Surendettement : 5 conseils pour y faire face

Publié le

Par Émilie Gilmer

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Face à la difficulté de rembourser leurs créanciers et de payer leurs charges courantes, nombre de foyers basculent chaque année dans le surendettement. Des solutions existent néanmoins afin de prévenir les situations de surendettement ou d’en limiter l’ampleur. Décryptage.

108 731 dossiers de surendettement ont été déposés en 2020 auprès de la Banque de France, soit 24 % de moins qu’en 2019. Selon les experts, cette baisse s’explique par les mesures de soutien mises en place pendant la crise sanitaire (le chômage partiel notamment). Une « bonne » surprise qui ne saurait pour autant masquer une réalité douloureuse pour des milliers de foyers. Pour rappel, le Code de la consommation définit le surendettement comme « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. »

« Nos enquêtes montrent qu’une situation de surendettement survient souvent à la suite d’un accident de la vie : une perte d’emploi, une séparation, une maladie, etc., explique Mark Béguery, directeur des particuliers à la Banque de France. Quant au profil des personnes surendettées, il s’agit plutôt d’adultes isolés, notamment des femmes seules avec enfant(s). Par ailleurs, une proportion importante de ces personnes est au chômage ou sans activité et 57 % d’entre elles ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (contre 15 % pour l’ensemble de la population française). »

1- S’entourer et demander de l’aide à un tiers de confiance

Le surendettement n’est pourtant pas une fatalité, et le travail de prévention menée par certaines structures spécialisées permet d’enrayer la problématique. Les Points conseil budget (PCB) sont, par exemple, des lieux labellisés par l’État pour venir en aide aux personnes en difficulté financière. Ils incluent les Centres communaux d’action sociale (CCAS) ou des associations spécialisées, à l’instar du réseau de prévention du surendettement Crésus, qui accompagne chaque année des milliers de ménages en difficulté financière. Pour cela, ce réseau s’appuie sur 480 bénévoles et 226 points d’accueil.

« Mon conseil est de demander de l’aide dès l’apparition des premières difficultés (les premiers rejets de mensualité d’un crédit à la consommation par exemple), indique Jean-Louis Kiehl, président de Crésus. Souvent les gens ressentent de la honte et n’osent pas parler, d’autant qu’il existe en France une vraie pudeur au sujet de l’argent. Cela conduit les ménages à laisser s’accumuler des dettes jusqu’à une situation désespérée. »

Il est ainsi essentiel de s’entourer et de confier au plus vite sa souffrance psychologique à un tiers de confiance… « On peut trouver dans sa famille ou parmi ses amis des gens sensibles à sa situation, remarque l’expert. Mais l’avantage de faire appel à une structure d’accompagnement indépendante est sa neutralité et son expertise. On est sûr qu’elle ne portera aucun jugement et qu’elle sera de bon conseil. »

2- Calculer son « reste à vivre » pour ajuster son budget

L’accompagnement en question consiste dans un premier temps à faire un « check-up » de la situation. « La priorité est de calculer le reste à vivre du ménage », explique Jean-Louis Kiehl. Pour cela, il faut identifier d’un côté les ressources du foyer (revenus, aides sociales) et de l’autre les charges fixes (loyer ou mensualités d’un prêt immobilier, impôts, assurances, taxe foncière…) et les charges fixes variables (téléphonie, eau, électricité, cantine des enfants…). On obtient alors un reste à vivre dédié à l’alimentation, l’hygiène et les loisirs. « Le solde disponible sur le compte ne veut rien dire tant qu’on ne maîtrise pas cette notion de reste à vivre », ajoute l’expert.

Autre conseil délivré par l’association Crésus : diviser le montant de ce reste à vivre par le nombre de jours restants dans le mois. Une façon de maîtriser son budget et de préserver ce reste à vivre : ne pas le « casser », par exemple, à l’occasion de soldes ou en s’engageant dans un nouveau crédit (même petit) qui « plomberait » le budget mensuel.

Ce travail de diagnostic permet par ailleurs de mettre à jour les actions à mener pour ajuster son budget. « Il existe parfois des doublons dans les frais engagés, remarque Jean-Louis Kiehl, président de Crésus. On s’aperçoit que les gens possèdent trois ou quatre contrats d’assurance, dont certains couvrent la même chose. »

3- Réclamer les aides auxquelles on a droit

L’étape suivante du diagnostic est de vérifier que toutes les aides sociales ont été demandées. Selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), 36 % des ménages qui pourraient bénéficier du RSA-socle n’en font pas la demande. Même chose avec la prime d’activité, qui suppose une déclaration trimestrielle de ses revenus.

Un certain nombre d’outils sont également mobilisables en cas d’événements imprévus à l’origine d’une diminution des ressources. En cas de licenciement, il est possible, par exemple, de demander la suspension d’un crédit immobilier pendant deux années, sans pénalités de retard. Cette demande de « délai de grâce » se fait auprès du tribunal judiciaire.

Si des difficultés financières s’annoncent, il est par ailleurs recommandé de solliciter un rendez-vous auprès de son banquier, afin de l’avertir de la situation et de chercher des solutions. Par exemple : une possibilité de découvert augmentée ou un regroupement de crédits… Informer son banquier est aussi un moyen d’éviter les frais d’incidents bancaires, qui risqueraient d’aggraver la situation.

4- Déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France

Néanmoins, lorsque la situation s’enlise et que l’on ne parvient plus à faire face, la solution est de déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. « Il s’agit d’une procédure de service public entièrement gratuite », rappelle Mark Béguery, directeur des particuliers à la Banque de France.

L’étude du dossier – pour déterminer si une demande est recevable ou non – dure cinq à six semaines. « Lorsqu’un dossier est accepté, trois grands types de solutions sont proposées, explique Mark Béguery. La première est un rééchelonnement des dettes. La deuxième solution est un moratoire, qui consiste à suspendre les dettes durant un temps donné. La troisième solution est celle d’un effacement total ou partiel des dettes ; total lorsqu’on juge la situation de la personne « irrémédiablement compromise », c’est-à-dire qu’elle ne dispose durablement d’aucune capacité de remboursement. » Il est à noter que ces trois types de mesures – rééchelonnement, moratoire, effacement – peuvent se combiner. « Globalement, ces dernières années, environ 40 % des dossiers ont bénéficié d’un effacement total de dettes, précise l’expert. Le reste des dossiers profite d’un rééchelonnement ou d’un moratoire, ou d’un rééchelonnement combiné avec un effacement partiel. »

Par ailleurs, durant toute l’instruction du dossier et pendant la mise en œuvre des mesures de rééchelonnement ou de moratoire, il est impératif de respecter une règle stricte : ne pas aggraver son endettement en souscrivant de nouveaux crédits.

Enfin, il est à noter que la Banque de France peut également être saisie pour une procédure dite de « droit au compte  ». Celle-ci s’adresse notamment aux personnes surendettées qui se voient refuser l’ouverture d’un compte bancaire. Elle consiste en la désignation d’office, par la Banque de France, d’un établissement bancaire chargé d’ouvrir un compte.

De même, tout individu peut solliciter la Banque de France pour exercer son droit d’accès aux fichiers d’incident – comme, par exemple, le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) – ou recevoir une première information en cas de difficultés bancaires.

5- Se former pour prévenir un nouveau surendettement

Certaines structures, comme l’association de prévention du surendettement Crésus, propose des programmes d’éducation budgétaire à des personnes financièrement précaires ou qui risquent de se trouver (ou se retrouver) en situation de surendettement. L’objectif : renforcer ses capacités à gérer son budget et ses relations avec sa banque.

« Lorsque le surendettement trouve son origine dans la pauvreté, la reprise d’une activité économique est bien souvent un préalable pour s’en sortir de manière durable, remarque Jean-Louis Kiehl. Néanmoins, nous recevons chaque jour des salariés, des cadres, des retraités qui connaissent une situation de surendettement, parce qu’ils manquent de compétences pour gérer leur budget. »

Crésus a d’ailleurs lancé un programme d’éducation financière et budgétaire (baptisé Dilemme), qui l’amène à organiser des ateliers dans les collèges et les lycées. Plus de 500 000 jeunes ont déjà été formés à ce jour.

À noter, par ailleurs, que la France a défini en 2016 une stratégie nationale d’éducation économique, budgétaire et financière (EDUCFI) dont la Banque de France est l’opérateur national. À ce titre, elle est le partenaire officiel de l’Éducation nationale avec pour objectif de sensibiliser les jeunes aux questions d’argent (la gestion d’un budget, la bonne utilisation des moyens de paiement, etc.). Elle forme également chaque année quelque 20 000 travailleurs sociaux et membres d’associations sur le sujet du surendettement notamment.

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