Ces hommes qui exercent un métier « de femme »

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Par Angélique Pineau

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Assistant maternel, sage-femme, aide à domicile... Ils ont choisi un métier que l’on croit, à tort, réservé aux femmes. Portraits.

Si l’on entend souvent parler de femmes exerçant un métier dit « d’homme », comme routier ou peintre en bâtiment, les hommes qui ont opté pour un métier « de femme » sont plus rarement médiatisés. Et pourtant, eux aussi doivent faire face à certains préjugés. Essentiel Santé Magazine est allé à la rencontre de trois d’entre eux.

 

Faire ses preuves

Ingénieur qualité dans l’agroalimentaire, Patrice Fricard se retrouve au chômage en 2004, suite à un licenciement économique. À la même époque, sa belle-mère devient dépendante et, avec sa femme, ils décident de l’accueillir chez eux. Tout en continuant sa recherche d’emploi, il prend alors soin d’elle au quotidien. Une expérience qui sonne comme une révélation. Plutôt que de chercher en vain un travail dans son secteur, pourquoi ne pas devenir aide à domicile chez des personnes âgées ? « Ma femme a trouvé l’idée intéressante et m’a beaucoup soutenu dans ce choix. ». Restait à décrocher un poste.

Malgré de nombreuses candidatures, il reçoit très peu de réponses. Et uniquement des refus. « Au fond, je pense que le fait que je sois un homme posait problème. On devait se demander si j’allais faire l’affaire, et si les clients m’accepteraient chez eux. ». Seule l’agence ATOME de la Mutualité française Bourguignonne-SSAM, près de chez lui en Côte-d’Or, lui donne sa chance. Et l’essai s’avère concluant. « Au départ, certaines personnes âgées étaient un peu surprises, et voulaient me faire faire du bricolage ou me donner l’aspirateur à réparer plutôt que de me laisser faire le ménage ou le repassage. Mais au fil des semaines, elles se sont aperçues que je travaillais aussi bien qu’une femme. Il n’y a que pour l’aide à la toilette que certaines dames ont encore des réticences. »

Aide à domicile depuis 5 ans, Patrice Fricard espère bien exercer ce métier jusqu’à sa retraite. Il envisage même de décrocher le diplôme d’auxiliaire de vie par le biais de la VAE*. « Pour moi, c’est très valorisant. Certes, je suis moins bien payé que dans mon ancien poste d’ingénieur, mais pour certaines personnes âgées, je suis leur seule visite de la journée. Et savoir qu’elles m’attendent avec impatience me donne le sentiment d’être utile. »

* VAE : validation des acquis de l’expérience.

 

Cultiver sa différence…

Ce n’est pas auprès de personnes âgées mais d’enfants que Vincent Mériot a choisi de travailler. Son métier est lui aussi très peu répandu chez les hommes. Depuis 2008, il est assistant maternel à Allouis, dans le Cher. Il accueille à son domicile deux enfants à la journée, et deux en périscolaire (le midi et le soir après l’école). Après une carrière dans le commerce, cet ancien manager décide de changer de vie, à la naissance de sa fille. « J’avais envie de passer du temps avec elle, de la voir grandir. » Le métier d’assistant maternel lui semble alors un bon moyen de concilier vie familiale et vie professionnelle. Une fois son agrément en poche, il se démarque en proposant une amplitude horaire large : de 7 h du matin jusqu’à plus de 21 h, et le samedi toute la journée. « Je sais à quel point il est difficile de faire garder son enfant quand on a des horaires atypiques. »

Grâce à sa spécificité, il n’a aucun mal à trouver des parents qui acceptent de lui confier leurs enfants. « Je pense aussi que le fait que je sois père moi-même rassure. Quant aux parents qui auraient des craintes, ils ne viennent pas jusqu’à moi. Par contre, certaines mamans vivant seules me choisissent justement parce que je suis un homme, pour que leur enfant ait un référent masculin. » Et s’il lui est arrivé d’avoir quelques moqueries, la plupart du temps les réactions sont très positives. « Mais comme toutes les assistantes maternelles, j’ai droit à des remarques du type: ce n’est pas vraiment un métier, tu es chez toi, c’est tranquille… ».

 

… et en être fier

Pour Benoît Le Goëdec, en revanche, il ne s’agit pas d’une reconversion. Son envie de devenir sage-femme remonte à plus de 20 ans. C’est sa mère qui, en lui parlant d’un article sur le fait que la profession s’ouvrait aux hommes, suscite sa vocation. « Je n’arrivais pas à trouver ma voie à l’époque, j’hésitais entre plusieurs métiers. Après m’être renseigné plus concrètement, j’ai trouvé qu’il me correspondait bien, car il y avait une dimension humaniste, et j’ai souhaité devenir sage-femme. » Diplômé en 1989, il fait partie des pionniers car la formation n’est accessible aux hommes que depuis 1982. Mais ses premiers pas dans le métier ne sont pas simples. « J’ai eu des difficultés à décrocher ou à garder certains postes à l’hôpital parce que j’étais un homme. Curieusement, la profession s’est montrée plus réticente que les patientes elles-mêmes. »

Aujourd’hui reconnu pour son expérience, Benoît Le Goëdec enseigne dans une école de sages-femmes, près de Paris, et exerce son métier en libéral. Il donne également des cours de préparation à l’accouchement, notamment à l’Institut mutualiste Montsouris. Et il est fier d’être « sage-femme ». « Le terme renvoie à la patiente, c’est celui ou celle qui possède la connaissance de la femme. Et tant qu’il restera un nom féminin dans le dictionnaire, je continuerai à me présenter comme UNE sage-femme ».

 

Quid des pères au foyer ?

Les hommes au foyer subissent eux aussi des préjugés. Sans doute parce que les pères qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant sont encore peu nombreux. Selon la Caisse nationale des allocations familiales*, le complément de libre choix d’activité – prestation destinée à compenser en partie la perte de salaire – n’est perçu par les hommes que dans 3,5 % des cas.

Pour les inciter à recourir davantage au congé parental d’éducation, le gouvernement vient de présenter un projet de loi, instaurant une période de partage entre le père et la mère. Une période qui serait perdue, si elle n’était pas prise par le second parent. À suivre…

* L’essentiel n° 131 (janvier 2013).

 

En chiffres

Actuellement, en France, seuls un peu plus de 2 % des sages femmes sont des hommes(1). Et 99 % des assistant(e)s maternel(le)s sont des femmes(2). Quant à la profession d’aide à domicile, elle est encore féminine à près de 98 %(3).

(1) Selon le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes.
(2) Cnaf – L’e-ssentiel n° 116 (novembre 2011).
(3) Insee – France, portrait social (édition 2009).

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