Égalité femmes/hommes : des écarts toujours très marqués

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Par Natacha Czerwinski

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L’INSEE a dévoilé la dernière édition de son ouvrage de référence sur les inégalités de genre en France. Qu’il s’agisse d’orientation scolaire, de parcours professionnel, de niveau de rémunération ou même de retraite, les femmes et les hommes ne sont toujours pas logés à la même enseigne, même si certaines disparités s’estompent peu à peu.

Comment les parcours des femmes et des hommes évoluent-ils aux différents âges de la vie (scolarité, vies familiale et professionnelle, retraite) et quelles sont les inégalités qui en découlent ? Dans l’édition 2022 de son ouvrage de référence intitulé Femmes et hommes, l’égalité en question, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montre, chiffres à l’appui, à quel point le genre influence – toujours – les trajectoires professionnelles en France. Et dans quelles mesures les normes sociales ont encore la vie dure.

Des inégalités hommes-femmes dès l’école

Les clivages commencent dès le plus jeune âge. Ainsi, les filles réussissent mieux à l’école que les garçons. Elles ont de meilleurs résultats scolaires, dès l’entrée en CP, et notamment en français. Elles sont également plus performantes dans les examens de fin de cursus (brevet et bac).

Mais, à l’issue du collège, la motivation pour les études et la confiance des filles diminuent. Ce qui a des conséquences sur leur orientation, d’abord au lycée (elles privilégient les SVT* et les cursus en lettres/sciences humaines au détriment des mathématiques), puis dans l’enseignement supérieur.

À l’exception des études de médecine, odontologie et pharmacie, où elles représentent en 2020‐2021 les deux tiers des étudiants, les jeunes femmes restent ainsi minoritaires dans les cursus dits sélectifs ou scientifiques, et de manière encore plus marquée dans les filières à la fois sélectives et scientifiques (écoles d’ingénieurs, classes préparatoires scientifiques). À l’inverse, elles représentent 86 % des étudiants dans les formations paramédicales et sociales et sont majoritaires dans les formations universitaires.

Le phénomène s’explique avant tout par « une autocensure des bachelières dans leurs choix d’études supérieures », analyse l’étude de l’INSEE. « Les lycéennes ne candidatent dans ces segments que lorsqu’elles sont excellentes, au contraire des lycéens qui le font aussi avec des résultats plus modestes », décrypte l’Institut.

« Les orientations distinctes entre les filles et les garçons traduisent une forte intériorisation des stéréotypes de genre qui préfigurent la division sexuée du travail », fait remarquer Sylvie Le Minez, cheffe de l’unité des études démographiques et sociales à l’INSEE.

Les salaires des femmes inférieurs de 22 %

Dans le monde professionnel, hommes et femmes ne sont en effet pas logés à la même enseigne, même si certaines disparités se sont amoindries. Ainsi, le taux d’activité des femmes est aujourd’hui inférieur de 7 points à celui des hommes, contre 31 points en 1975. Les femmes représentent également 43 % des cadres en 2020, contre 21 % en 1982. « La mobilité sociale des femmes par rapport à leur mère a fortement progressé depuis le début des années 1970 », ajoute Sylvie Le Minez.

Il n’en reste pas moins que les femmes connaissent, dès leur entrée sur le marché du travail, des conditions d’emploi moins favorables. Elles occupent un peu plus souvent un poste à durée limitée (CDD) et sont deux fois plus souvent à temps partiel que les hommes.

En 2019, le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 22 % par rapport à celui des hommes (en 1995, c’était 27 %). « Les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes proviennent avant tout d’inégalités d’accès aux emplois les mieux rémunérés, indique l’INSEE. Les femmes représentent la majorité des employés et des professions intermédiaires (respectivement 70 % et 57 % en 2019), alors que les hommes sont majoritaires parmi les cadres. »

La répartition sexuée des emplois demeure forte : les femmes sont nettement plus nombreuses dans le secteur tertiaire. Et tous les salariés ne sont pas concernés de la même manière par les risques professionnels : les hommes sont davantage confrontés à la pénibilité physique, tandis que les femmes sont plus fréquemment exposées aux risques psychosociaux.

« Durant la crise sanitaire, l’intensification du travail et la dégradation des conditions de travail ont été plus importantes pour les femmes, davantage présentes dans les métiers de la santé et de l’action sociale, fortement sollicités au cours de la période », fait remarquer l’INSEE.

Les femmes partent plus tard à la retraite que les hommes

Au moment de la retraite, les divergences perdurent. Dans la génération née en 1950, les femmes sont parties à la retraite en moyenne à l’âge de 60,8 ans, soit un an plus tard que leurs conjoints. En raison de carrières souvent incomplètes, elles sont en effet davantage contraintes de liquider plus tard leur pension afin d’éviter une décote. Qui plus est, elles sont moins souvent éligibles aux dispositifs de départ anticipé prévus pour les carrières longues.

Quant au montant des pensions, il reste lui aussi très inégal. Parmi les retraités âgés de 65 ans ou plus, les pensions de droit direct des femmes (autrement dit celles associées à la carrière professionnelle) sont inférieures en moyenne de 39 % à celles de leur conjoint (981 euros nets par mois contre 1 600 euros).

À noter toutefois que la pension de réversion – dont les femmes bénéficient plus souvent en raison d’une plus grande longévité – permet de diminuer les différences de revenus, en particulier pour les retraités les plus âgés.

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73 % des femmes déclarent faire plus de 7 heures de travail ménager par semaine, contre 31 % des hommes. Crédit photo : Getty Images.

Une inégale répartition des tâches domestiques

Ces trajectoires disparates s’expliquent, en bonne partie, par la délicate conciliation entre les sphères personnelle et professionnelle. Celle-ci incombe, majoritairement, aux femmes, qui restent plus affectées par l’arrivée des enfants. Cela se vérifie aussi bien dans les faits (en 2020, 81% des mères en couple sont en activité, contre 96 % des pères) que dans les représentations. Interrogées sur le premier conseil qu’elles donneraient à des jeunes dans leur recherche d’emploi, 28 % des personnes citent, pour les jeunes femmes, la possibilité de conjuguer vie familiale et professionnelle (contre 18 % pour leurs homologues masculins).

Même si, entre le milieu des années 1980 et 2010, les inégalités se sont réduites, les tâches domestiques demeurent largement à la charge des femmes, rappelle également l’INSEE. En 2016, parmi les personnes en emploi vivant avec au moins un enfant mineur dans le foyer, 73 % des femmes déclarent faire plus de 7 heures de travail ménager par semaine, contre 31 % des hommes.

Et le premier confinement a mis encore davantage ces inégalités en lumière. Entre mars et mai 2020, les femmes ont continué à assumer l’essentiel des tâches domestiques et parentales. 83 % des femmes vivant avec des enfants y ont consacré plus de 4 heures par jour (contre 57 % des hommes). Parmi les personnes en emploi, les mères ont également, deux fois plus souvent que les pères, renoncé à travailler pour garder leurs enfants.

*Sciences et vie de la terre.

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