Ils sont partout : télévision, ordinateur, tablette, smartphone, console… Les écrans font partie intégrante de la vie sociale, professionnelle et intime de tout un chacun. Ils font aussi fréquemment l’objet d’études sur les effets négatifs de leur emploi chez les plus jeunes. Les risques de dépendance aux écrans touchent autant les adultes que les enfants. Mais ils sont considérés par l’Organisation mondiale de la Santé comme plus préoccupants chez les adolescents, population entre 10 et 19 ans décrite comme fragilisée par les multiples changements physiques, émotionnels, sociaux dus à son âge.
L’usage excessif des smartphones, tablettes et autres consoles conduirait notamment à la dépression et au décrochage scolaire.
L’utilisation dysfonctionnelle des écrans est une réalité qui transparaît dans le dernier avis sur les effets de l’exposition aux écrans du Haut conseil de santé publique, dans le rapport d’avril 2020 de l’Institut Montaigne « Internet : le péril jeune ? » ou encore dans l’étude CovidPrev de Santé publique France. Elle concernait environ 23 % des jeunes de 12 à 14 ans avant la pandémie de Covid-19 et les confinements qui ont entraîné une surutilisation des ordinateurs ou encore des plateformes de séries et films.
En février 2021, Henrietta Fore, directrice générale de l’Unicef, s’est exprimée sur le sujet lors de la Journée mondiale pour un Internet plus sûr. Elle a reconnu que les progrès technologiques et les solutions numériques ont contestablement amélioré le quotidien en permettant de s’informer, d’apprendre, de dialoguer, de rester en contact. Or, le temps passé en ligne ou derrière la télévision, qui augmente d’année en année, se traduit par la réduction d’activités de plein air, un sommeil de moindre qualité, l’aggravation des symptômes d’anxiété et de mauvaises habitudes alimentaires, la perte de concentration.
« En dehors des troubles psychiques manifestes, on sait qu’il existe un risque plus élevé de dépressivité et de diminution des performances cognitives au-delà de deux heures de consommation par jour », indique le Haut conseil de santé publique dans son avis publié après le premier confinement. Et d’ajouter : « Un des effets pathologiques des écrans est la diminution des heures de sommeil. » L’entrave à l’endormissement est consécutive à l’activation de la photo-stimulation cérébrale.
Selon le Réseau Morphée, plus d’un adolescent sur deux présente au moins un trouble du sommeil en s’adonnant aux activités sur écran. Le nombre de ceux qui lisent après le repas du soir s’amenuise comparé à celui de ceux qui surfent sur les écrans. Un jeune sur quatre se connecte en pleine nuit sans mesurer les conséquences que cela va entraîner sur son attention en classe le lendemain.
Une étude australienne, commencée en 2012 et menée sur 1 239 adolescents par le Murdoch Children’s research institute, révèle également qu’utiliser télévision et ordinateur plus de deux heures par jour fait baisser les résultats scolaires. Le niveau de lecture et de calcul des élèves en pâtit. Même son de cloche dans une enquête effectuée au Canada entre 2014 et 2018 par des chercheurs de l’Université de Colombie-Britannique sur 28 000 adolescents âgés de 12 et 13 ans. L’utilisation des réseaux sociaux favoriserait l’état dépressif en particulier chez les jeunes qui les utilisent de manière dense et passive.
A contrario, « l’usage d’écrans peut jouer un certain rôle protecteur évitant que les adolescents trop isolés se coupent du monde », estime le Haut conseil de la santé publique. « La partie de console jouée avec des copains, la série qu’on regarde sur Netflix que l’on commente ensemble maintiennent le lien, la sociabilisation. C’est du même ordre qu’une partie de foot », soutient Olivier Duris, psychologue spécialisé dans le suivi des enfants et adolescents dans leur rapport avec les écrans. « Toutefois, il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas que cette activité-là. »
Pour le psychologue clinicien, les écrans ne mènent pas directement à la dépression ou au décrochage scolaire. « C’est trop facile de les incriminer. On constate surtout que lorsque l’écran sert de refuge, c’est que des problèmes préexistent par rapport à cette utilisation. Ce sont eux qui induisent un état dépressif ou une déscolarisation. » L’enfant ou l’adolescent peut en effet traverser des difficultés familiales, éprouver un complexe qui entache l’estime de soi, être victime de harcèlement…
« Parfois, les parents ne mettent pas de cadres, ne font aucune recommandation, inconscients des dangers. On va alors se trouver face à un jeune qui ne saura pas se gérer seul, se limiter dans son utilisation des écrans », explique Oliver Duris. Les écrans ne doivent pas exclure mais inviter au partage. « Si au moment du repas, une famille a le nez sur le smartphone, sur le journal, sur la télévision sans échanger un mot, ce n’est pas bon ». Le temps de discussion, d’attention entre parents et enfants ou entre groupe d’adolescents ne doit pas être sacrifié par un usage isolé et passif des écrans.
« Les parents, qui se plaignent du temps passé par leur progéniture derrière l’écran, doivent donner l’exemple ». Le psychologue conseille d’instaurer des règles applicables par tous comme celle d’arrêter les écrans à partir d’une certaine heure. « Bien souvent, on remarque que c’est plus dur pour l’adulte de lâcher son smartphone que pour l’enfant sa console ».
Quelques conseils pour mieux gérer les écrans