Pourquoi écrire nous fait du bien ?

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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Qu’elle soit griffonnée à la va-vite, tenue dans un journal intime, livrée dans des ateliers littéraires ou en milieu hospitalier, l’écriture procure un bienfait indéniable à qui la pratique.

Ça l’a prise un matin. Après des mois où elle n’avait plus goût à rien. En proie à un burn-out. Christine s’est levée avec un besoin irrépressible. Celui d’écrire. « Installée derrière l’ordinateur, j’ai commencé à raconter mon premier jour de boulot ». Sans s’arrêter, se relire. « C’est parti comme une flèche. Chaque jour, au réveil, j’écrivais ». Tout a pris corps, sens. « L’écriture m’a aidée à remettre à plat le trop accumulé. Elle a agi comme une thérapie, à la fois bulle et béquille pour me reconnecter au quotidien », reconnaît Christine, encouragée dans sa démarche par son médecin.

Sylvain s’est libéré d’un poids en écrivant : celui du décès de son meilleur ami, à qui il n’a pu dire ″au revoir″. « Je lui ai adressé une lettre. Il ne la lira jamais certes, mais j’ai pu coucher la culpabilité de n’avoir pas été là quand il s’en est allé ». Depuis, il tient un journal à qui il confie ce qui le chiffonne comme ce qui le rend heureux. « Ce n’est pas de la littérature, mais ça fait du bien ». Car pas besoin d’avoir l’âme d’un écrivain pour manier les consonnes et les voyelles. Ni de maîtriser la grammaire et l’orthographe comme un élève de Khâgne. Il suffit de laisser les mots couler sans se soucier des tournures.

L’écriture comme outil thérapeutique

« Mettre sur le papier, c’est littéralement faire sortir quelque chose. Ça induit une mise à distance, une objectivation, un détachement », observe Marianne Jaeglé*, écrivain et animatrice d’ateliers d’écriture. « J’ai travaillé avec des patients de l’institut Curie à Paris. L’écriture venait en outil thérapeutique, aidait à prendre conscience ». L’enjeu n’est pas le même quand il s’agit d’écrire de façon artistique. Or, les effets restent positifs. « C’est plus masqué mais ça résonne aussi à l’intérieur ». Elle-même concède qu’écrire lui apporte de la sérénité : « J’ai sorti un livre sur Vincent Van Gogh, un sujet avec qui je n’ai rien d’intime et pourtant, cela répondait à une question qui me tiraillait. Ça m’a soulagée ».

« Redonner de l’estime »

Daniel Martinez fait partie de la rédaction du journal Actu’Alité, distribué en milieu hospitalier, dans l’Hérault et le Gard. Ce quotidien d’information comprend des articles de patients. Daniel est là pour les encadrer. « J’interviens en psychiatrie au CHU de Nîmes, auprès de jeunes, et en gérontologie. J’ai observé que l’écriture agissait comme un élément structurant chez les premiers et redonnait de l’estime aux seconds ». Stéphane Page ne le contredira pas. Il anime des ateliers collectifs ouverts à tout public pour la Boutique d’Ecriture, association d’éducation populaire située à Montpellier. « Un infirmier m’a très justement fait remarquer que pendant l’acte d’écriture, la maladie se sauve. Elle ne revient que lorsque le stylo se lève ».

S’il reconnaît que le fait d’écrire a de nombreuses vertus, Stéphane est très soucieux des termes à y rattacher. « Je ne pense pas que l’écriture soit curative. Elle collabore plutôt à un mécanisme de soins. C’est un rouage complémentaire, comme elle peut être un outil de réinsertion quand elle entre dans un cadre social ». Il se souvient de moments intenses dans un service qui accueillait des mères et leurs enfants en souffrance. « Une maman m’a avoué que poser les mots lui avait permis de traverser les épreuves. Ça a été salvateur ».

Tenir un journal

Florence Aubert, psychologue à Gières en Isère, n’hésite pas à recommander la tenue d’un journal en parallèle d’un suivi thérapeutique. « Coucher sur un support ses ressentis, mettre au clair, à distance, conceptualiser une chose difficile à concevoir, c’est d’une utilité évidente. Quand on a des tourments, cela permet de savoir ce qui se joue au-delà des émotions. Et écrire est un moyen de rompre avec l’indicible ». En témoignent les récits publiés à la suite de traumatismes, d’expériences de vie. De surcroît, l’écriture peut permettre de (ré)apprivoiser l’écrit dans le cas d’un complexe, d’un blocage. Par exemple pour gérer des troubles dyslexiques ou encore dysorthographiques. « On s’inscrit alors dans une expérience nouvelle de l’apprentissage », poursuit Florence Aubert. « On se réapproprie l’écriture sans tenir compte de l’orthographe, de la grammaire. La notion de plaisir revient ».

Marie en a fait l’heureuse expérience. Fâchée avec l’écriture car l’école lui avait laissé de douloureux souvenirs. « Quelle pression et quelle angoisse. Je ne me suis jamais sentie à la hauteur ». Alors, elle a pris le taureau par les cornes. L’écriture, amenée de façon ludique en ateliers individuels, lui a fait transcender son problème. « Jamais je n’aurais imaginé pouvoir m’amuser avec les mots. J’ai lâché prise, ai libéré des flots d’écriture ». Le rapport au papier lui a plu. « Avec les ratures, on a droit à l’erreur ». Délivrer ses écrits en les lisant à haute voix lui a donné de l’assurance : « On m’écoutait sans me juger ». Depuis, Marie a trouvé une fluidité dans l’expression écrite. Et envisage même de se lancer dans la rédaction de poésies. Décomplexée, libérée.

Où trouver un groupe d’écriture ?

Il existe bon nombre de groupes collectifs, payants ou gratuits, pour pratiquer l’écriture. Ils sont pour la plupart concentrés à Paris ou dans les grandes villes régionales. C’est le cas du centre Aleph, acteur pionnier des ateliers d’écriture en France, ouvert au grand public. Son siège se situe à Paris, or les animateurs interviennent aussi à Lyon, Toulouse, Bordeaux, entre autres.

D’autres structures réputées en l’espèce sont implantées depuis de longue date. La Boutique d’écriture à Montpellier est de celles-là.

Les associations peuvent aussi proposer ce genre de rencontres. Il suffit de se renseigner auprès des services de sa mairie ou du milieu associatif de son territoire.

*Marianne Jaeglé, Ecrire de la page à la publication, aux éditions Scrinéo.

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