Harcèlement scolaire : ils nous racontent l’enfer qu’ils ont vécu

Publié le , actualisé le

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

Temps de lecture estimé 9 minute(s)

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Certains de nos lecteurs et lectrices ont subi le harcèlement scolaire quand ils étaient jeunes. D’autres ont des enfants ou des petits-enfants qui connaissent le même sort. Tous nous racontent les insultes, les moqueries de leurs camarades mais surtout leur souffrance face à ces violences. Découvrez leur témoignage.

Chaque année, en France, au moins 800 000 enfants* seraient harcelés à l’école. Le harcèlement scolaire toucherait ainsi 12 % des élèves du primaire, près de 6 % des collégiens et environ 4 % des lycéens*. Un phénomène qui se traduit par des violences répétées, verbales, physiques ou psychologiques. Le harcèlement peut aussi s’opérer via internet (on parle alors de cyberharcèlement). Quelle que soit la forme, les conséquences peuvent être lourdes sur les victimes : perte de confiance en soi, angoisse, phobie scolaire, dépression…

En 2021, sur notre site, nous avons lancé un appel à témoignages sur le harcèlement scolaire, que nous avons également relayé dans notre magazine de juin. Et voici quelques-uns des témoignages, poignants, que nous avons reçus de nos lecteurs.

* Source des chiffres : ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. 

Ne pas rester seul face au harcèlement scolaire

« Ne pas hésiter à en parler »

« J'ai été victime de harcèlement scolaire au collège. Ça a duré deux ans. Je n'en avais parlé à personne (c'est toujours le cas d'ailleurs). Le harcèlement s'est arrêté quand je suis arrivée au lycée. Mais psychologiquement j'avais peur, j’avais des pensées sombres et tristes ainsi qu'une faible estime de moi.

Finalement, recommencer une "nouvelle vie" en quelque sorte m'a permis de remonter la pente tout doucement. Au début, ça a été très difficile surtout parce que je cachais tout ce que je ressentais.

Aujourd'hui, je me sens plus confiante et j'ai moins peur. Mes études supérieures m'ont montré tellement de choses positives, notamment que je comptais réellement en tant que personne, avec ses qualités et ses défauts, et que nul ne pourrait changer ça.

Je me rends compte aujourd'hui qu’il ne faut pas hésiter à en parler à une personne confiance ou à un professionnel si vous en ressentez le besoin, c'est vraiment important.

Merci à vous de parler de sujets aussi importants, cela permettra de peut-être faire prendre conscience de tout ce qui se passe au sein de notre société. »

Léa

Le 3018, numéro d’appel

Le saviez-vous ? Il existe un numéro unique pour s’informer et alerter sur le harcèlement scolaire comme sur le cyberharcèlement. Il permet d’obtenir à la fois de l’écoute et de l’aide pour savoir comment agir, comment réagir. Ce numéro vert est à la disposition des élèves victimes et de leur famille mais également des professionnels qui sont à la recherche de conseils.

En cas de cyberharcèlement, le 3018 permet le signalement direct et prioritaire à la police mais aussi aux réseaux sociaux afin de demander la suppression de contenus ou comptes illégaux.

À noter : le 3018 est gratuit, anonyme et confidentiel. Il est accessible tous les jours, de 9 heures à 23 heures. Il existe aussi une application mobile du même nom.

Déposer plainte pour que cela cesse

« Elle nous a dit qu'elle allait nous quitter et ça a été le déclic »

« Ma fille a été harcelée pendant presque deux ans en primaire. J'ai fait appel à l’école qui a très mal géré la situation. Nous avons été contraints de solliciter l'inspection académique. Savoir que son enfant subit un mal-être quotidien et devoir le mettre chaque jour à l’école est un déchirement.

Un soir, ma fille m'a même reproché de ne rien faire, alors que je faisais tout mon possible mais pour elle ce n’était pas assez rapide car cela durait. Son dernier appel de détresse a été quand elle nous a dit qu'elle allait nous quitter. Ça a été le déclic. Elle me faisait part de la hauteur de sa souffrance et de ses limites. Nous avons déposé plainte. Après une convocation à la gendarmerie, les faits ont cessé.

Nous avons reçu le soutien de notre famille, de nos proches ainsi que de nos collègues et employeurs qui comprenaient la période difficile que nous vivions. Mais nous n'avons trouvé aucun soutien des autres parents de l’école ou des élèves. Ils se muraient dans le silence jusqu'au jour où le harceleur s'en est pris à un autre camarade. Je me suis sentie à la fois soulagée et peinée pour la nouvelle victime. »

Deunia

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Environ 700 000 enfants sont victimes chaque année de harcèlement scolaire. Cela peut se passer dans la cour de récré ou via les réseaux sociaux. Crédit photo : Getty images.

Le harcèlement peut provoquer une phobie scolaire

« C’était un enfant rieur, intelligent, travaillant bien à l’école »

« En CM1, mon petit-fils a été victime de trois enfants qui profitaient de la récréation pour le battre à plate couture. Il est allé se plaindre à son maître qui les a grondés. À la récréation suivante, ils ont recommencé mais cette fois-ci le maître ne l’a pas cru. Et à chaque récréation, il était l’objet de bonnes raclées sous l’œil de deux maîtresses censées surveiller.

Mon petit-fils boitait souvent mais, aux questions de sa mère, il disait qu’il était tombé. Un jour, elle l’a surpris sous la douche les fesses en sang et là, il a tout raconté. Elle a profité des vacances pour le changer d’école et la fin de l’année s’est bien terminée.

Mais il a beaucoup changé. D’un enfant rieur, intelligent, travaillant bien à l’école, intéressé par beaucoup de choses, il s’est enfermé dans le silence et reste des semaines entières dans sa chambre, sans sortir. Il ne fait plus confiance à personne, ne veut même plus qu’on le prenne en photo. Les seuls amis qu’il a sont ceux avec qui il communique sur son ordinateur et qu’il ne connaît pas physiquement.

Actuellement, il est en 4e et il a développé une phobie scolaire. Souvent, il vomit le matin avant de partir au collège. Il a cependant une bonne moyenne. Mais il ne sourit plus. Ses parents se sont séparés et il ne veut plus voir son père. Il est suivi tous les quinze jours par une psychologue qui donne aussi des conseils à sa mère qui se sent quelquefois dépassée.

Récemment, pour la première fois depuis longtemps, il a pris sa mère dans ses bras. Moi, sa grand-mère, je suis triste. Il ne vient plus à la maison nous voir. Si quelqu’un peut nous donner des conseils. Je suis preneuse. »

Annick (le prénom a été modifié à sa demande)

Trouver aussi des conseils sur le site Non au harcèlement

Le site internet education.gouv.fr/non-au-harcelement, géré par le ministère, permet lui aussi de lutter concrètement contre le harcèlement scolaire. Par exemple, la rubrique « J'ai besoin d'aide/Mon enfant est victime de harcèlement », qui s’adresse aux parents, donne des outils et des conseils pratiques pour sortir de cette violence physique et/ou psychologique.

La peur, la honte, un manque de confiance en soi…

« Cet épisode de harcèlement a causé une sorte de paranoïa »

« À l'entrée au collège, j'ai été pris comme bouc émissaire par des petits caïds. Ils s'y mettaient toujours à plusieurs après m'avoir isolé dans un coin. Ça a duré tout le reste de ma scolarité. Le problème est qu'on ne comprend pas tout de suite pourquoi on devient un souffre-douleur, ni ce qui peut motiver d'être soumis à des humiliations, voire à des coups.

Une fois adulte et étudiant, les choses se sont un peu calmées. Et puis on apprend à faire son possible pour dissimuler sa différence.

Quand on est insulté et même agressé (dans la rue) à l'âge adulte, on se sent moins sans défense qu'enfant parce qu'on connaît ses droits. On sait qu'on peut porter plainte. Je n'avais pas osé prévenir mes parents au collège. C'est une de mes profs qui avait convoqué ma mère. Mais c'était la dernière année, donc les choses se passaient moins mal puisque j'étais "un grand" et non plus un "petit 6e" vulnérable.

Cet épisode de harcèlement a causé une sorte de paranoïa chez moi. Quand je sors dans la rue (et cela est encore plus le cas de nuit), je garde tous mes sens en éveil et mon radar mental est aux aguets pour détecter le moindre signe d'alerte. Je ressens de la honte aussi de ne pas avoir su ou pu me défendre par moi-même. De ne pas avoir flanqué une dérouillée aux petits pervers qui s'en prenaient à moi.

Aujourd'hui, je ne suis pas satisfait de la vie que je mène. Je n'ai pas réussi à m'épanouir dans une relation sécurisante. Est-ce lié ? Sans doute, du moins en partie car ma confiance en moi a été totalement détruite au collège et ne s'est jamais reconstruite. »

Alexandre

Le harcèlement scolaire peut aussi venir d’un enseignant

« Mes petits camarades de classe me consolaient »

‌« J’ai vécu un harcèlement de la part d'une enseignante qui a détruit mon enfance, à partir du CE2. Elle m’a bourrée de complexes.
J'étais une petite fille brune et pleine de taches de rousseurs sur le visage. Elle me faisait passer au tableau, debout, et commençait à me dire des méchancetés. "Alors Patricia, je vois que tu as passé ton week-end, au soleil, avec une passoire, car tu es pleine de tâches de rousseurs. Regarde-moi quand je te parle STP." Et moi, en pleurs, je la regardais et lui répondais : "Non maîtresse" et elle : "On ne répond pas STP". Une fois qu'elle m'avait fait bien pleurer et fait rire mes camarades, elle me disait : "Maintenant, va t'asseoir à ta place".

Je rentrais tous les midis à la maison en pleurs. Mes petits camarades de classe me consolaient en me disant : "Mais laisse-la dire, elle est méchante. Et nous, on rit pour lui faire croire que cela nous amuse alors que pas du tout, et nous te plaignions. Mais parles-en à ta maman."

Plus d'une fois, maman est allée voir l'enseignante, la directrice de l'école, mais ces dernières avaient l'audace de dire que je mentais. Elle m'a emmené dans un centre psychopédagogique consulter des psys, des éducateurs, une fois par semaine pendant un an. Ils m'ont aidée à être plus forte et à ignorer ses injures.

Aujourd'hui, j'ai 50 ans de plus, et, heureusement j'avais une maman sensationnelle qui a su écouter ma grande peine et mon désespoir. Et grâce aux psys et aux éducateurs, je sais maintenant faire face à la méchanceté, car je n'ai presque plus de taches de rousseurs mais un handicap, après un accident de la route à 18 ans, avec des séquelles hémiplégiques. »

Patricia

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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