Ici un drive fermier, là une AMAP*, un magasin de producteurs ou une cueillette à la ferme… Les circuits courts gagnent du terrain ces dernières années (les supermarchés eux-mêmes s’y mettent). Et ils s’étendent dorénavant sur tout le territoire.
« En 2013, ils représentaient 10 % des achats alimentaires des Français. On serait plutôt autour de 15 % aujourd’hui et on devrait atteindre 20 à 25 % d’ici à 2025, avec des différences toutefois selon les régions et les filières », indique Yuna Chiffoleau**, directrice de recherche en sociologie et ingénieure agronome à l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique. « Les circuits courts touchent désormais toutes les couches de la population, jeunes comme retraités, urbains comme ruraux. » Et ils se démocratisent en termes de prix.
* AMAP : association pour le maintien d’une agriculture paysanne.
** Co-auteure de Et si on mangeait local ? Comment les circuits courts vont changer mon quotidien (Quæ, 2017) et auteure de Les circuits courts alimentaires, entre marché et innovation sociale (à paraître en janvier 2019 chez Erès).
Circuit court : définition
On parle de circuit court s’il y a au maximum un intermédiaire entre le producteur et le consommateur (selon la définition officielle adoptée par l’État en 2009). Mais cela ne donne aucune indication sur la distance qui les sépare ni sur les modes de production utilisés. Il ne s’agit donc pas forcément de produits « locaux ». Pour autant, la plupart de ceux qui existent et qui se développent en France sont des circuits courts de proximité. Ils rapprochent producteurs et consommateurs d’un même territoire, d’une même région.
D’un côté, les consommateurs sont en quête de qualité (fraîcheur, goût) et veulent de la transparence quant à l’origine des produits. En cause : différents scandales alimentaires qui ont défrayé la chronique ces dernières années. De l’autre, les producteurs sont en recherche de nouveaux débouchés (sur fond de crise agricole) et de contact avec les clients.
Une tendance qui répond donc aux attentes des uns et des autres. « Les Français sont conscients des difficultés que connaissent les agriculteurs. Et ils ont compris que, par leurs choix, ils pouvaient peser pour défendre l’économie locale et maintenir l’emploi dans leur région », précise Yuna Chiffoleau.
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Découvrez notre reportage dans un magasin de producteurs près de Bordeaux. Ils sont plus de 70 à y vendre leurs produits locaux directement aux consommateurs.
Les circuits courts se diversifient de plus en plus. Il existe désormais plus de vingt formes différentes. Les plus importantes (en chiffres d’affaires) restent la vente directe à la ferme et les traditionnels marchés de plein vent. Mais les choses évoluent très vite. Les ventes se développent dans les magasins de producteurs et via les plateformes sur internet en particulier. On commande en ligne et on se fait livrer au travail, à la maison ou dans un local près de chez soi où on n’a plus qu’à retirer ses produits. Et ce n’est plus valable seulement pour les fruits et légumes : on peut aussi y acheter de la viande ou du poisson par exemple.
« Le numérique accélère clairement le mouvement, déjà parce qu’il permet aux consommateurs de mieux identifier les circuits courts qui existent près de chez eux. Et cela facilite l’achat, souligne Yuna Chiffoleau. Toujours grâce à internet, des formes que l’on croyait oubliées comme les groupements d’achat retrouvent également une nouvelle jeunesse. On en voit fleurir au sein des entreprises, parmi les étudiants… »
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Pour autant, les circuits courts de proximité sont-ils toujours meilleurs pour la planète ? « Réduire les distances ne fait pas systématiquement baisser l’empreinte environnementale, répond Sarah Martin, chargée de mission alimentation durable à l’Ademe. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie l’a d’ailleurs montré dans une étude en 2017.
« Certains d’entre eux sont vertueux, d’autres pas. La diversité des circuits courts est telle que l’on ne peut pas faire de généralités. En fait, tout dépend de la manière de produire et du type de transports utilisés, plus ou moins gourmands en énergie. Même si les choses s’améliorent, il reste encore des progrès à faire en la matière. D’autant plus qu’à peu près un tiers des transports en France est lié à l’alimentation (transport des denrées alimentaires ou agricoles). Donc les enjeux sont énormes. »
En tout cas, 10 % des agriculteurs qui travaillent en circuit court sont en agriculture biologique. C’est cinq fois plus qu’en circuit long. Et au contact des clients et face à leurs questions, les producteurs ont tendance à améliorer leurs pratiques. « Les consommateurs, de leur côté, vont mieux connaître leur travail, avoir plus de respect pour celui-ci et donc peut-être limiter le gaspillage alimentaire, indique Sarah Martin. Sans compter qu’ils vont manger davantage de produits de saison. » En clair, un système gagnant-gagnant.