Témoigner pour bousculer les clichés sur la schizophrénie

Publié le

Par Lola Cloutour

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© Getty Images

De nombreux préjugés négatifs sont associés à la schizophrénie, une maladie qui touche pourtant 600 000 personnes en France, selon l’Inserm. Pour les associations, les malades et leurs proches, il est nécessaire de témoigner afin de faire changer les mentalités.

« Pendant des années, je n’ai pas eu le courage de parler de ma maladie. » Pourquoi une telle omerta ? Car la schizophrénie (lire encadré ci-dessous) qui accompagne Stéphane Cognon depuis plus de trente ans est victime d’une réelle stigmatisation. Les symptômes de ce quinquagénaire n’étant pas visibles, il a pu taire sa pathologie auprès de ses collègues et amis. Un voile de façade qui n’empêchait pas la souffrance lorsqu’il se retrouvait au milieu d’une conversation véhiculant les stéréotypes négatifs liés à cette maladie.

Violents, incohérents, ayant une double personnalité… Les clichés dépréciatifs collent à la peau des schizophrènes. En réalité, les symptômes de cette maladie sont différents selon les individus : hallucinations auditives ou visuelles, sentiment de persécution, désorganisation de la pensée, isolement social... Il est très rare que les malades deviennent agressifs envers les autres. Pour Stéphane Cognon, la méconnaissance qui entoure ces troubles peut s’expliquer par la peur : « Comme la folie effraie et qu’elle peut toucher n’importe qui, les gens n’ont pas envie d’en entendre parler. »

À l’époque, il ne réagit pas à ces lieux communs souvent entendus au travail, à l’heure de la pause-café. « Je ne me sentais pas capable de me dévoiler ou de revendiquer, mais ça me mettait hors de moi, raconte-t-il aujourd’hui. Les gens me blessaient sans le savoir. »

Un livre pour raconter sa schizophrénie

En 2017, il se sent enfin « prêt à échanger là-dessus », et décide de ne plus se taire. Son témoignage prendra la forme d’un livre intitulé Je reviens d’un long voyage (1). Stéphane Cognon y raconte sa schizophrénie. À travers de courts tableaux qui relatent son parcours, il décrit ses hospitalisations, les questionnements qu’il a affrontés, sa rechute, les liens tissés avec sa psychiatre… « Comme les gens ont tous une représentation de la folie, j’ai dû trouver les mots pour expliquer sans faire peur. »

Depuis la sortie de l’ouvrage, Stéphane Cognon n’a eu que des retours positifs. De la part d’inconnus ayant un proche malade, mais aussi de la part de ses collègues ou de son employeur de l’époque : « Il m’a dit qu’ainsi, je libérais la parole. » Une parole qui permet de rendre visible la schizophrénie dans l’espace public.

« On peut vivre plutôt bien en étant schizophrène »

« C’est cette image positive que nous voudrions développer », explique Corinne de Berny, secrétaire adjointe du Collectif schizophrénies (3), qui fédère plusieurs associations dédiées à cette maladie. « Aujourd’hui, on peut vivre plutôt bien en étant schizophrène. On peut se rétablir, avoir une vie de famille, travailler… » Engagée depuis dix ans pour cette cause, elle note une augmentation du nombre de témoignages dans les livres, les médias et sur les réseaux sociaux : « C’est une évolution qui va dans le bon sens. »

Corinne de Berny se félicite également de la publication par le chanteur Gringe du livre Ensemble on aboie en silence (2). Il y raconte la schizophrénie dont souffre son petit frère. « C’est assez nouveau que des gens de la sphère publique osent parler de cette maladie qui était encore taboue jusque-là. »

Ce type de témoignages peut même être à l’origine d’un cercle vertueux. « Plus on en parle, moins il y a de honte et plus les malades peuvent se rétablir facilement », assure Stéphane Cognon. La réintégration des schizophrènes dans la société serait donc améliorée et permettrait de changer le regard porté sur eux.

Un programme pour les parents de malades

Mais le changement des mentalités prend du temps. Témoigner n’est pas un choix aisé pour toutes les familles, car beaucoup craignent une stigmatisation de leurs proches. Corine Guérin, elle, n’a jamais hésité à nommer la maladie de son fils, diagnostiqué schizophrène il y a cinq ans. Une décision qui a eu des conséquences sur son cercle social. « Beaucoup d’amis m’ont tourné le dos. Il y a une forme d’incompréhension, mais aussi de déni face à cette maladie qui peut toucher n’importe qui. »

Ayant suivi la formation Profamille, destinée aux parents d’enfants souffrant de schizophrénie, Corine Guérin s’est ensuite engagée dans l’association PromesseS (4), qui lutte notamment pour la déstigmatisation de cette pathologie. Lorsqu’elle rencontre des parents dont les enfants viennent d’être diagnostiqués, elle les oriente vers les associations qui peuvent les aider. « Mais surtout, je veux leur dire qu’on peut s’en sortir et qu’on peut vivre avec... » Tout en espérant qu’un jour, ces parents-là aussi prendront la parole pour combattre les clichés qui entourent la schizophrénie.

Qu’est-ce que la schizophrénie ?

La schizophrénie est une « maladie psychiatrique caractérisée par un ensemble de symptômes très variables », explique l’Inserm. Elle altère la relation de la personne malade avec la réalité. La schizophrénie touche environ 600 000 personnes en France et se révèle généralement entre 15 et 25 ans.

Les manifestations de cette pathologie se classent selon trois types :

  • Les symptômes productifs : délires, hallucinations visuelles et auditives, sentiment de persécution (paranoïa).
  • Les symptômes négatifs : la personne malade se met en retrait de son cercle social et s’isole. Apathique, son état peut « ressembler à une dépression », précise l’Inserm.
  • Les symptômes dissociatifs : désorganisation de la pensée, des paroles et des émotions, difficultés de concentration.

Pour en savoir plus

Livres :

  • Je reviens d’un long voyage, de Stéphane Cognon, Éditions Frison-Roche, 2017.
  • Ensemble on aboie en silence, de Gringe, Éditions Harpercollins, 2020.

Associations :

  • Le Collectif schizophrénies fédère les principales associations dédiées aux schizophrénies.
  • PromesseS se mobilise pour sensibiliser à la schizophrénie et pour soutenir le programme Profamille destiné aux parents d’enfants souffrant de troubles schizophrènes.

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