Anasthasia Blanché est psychologue, psychanalyste et psychothérapeute spécialisée dans le domaine des transitions de vie et de la retraite. Elle est également l’auteure de La retraite, une nouvelle vie, une odyssée personnelle et collective*. Elle partage son expérience de thérapeute et explique comment le passage à la retraite peut être vécu psychologiquement et comment faire pour bien vivre cette nouvelle vie qui se dessine.
* Publié en 2016 aux éditions Odile Jacob.
Le passage à la retraite, n’est-ce pas merveilleux ?
Anasthasia Blanché : Non, le bonheur ne va pas de soi. Devenir retraité, psychologiquement, ce n’est pas facile : on ne peut pas ne pas savoir qu’au bout du chemin il y a la mort, et que la retraite est le dernier grand chapitre de la vie. Il faut l’admettre, vieillir et mourir sont les deux grands tabous qui restent aujourd’hui dans notre société, obsédée par le jeunisme.
Le mot « retraité » a même un côté négatif. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si l’on emploie de plus en plus le terme « seniors » pour désigner les « jeunes retraités ». Le terme « retraite », en français, a une connotation un peu triste : on parle de retraite de Russie, de retraite dans un monastère… Ce qui peut sonner comme une défaite ou pire, une mort au monde.
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Qu’est-ce que c’est, au juste, la retraite ?
A.B : La retraite est un repositionnement, une transition. C’est un cap que l’on passe. Il faut faire le deuil de sa jeunesse, mais aussi de sa vie professionnelle, ce qui peut être vécu violemment. Quand le téléphone ne sonne plus, quand on ne reçoit plus de mails, cela peut être difficile psychologiquement.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le passage à la retraite ce n’est pas « rien ». Une personne sur deux fait comme si cela n’allait rien changer ou comme si les changements allaient se mettre en place tout seuls. Si tout le monde n’a pas besoin d’aller consulter un psychologue ou de fréquenter un groupe de parole, un temps de réflexion permet cependant de se préparer à ce qui va arriver. Et de l’accepter.
En quoi le passage à la retraite peut être déstabilisant ?
A.B : Ce qui est en jeu, c’est quelque chose d’important, qui touche à sa propre identité : qui vais-je être une fois à la retraite ? Qui vais-je devenir ? Quel sens vais-je donner à ma vie ? Quelle place vais-je avoir dans la société ? En quoi vais-je lui être utile ? C’est un remaniement identitaire, mais plus personne n’indique le chemin. La retraite est une période où l’on se pose des questions existentielles aussi cruciales qu’à l’adolescence ou à la crise du milieu de vie. On parle même de troisième adolescence.
Cette appréhension lors du passage à la retraite touche-t-elle tout le monde de la même façon ?
A.B : Lorsque l’on quitte son emploi, que l’on fait « son pot de retraite » – ce rituel nécessaire pour bien tourner la page, pour faire la transition et bien quitter cette vie professionnelle – on perd son statut. Lorsque, pendant 40 ans, le travail a structuré son identité et que l’on s’est défini toute sa vie comme ingénieur ou comme enseignant, qui va-t-on être ensuite ? Peut-on être quelqu’un d’autre qu’un ancien de l’entreprise X ou qu’un retraité de l’Éducation nationale ? Oui. Mais pour certains, qui, malgré la généralisation du « temps libre », s’étaient épanouis quasi exclusivement grâce au travail, ou qui avaient un « métier passion », c’est loin d’être évident.
Cela peut les pousser à continuer à travailler en tant que consultant ou entrepreneur, pour repousser au maximum l’échéance. Si elles ne mettent rien en place, l’écueil, pour ces personnes, est, une fois à la retraite, de s’isoler complètement voire de tomber en dépression. Je reçois beaucoup de personnes qui ont du mal à se préparer le matin et à se motiver.
Lors du passage à la retraite, comment faire alors, pour trouver l’envie de se lever le matin ?
A.B : Le danger, c’est l’isolement : lorsque l’on quitte sa vie professionnelle, on peut perdre jusqu’à 90 % de ses relations. Alors, comment continuer à avoir une vie sociale, à « faire société », à rester en lien avec les autres ? Justement, en ne se retirant pas du monde. En continuant à être curieux et à avoir des activités.
La retraite, ce n’est pas se mettre en retrait, mais c’est un moment où l’on RE-TRAITE sa vie. Par exemple, en l’organisant différemment, en choisissant soi-même son emploi du temps. Pour la première fois, on peut faire ce choix en toute liberté, sans avoir d’impératif ni de contrainte, sans avoir à jongler entre ses études, sa vie professionnelle, ses enfants à élever…
D’ailleurs, certains qui ont toujours été très occupés, auraient tendance, par peur du vide, à s’inscrire partout, pour apprendre l’italien, courir les expositions culturelles, faire le tour du monde, « retaper » sa cuisine… Il y a l’embarras du choix.
Une fois à la retraite, on aurait tendance à vouloir multiplier les activités ?
A.B : Effectivement. Cette nouvelle liberté peut donner le vertige ! Certains pourraient s’épuiser à vouloir tout faire, comme s’ils avaient encore 40 ou 50 ans ! Alors, comment choisir ? Il n’y a pas de recette miracle, chacun doit trouver en soi ses propres ressources, par rapport à son parcours de vie et à sa trajectoire. Avec le droit de tâtonner et de changer, selon son budget ou sa santé.
Ce qui est important, c’est de se poser régulièrement et de se demander si cela nous convient. De quoi a-t-on envie ? Qu’est ce qui nous fait plaisir ? Qu’est-ce que l’on s’autorise ? Qu’est ce qui correspond à la nouvelle personne que l’on est en train de devenir ? Bien vivre sa retraite, c’est redéfinir son rapport à l’espace et au temps. On se réinvente un rythme et un cadre de vie, on construit un nouveau rapport aux autres et au monde. C’est en fait, un moment de grande créativité.
Bonjour à vous et un grand merci pour vos explications car moi je ne me suis pas du tout préparée à un départ à la retraite bien au contraire car je souhaitais travailler le plus longtemps possible.
Puis, la vie étant … car je suis aussi une aidante, je me suis rendue à une agence agirc-arco et là, il m’a été indiqué que je pouvais partir dans 3 mois qui venait. Et bien sans tambour ni trompette, j’ai remis ma lettre de départ à la retraite au 31/12/2019 à mon employeur mais j’avoue que les mois qui ont suivis furent très dures avec en plus l’entrée dans nos vie, de ce poison LA COVID.
Aujourd’hui, un 1 an et 3 mois après mon départ, je vais mieux et m’organise. Conclusion, il faut véritablement bien se préparer à ce grand départ professionnel alors merci pour votre article et surtout aux liens numériques permettant d’aller vers les autres.