, répit à domicile, ateliers de réhabilitation, ren­contres d’aidants, activités sociales et culturelles. Il en existe aujourd’hui plus d’une centaine en France. « Chacun vit son deuil de façon unique, conclut notre experte. Mais il faut être attentif afin d’éviter les situations d’épuisement physique et psychique ».

Par Peggy Cardin-Changizi

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir