La cohabitation intergénérationnelle : une solution contre l’isolement social et la crise du logement ?

Publié le

Par Solal Duchêne

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

Illustration
© Solal Duchêne

Sommaire

La cohabitation intergénérationnelle solidaire permet au sénior de louer une chambre à un jeune pour un prix modéré, parfois en échange de petits services. Une solution « gagnant - gagnant » qui renforce le lien social, tout en facilitant l’accès au logement des étudiants. Reportage chez Rosa, retraitée en cohabitation avec Sirine, étudiante.

Une cafetière italienne cohabite avec de petites pâtisseries orientales, sur la table de la cuisine. En cet après-midi de novembre, Rosa et Sirine enchaînent les plaisanteries et les tasses de café, dans un pavillon de Chevilly-Larue (Val-de-Marne). Depuis septembre 2022, elles vivent sous le même toit, Sirine, l’étudiante, louant une chambre au premier étage de la maison de Rosa, la retraitée.

Une initiative bienvenue, alors que de nombreux jeunes rencontrent des difficultés à se loger. Un récent rapport de l’Assemblée nationale dénombrait 2,7 millions d’inscrits dans l’enseignement supérieur, dont 1,9 million d'étudiants vivant en dehors du domicile familial. Avec 350 000 places disponibles en résidence étudiante, ce même rapport qualifiait le logement étudiant d’« urgence absolue ».

La cohabitation intergénérationnelle, une pratique encadrée

« Je cherchais une colocation en région parisienne mais les loyers étaient très chers, se souvient Sirine. Puis, sur internet, le moteur de recherche a fait apparaître un terme inconnu, ʺcohabitation intergénérationnelleʺ. Je ne connaissais pas, j’ai commencé à me renseigner ». L’étudiante algérienne n’a pas hésité longtemps avant de s’inscrire sur la plateforme Xénia*, qui met en relation des séniors (les hôtes) et des jeunes en quête d’un logement (les locataires), puis les accompagne durant toute la durée de la cohabitation. « Je me suis dit que ce serait un peu comme habiter chez ma grand-mère », sourit la jeune fille, qui ne regrette pas du tout son choix.

Si la pratique existe depuis 2004, la loi Elan est venue l’encadrer en novembre 2018. Elle permet à des personnes de plus de 60 ans de louer ou sous-louer une partie de leur logement à un jeune de moins de 30 ans. L’objectif de cette mesure : lutter contre l'isolement des aînés et faciliter l’accès au logement.

Une forme de cohabitation qui rassure les proches

Née en Sicile au début des années 1930, Rosa s’installe en France avec mari et enfants en 1956. En 1986, ils font construire le pavillon de Chevilly-Larue. Après le départ de ses enfants, puis le décès de son époux, Rosa se décide en septembre 2022 à tenter l'aventure de la cohabitation intergénérationnelle. « C’est ma fille qui m’a convaincue, et ça se passe très bien. Je n’ai rien changé à mes habitudes. Sirine travaille beaucoup en journée et nous nous voyons surtout le soir ».

L'étudiante en sciences du langage dispose d’une chambre de 16 m2, d’une salle de bains et de toilettes privatives, pour lesquels elle s'acquitte d’un loyer mensuel de 270 €. Celui-ci est réglé directement à Xenia, qui prélève une commission de 18 % et reverse le loyer à Rosa. « Ce tarif modéré permet d’aider ma mère à assumer les charges de la maison, tout en restant accessible à Sirine », explique Salvatrice, la fille aînée de Rosa. Consciente de la difficulté, pour une jeune étudiante, de se loger en région parisienne, c’est elle qui a proposé ce loyer solidaire. En contrepartie, elle se réjouit de cette présence quotidienne auprès de sa mère. « Cela me rassure de savoir que quelqu’un est là, même si j’habite juste à côté. Je ne demande qu’une chose à Sirine : prévenir lorsqu’elle rentre tard, ou si elle s’absente quelques jours ».

Illustration
Dans le pavillon de Chevilly-Larue, Rosa vit au rez-de-chaussée et Sirine à l'étage. Crédit photo : Solal Duchêne

Le dispositif s’adapte aux besoins de chacun

« La situation de chaque sénior est unique, observe Aurélie Butrak, chargée de la relation client chez Xénia. Avec notre aide, les duos définissent leurs propres règles ». Car la cohabitation intergénérationnelle solidaire est un dispositif sur-mesure. Celui-ci repose sur la volonté de deux personnes de partager à la fois du temps et de l’entraide. La vie de la colocation s'organise autour des besoins et des envies de chacun.

L’étudiant se voit proposer un loyer modéré, en contrepartie de quoi, il peut dans certains cas s’engager à rendre de petits services : présence de nuit, aide à l’utilisation des outils numériques, courses… « Le fait de rendre des services au sénior n’est pas systématique, et ceux-ci peuvent être très variés, précise Aurélie Butrak. Certains jeunes proposent d'accompagner leur hôte en balade le dimanche, ou bien lors d’une sortie culturelle ».

Pour Sirine et Rosa, dont les horaires sont très différents, les moments partagés sont plutôt en fin de journée, devant un film ou une série. Ce qui n’empêche pas Sirine d'avoir de petites attentions avant de partir à la fac, le matin. « Lorsque je me lève le matin, Sirine est déjà en cours, raconte Rosa. Elle a déjà tout préparé pour moi dans la cuisine, je n’ai plus qu’à faire chauffer le café ! »

L’engagement se fait en général sur une année scolaire, qui peut être reconduite. Mais les séjours peuvent aussi être plus courts, entre 3 et 6 mois, par exemple pour un stage. À noter que la cohabitation intergénérationnelle ne s’adresse pas qu’aux étudiants. « Les jeunes travailleurs de moins de 30 ans sont aussi concernés, reprend Aurélie Butrak. Cela peut notamment concerner les salariés en mutation professionnelle. »

* Harmonie Mutuelle a signé une convention de partenariat avec Xenia au printemps 2022, afin de faire connaître la cohabitation intergénérationnelle à ses adhérents séniors.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.
Tous les champs sont obligatoires.

Ce site utilise un système anti- spams pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

A découvrir