Le psychique, facette cachée du coronavirus

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Par Jacques Linard

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Effet peu connu du confinement, les Français sont massivement atteints par le stress et la dépression. En avoir conscience permet de s’en prémunir.

Le 19 novembre, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, s’inquiétait du bien-être de ses concitoyens. Quelques jours auparavant, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, alertait sur la montée du stress et des dépressions car « cette épidémie est stressante, anxiogène et peut générer une souffrance psychologique pour nombre d'entre nous ».

Les premières semaines du confinement printanier avaient mis en exergue une montée des violences intrafamiliales. Le second confinement donne l’occasion de s’inquiéter de la santé mentale, d’autant que la transition vers l’hiver est une saison propice à ce type de difficultés.

Santé Publique France, qui suit l’épidémie et ses conséquences pointe une augmentation significative des troubles dépressifs dans l’ensemble de la population (de 10 % fin septembre à 21 % début novembre).

La France n’est pas un cas isolé, la tendance se retrouvant partout dans le monde. Ainsi, aux États-Unis, près de 28 % des adultes présentaient au printemps des symptômes de dépression. Ils étaient 8,5 % avant l’épidémie*.

Il y a quelques semaines, la Caisse nationale d’assurance maladie publiait son étude trimestrielle sur la consommation de médicaments. Une étude qui révèle une augmentation très importante de l’usage des anxiolytiques (+1,1 million de traitements en 6 mois par rapport à l’attendu) et des hypnotiques + 480 000 traitements délivrés pour la même période). « Cette augmentation reflète probablement l’impact psychologique important de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences sociales, professionnelles et économiques », précise cette étude.

Bref, tous les chiffres sont au rouge et donnent toutes les raisons aux responsables de santé de s’inquiéter. Plusieurs études confirment que leurs craintes sont fondées.

La dépression, une réalité

20 % des Français ont des pensées suicidaires, selon un sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès qui vient de publier une étude menée par Michel Debout, professeur de médecine légale et membre de l’Observatoire national du suicide. Une étude montrant l’importance de l’accompagnement au moment de la sortie du déconfinement. En effet, parmi les personnes qui ont envisagé de se suicider, 11 % l’ont envisagé durant le premier confinement, 17 % depuis la fin du premier confinement. Cette sortie de l’isolement ne règle donc pas le problème.

Dans les entreprises, la situation serait encore plus grave. Le cabinet spécialisé Empreinte Humaine a mis en place un baromètre de la santé mentale, avec OpinionWay. La dernière édition (novembre 2020) montre que la santé psychologique des salariés français s’est très nettement dégradée après neuf mois de pandémie**.

Ainsi 49 % des salariés sont en situation de détresse psychologique. Ils étaient 42 % en mai dernier. Et parmi eux, 18 % seraient en détresse psychologique élevée. Et les dégâts ne se limitent pas à cela. 35 % des salariés sont en état d’épuisement émotionnel sévère et 5 % sont en burn-out sévère.

En France, plus qu’ailleurs, nous avons du mal à aborder la santé mentale. L’épidémie nous impose d’accepter que la maladie mentale soit une réalité avec laquelle il faut vivre. On peut s’inspirer du Québec, province canadienne qui fait figure d’exemple en matière de prévention en santé. Son gouvernement diffuse aux professionnels de santé et à la population des informations fort utiles.

Quels signaux ?

Notre corps et notre cerveau nous envoient des signaux pour nous alerter. Troubles du sommeil, diminution de l’appétit (ou le contraire), fatigues régulières… sont des indicateurs physiques d’une fragilité. Et si vous avez le sentiment d’être dépassé par les événements, que vous avez du mal à positiver, si vous cédez plus que de coutume à la colère ou à la tristesse, c’est votre cerveau qui appelle à l’aide. Cela a des effets sur les comportements : une concentration en baisse, des difficultés à prendre des décisions, une irritabilité en hausse ou une consommation accrue de tabac ou d’alcool sont des signes à écouter.

Toutes ces manifestations reliées au stress, à l’anxiété et à la dépression sont normales dans un contexte anormal de pandémie.

Comment agir ?

Nous ne sommes pas désarmés contre cette situation et nous pouvons adopter quelques pratiques permettant de nous renforcer.

D’abord, explique le ministère de la santé québécois, en restant bien informés. Il existe une défiance croissante contre « l’information officielle » et chacun d'entre nous est assailli par les informations, souvent contradictoires. Relativiser et ne pas devenir dépendant de ces flux d’information est primordial.

En période de confinement, se donner un rythme de vie le plus normal possible : heures des levers et couchers, des repas… Des petits riens qui ont de l’importance.

Dans ces périodes, ne pas céder à l’inactivité. À la maison, multiplier les centres d’intérêt, s’en inventer de nouveaux. Et se donner des moments de plaisir (lecture, musique…). Ne pas oublier l’activité physique dont les effets ne se limitent pas à garder la ligne. Enfin, multipliez les contacts avec les autres pour lutter contre l’isolement.

Et pourquoi ne pas profiter de cette période pour renforcer le sentiment d’utilité ? S’inquiéter de la situation d’un de ses voisins, d’un membre de la famille éloigné, d’amis que l’on n’a pas vu depuis longtemps sont autant de petites actions qui vont faire plaisir à l’autre tout en vous apportant une grande satisfaction.

Restons donc solidaires, cela nous fait du bien.

* Prevalence of Depression Symptoms in US Adults Before and During the COVID-19 Pandemic - JAMA Network Open - septembre 2020

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