Florence Servan-Schreiber : « le bonheur se travaille »

Publié le

Par Aurèle Cariès

Temps de lecture estimé 4 minute(s)

Illustration
© Jean-François Chavanne

Florence Servan-Schreiber, formée à la psychologie humaniste et au développement durable en Californie, exerce le métier de professeur de bonheur auprès du grand public et des entreprises françaises. Elle est également conférencière, chroniqueuse et auteure à succès de « Power Patate », « 3 kifs par jour » et « La fabrique à Kifs »*.

À travers vos ouvrages, vous parlez de « muscler son bonheur grâce à la psychologie positive ». De quoi s’agit-il ?

Florence Servan-Schreiber : J’ai découvert la psychologie positive aux États-Unis grâce aux recherches de Tel Ben-Shahar et de Martin Seligman, au tout début des années 2000. La psychologie positive est l’étude scientifique de l’épanouissement, c’est-à-dire des forces et des qualités qui permettent aux individus et aux organisations de s’épanouir. En bref, comprendre ce qui marche et pourquoi ça marche.

La psychologie positive ne doit pas se confondre avec la pensée positive qui prône un bonheur de toute circonstance. La psychologie positive ne gomme pas les difficultés de la vie, les échecs, les souffrances, les maladies. On ne peut oublier que notre histoire personnelle n’est jamais simple. Ce domaine de recherche permet de souligner combien les peuples réagissent différemment au sentiment de bonheur collectif. Les Français ont la réputation d’être pessimistes, de dire que « tout va mal », parce qu’ils n’osent pas montrer leur propre optimisme. Proclamer ses aspirations supposerait de ne pas être conscient ou peu affecté par les difficultés de notre société.

 

En quoi l’optimisme joue-t-il un rôle dans la recherche du bonheur ?

Florence Servan-Schreiber : L’optimisme est tout simplement une interprétation de la vie, à ne surtout pas confondre avec une forme de naïveté. La personne optimiste est tout à fait lucide sur les difficultés des situations ! Elle circonscrit ce qu’il se passe, l’analyse pour en faire quelque chose, rebondir. C’est pourquoi il ne tient qu’à nous de cultiver notre optimisme et de tendre vers le meilleur. Le bonheur ne s’apprend pas mais se travaille.

 

Sommes-nous tous égaux face à l’optimisme ?

Florence Servan-Schreiber : Notre optimisme est conditionné par différents facteurs : 50 % correspondent à une prédétermination des gènes responsables de la sécrétion des neurotransmetteurs (dopamine, endomorphine…). 10 % complètent ce terrain par des éléments extérieurs combinés tels que l’environnement, les événements, le travail, le quotidien. Restent 40 % sur lesquels nous pouvons agir. C’est là que l’interprétation des événements et notre capacité à comprendre ce que nous ressentons viennent se loger.

Notre travail est d’interpréter ce qui nous affecte afin de l’analyser et d’y faire face avec un optimisme réfléchi, sensé et constructif. Notre capacité à être heureux n’est pas totalement prédéterminée, nous pouvons agir. Je suis moi-même d’une nature inquiète et vite stressée. Ce qui me demande beaucoup d’effort. Je me suis révélée des « supers pouvoirs ». J’ai tout simplement mis en valeur les traits de ma personnalité. Je les ai énoncés comme des talents ! À l’américaine ! … et aux antipodes des principes européens beaucoup plus sévères avec nous-mêmes. Mes « supers pouvoirs » sont de bons outils et m’aident à prendre confiance en moi. J’ai gagné en force et en optimisme.

 

La psychologie positive - et plus particulièrement l’optimisme - peut-elle avoir des conséquences sur notre santé ?

Florence Servan-Schreiber : Certaines personnes affaiblies ou souffrantes me le disent : adopter la psychologie positive, c’est mieux vivre au quotidien. Candace Pert, une biologiste américaine, a découvert que les émotions déclenchent la libération de protéines chimiques, les neuropeptides (comme l’ocytocine ou le cortisol), l’adrénaline. Trop d’émotions négatives peuvent provoquer des dysfonctionnements et des maladies (eczéma, surpoids, diabètes, dépression…).

À l’inverse, la joie, l’amour, le bien-être, la sérénité sont des émotions immunostimulantes. Nous avons tort de croire que notre santé dépend de nos gènes et qu’elle est prédéterminée. Les études actuelles montrent combien notre cadre de vie, nos conditions de travail, et les émotions sont des facteurs qui conduisent notre santé. Cultiver un art de vivre, manger sainement et équilibré, dormir « ce qu’il faut », bouger, s’écouter, nous donnent des forces.

 

Quelle est pour vous l’émotion qui accompagne ou s’apparente le mieux à l’optimisme ?

Florence Servan-Schreiber : La cousine de l’optimisme est une autre émotion : la gratitude. Cela revient à se demander : « Quelle est ma chance ? Pourquoi ai-je envie de dire merci ? ». Je l’appelle aussi un kif ! Tout ce qui touche au kif ou à la gratitude favorise le bonheur. La gratitude appartient au registre des émotions plaisantes parmi les 40 % sur lesquels nous avons la main pour enrichir nos vies. Ce sentiment positif est tout d’abord une émotion puis un remerciement aux éléments ou aux personnes qui nous ont menés vers ce moment de satisfaction.

Je vous donne un conseil. Repensez à votre journée depuis le matin. Quels sont trois trucs pour lesquels vous avez envie de dire merci ? Cela peut être un petit rien, impliquant directement quelqu’un, ou provenir d’une situation inexpliquée ou liée au hasard. Le bonheur est accessible.

* Publiés aux éditions Marabout.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir