Le numérique envahit notre quotidien : bonne ou mauvaise nouvelle ?

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Par Pauline Hervé

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Avec les smartphones, tablettes et objets connectés, le numérique est présent dans tous les aspects de nos vies. Il facilite les démarches, rapproche les familles éloignées, aide à se soigner. Mais à l’heure où 13 millions de Français ne se sentent pas à l’aise avec l’utilisation d’internet, que faire quand il génère de l’exclusion?

Boire son café en lisant les infos sur sa tablette, réserver depuis son bureau un billet de train et un rendez-vous chez le médecin, rentrer chez soi au plus vite grâce à son appli GPS puis remplir en ligne sa déclaration d’impôts… C’est désormais la journée type de millions de Français, aux activités rythmées par le numérique.

Les services de messagerie, visiophonie ou téléphone par internet, gratuits, ont effacé le souvenir des coûteuses communications longue distance. WhatsApp, Skype ou Facetime permettent à nombre de familles dispersées en France et à l’étranger de rester en contact. Lucie, 22 ans, étudie pour six mois en Australie et ne perd rien des événements familiaux. « Peu importe le décalage horaire, je laisse des messages écrits, des vidéos et mes parents et mes deux frères me répondent instantanément ou quelques heures plus tard ».

Digital ou numérique ?

Le « numérique » désigne les systèmes informatiques qui fonctionnent à base de calculs chiffrés, et par extension les technologies d’information et de communication modernes. L’anglicisme « digital » signifie exactement la même chose.

L’accès au savoir est « ouvert »

Sur internet, nombre de connaissances sont accessibles gratuitement et facilement, sous forme de « MOOCS »*, de conférences vidéo. Tout semble à portée de clic : un changement que le philosophe Michel Serres comparait à une révolution mondiale. Dans son ouvrage Petite Poucette, il écrit : « [Cette révolution] je la compare, je le répète, à celles qui intervinrent au néolithique, à l’aurore de la science grecque, au début de l’ère chrétienne, à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance. (…) Avec l’accès aux personnes, par le téléphone cellulaire, avec l’accès en tous lieux, par le GPS, l’accès au savoir est désormais ouvert. D’une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis ».

Le numérique offre aussi la possibilité de façon beaucoup plus pragmatique de gagner du temps et d’éviter des déplacements pour ses démarches administratives par exemple. C’est d’ailleurs un objectif fixé par le Gouvernement : « dématérialiser » la totalité d’entre elles d’ici à 2022.

* Massive open online courses, des formations en ligne ouvertes à un très grand nombre.

La télémédecine contre le renoncement aux soins

Dans le domaine de la santé, la télémédecine permet de s’attaquer au problème des déserts médicaux, de mieux suivre les malades chroniques, les personnes âgées en Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), les détenus…

Cette médecine à distance inclut la téléexpertise (examens interprétés à distance par un praticien), la téléconsultation (visioconférence entre le médecin et le patient, désormais remboursée par la Sécurité sociale), la télésurveillance (interprétation par un médecin des données prises au domicile du patient, comme pour les maladies de longue durée) et la téléassistance (un professionnel de médecine effectue un acte technique avec l’aide d’un confrère en ligne).

L’Agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté estime que la télémédecine a déjà permis, dans cette région, d’éviter 25 % de renoncement aux soins, des personnes qui n’auraient pas consulté un spécialiste ou très tardivement.

Des applications pour votre santé

Au quotidien, prévention et bien-être passent aussi par le numérique. Il y a une application pour tout (ou presque) : courir, méditer, prévenir le mal de dos, apprendre les gestes qui sauvent, arrêter de fumer, être alerté des pics de pollen, surveiller son taux d’insuline… En parallèle, le marché des objets connectés explose. On devrait en compter 20 milliards sur la planète en 2020. En France, il s’en est vendu plus de 5 millions rien que sur l’année 2017. Et 80 % de ces objets sont liés à la santé, selon le ministère de la Santé.

Le numérique est aussi riche de promesses pour aider les personnes en situation de handicap. Des milliers de livres audio sont disponibles en ligne, les livres numériques permettent aux malvoyants et dyslexiques d’agrandir le texte. Des applications facilitent la communication aux personnes avec un handicap intellectuel. Et des start-up travaillent sur des robots pour améliorer la communication avec les enfants autistes.

En matière de santé, internet apporte aussi des biens précieux : le réseau et les connaissances. Les médecins ne cessent de le répéter, un forum internet ne remplacera jamais un diagnostic. Mais il peut permettre aux malades et à leurs proches de partager.

Zones blanches, illectronisme : les nouvelles exclusions

Mais la révolution numérique a ses revers. Mal accompagnée, elle risque fort d’exclure plutôt que de rassembler. C’est le signal d’alarme que tirent Les Petits Frères des pauvres. 27 % des 60 ans et plus n’utilisent pas internet. « Dans un contexte de digitalisation des services, et notamment des services publics, les personnes âgées et les personnes issues de conditions socio-économiques pauvres tendent, encore une fois, à être mises de côté », souligne l’association. Elle appelle à la réduction des inégalités face à l’accès au numérique, avec priorité aux « zones blanches ». Ces territoires où 10 % des Français, soit plus de 6 millions de personnes, ne disposent pas d’un accès à internet d’une qualité minimale.

L’exclusion ne provient pas que de l’équipement technique. Parmi les Français qui ont accès au web, 23 % des plus de 18 ans se disent « mal à l’aise avec internet », selon la Mission société numérique du Gouvernement. C’est l’équivalent de 13 millions d’habitants. Un nouveau mot est même né de ce constat : l’illectronisme, un « nouvel illettrisme ». C’est-à-dire l’impossibilité de se servir des outils numériques par manque de connaissance.

Chiffres clés

  • 20 milliards d’objets connectés devraient être utilisés dans le monde en 2020.
  • 27 % des personnes de 60 ans et plus n’utilisent pas internet en France.
  • 6 millions de Français ne disposent pas d’un accès à internet de qualité minimale.

Ateliers d’initiation au numérique

« Allocation logement, RSA, assurance-retraite, Pôle emploi : toutes ces démarches se font aujourd’hui en ligne », égrène Marie Cohen-Skalli, directrice adjointe d’Emmaüs Connect. Cette association, née en 2013, rassemble 250 bénévoles qui proposent des ateliers d’initiation au numérique aux personnes qui en sont éloignées. 35 000 en ont déjà bénéficié. Certaines entreprises aussi mettent en place des accompagnements individuels au numérique.

Le Gouvernement a de son côté lancé un Plan national d’inclusion au numérique en 2018. Son objectif est de former 1,5 million de personnes par an aux outils numériques, via des « crédits formation » de 10 à 20 heures proposés aux usagers. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, s’en félicite : « Nous avons présenté trois propositions : qu’il y ait toujours une alternative à la demande en ligne, que l’on propose un accompagnement à travers les maisons de service au public et qu’un pourcentage des économies réalisées par cette dématérialisation soit consacré à l’accompagnement des utilisateurs. L’objectif de dématérialisation est tout à fait louable, mais il faut que ces progrès bénéficient à toutes et à tous ».

Témoignage : « Accompagner au numérique pour garder le lien social »

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Crédit photo : DR

Clémence Grimaldi, 26 ans, a effectué une mission de service civique « Lutter contre la fracture numérique » pour Harmonie Mutuelle.

Quelle était la nature de votre mission ?

Nous avons mis en place des ateliers numériques, deux fois par semaine, pour les adhérents mutualistes dans les trois agences de Marseille. Ces ateliers individuels de 15 et 30 minutes abordent tous les thèmes du numérique, sur tout type d’appareil : ordinateur, smartphone, tablette.

Quelles sont les difficultés les plus fréquentes ?

Savoir utiliser un ordinateur, un smartphone, se familiariser avec les démarches en ligne. Nous avons accompagné beaucoup de femmes entre 60 et 75 ans. Ces personnes ont travaillé sur informatique mais ne connaissent pas certaines choses, comme les différents formats de fichier par exemple : jpeg, gif, doc, pdf… Beaucoup ont reçu en cadeau de leur famille des téléphones modernes pour envoyer des photos, vidéos, aller sur internet… mais ne savent pas s’en servir.

Cet accompagnement vous semble-t-il nécessaire ?

C’est un service très apprécié des adhérents et des conseillers des agences. Il permet un véritable lien social. C’est très utile dans une société qui se dématérialise de plus en plus. Ces ateliers sont des succès et les adhérents en redemandent.

Vous êtes adhérent Harmonie Mutuelle ? Pour savoir si vous pouvez bénéficier d’un accompagnement par un service civique, vous pouvez appeler le 0980 980 880 ou envoyer un mail à service.civique@harmonie-mutuelle.fr

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