Une université « Aspie-friendly » ou plus simplement une université qui propose un parcours individualisé pour les étudiants avec autisme sans déficience intellectuelle. C’est l’expérience lancée à l’automne 2018 dans plusieurs campus français : Toulouse, Bordeaux, Marseille, Clermont-Ferrand, Poitiers, Amiens, Grenoble, la ComUE Paris-Saclay…
« Nous souhaitons vraiment construire un modèle inclusif. Ce n’est pas une classe à part qui n’aurait pas de sens car les centres d’intérêt de ces étudiants sont variés. Un certain nombre d’entre eux sont intéressés par les métiers du numérique, d’autres par l’histoire, l’électronique, la biologie ou encore la documentation, c’est très variable. C’est un projet de 10 ans qui est en cours de construction. Aujourd’hui, nous essayons de comprendre les points forts de ces personnes, sans masquer leurs difficultés, pour nous permettre de trouver les meilleures adaptations », explique l’ancien président de l’université de Toulouse 3-Paul-Sabatier, Bertrand Monthubert, coordinateur de ce projet porté par l’Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. Des adaptations sur les énoncés, les supports pédagogiques, dans l’organisation des emplois du temps (éviter les changements de salle par exemple) ou des examens…
Les enseignants et le personnel administratif sont sensibilisés afin de comprendre les problématiques. Entre 400 et 500 personnes ont déjà été formées sur l’ensemble de la France. « J’ai participé à des ateliers ludiques pour nous faire réaliser comment peut être ressenti un énoncé par une personne autiste. Pour moi, cela a été un véritable déclic. J’ai pris conscience du contenu implicite de nos examens que les personnes avec autisme ne comprennent pas », explique Claire Vialle, maître de conférences et correspondante du projet « Aspie-friendly » en DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires) à Toulouse.
L’objectif est d’amener les enseignants et le personnel à trouver, dans une situation particulière, des éléments de réponse les plus adaptés. « Mais l’autisme étant si divers, on ne peut pas donner des recettes qui marcheront à tous les coups. Ce n’est pas comme une baguette magique, tout ne sera pas résolu du jour au lendemain. Mais des situations se sont déjà améliorées grâce à ce type d’approches », précise Bertrand Monthubert.
Pour la première fois cette année, un comité « Aspie-friendly » s’est réuni pour relire les sujets d’examen du DAEU. « Ils nous ont fait un retour en nous précisant les formulations qui pouvaient poser problème. Nous avons revu les énoncés et cela a profité à l’ensemble des candidats. Le sujet est juste devenu plus explicite. Tout le monde obtiendra le même diplôme », insiste Claire Vialle. L’organisation des examens a également été adaptée. L’un des étudiants n’étant pas à l’aise en groupe, il a passé les épreuves seul dans une salle avec un surveillant. « Nous avons essayé de garder les mêmes surveillants, on leur a envoyé leurs photos car les nouvelles personnes les stressent. Ce sont de petits riens à changer pour rendre leur quotidien plus facile », ajoute Claire Vialle.
Difficile de savoir combien d’étudiants ont pu bénéficier de ces aménagements en cette année de démarrage, environ une cinquantaine sur Toulouse et entre 10 et 30 dans chacune des universités parties prenantes. « Cela m’a aidé car la pédagogie est plus individualisée et plus adaptée à chacun », reconnaît Nathan, étudiant en alternance en licence professionnelle dans l’aéronautique. Une association d’étudiants avec autisme a même vu le jour : « La bulle !». Objectif ? Favoriser la sensibilisation sur l’autisme et organiser des activités « Aspie-friendly ».
L’insertion professionnelle est aussi un volet de ce projet. Une charte entreprise « Aspie-Friendly » a été signée par plusieurs grandes entreprises. Des étudiants ont déjà pu être accueillis en stage ou en alternance. « Nous avons un écho très positif. Il est primordial d’inscrire leur insertion professionnelle dans la durée », conclut Bertrand Monthubert.