Violences éducatives ordinaires : un mal invisible

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Par Catherine Chausseray (ANPM-FRANCE MUTUALITÉ)

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Une fessée, une petite tape, des mots qui blessent… C’est ce qu’on appelle la violence éducative ordinaire. Des études révèlent des conséquences délétères à long terme sur la santé et le psychisme de ceux qui l’ont subie.

Pincement, tirage de cheveux, fessée, chantage affectif, remarque acerbe… Toutes ces petites humiliations que les parents excédés infligent aux enfants font partie de la violence éducative ordinaire (VEO). « La VEO recouvre un ensemble de moyens qui sont répandus pour éduquer les enfants et qui visent à les faire obéir par la peur, la douleur, la sidération, l’humiliation », explique le docteur Gilles Lazimi, coordinateur des campagnes de sensibilisation menées contre la VEO.

 

« La violence ne sert à rien »

« On minimise les violences sur les enfants, regrette-t-il. Aux yeux de la société, c’est normal. Mais ce n’est pas de l’éducation, c’est du dressage ! » Le médecin ne cherche pas à culpabiliser les parents, mais plutôt à susciter une prise de conscience. « C’est difficile d’être parent, parce qu’on n’a pas appris à l’être », reconnaît-il. « 90 % des parents sont bienveillants, ils aiment leur enfant et pensent agir pour son bien, mais ils doivent comprendre que la violence ne sert à rien et qu’elle nuit gravement à son bien-être. »

 

Une loi pour mettre fin aux châtiments corporels

La proposition de loi du 22 février 2018, signée par vingt-neuf députés, pour interdire toutes les violences éducatives ordinaires à l’encontre des enfants a de fortes chances d’être enfin adoptée (la précédente proposition avait été rejetée en 2016 par le Conseil constitutionnel pour des questions de forme).

 

Des conséquences sur la santé

Les gestes violents affectent les capacités cognitives de l’enfant, notamment en raison de l’état de sidération qu’ils provoquent. « Une étude a montré qu’il y avait davantage d’échecs scolaires chez les enfants ayant connu la VEO », révèle Gilles Lazimi. Celle-ci peut être lourde de conséquences sur la santé mentale et physique : problèmes d’addiction, anxiété, conduites à risque, tentatives de suicide sont plus fréquents chez les adultes qui en ont été victimes. À l’inverse, « ceux qui ont été élevés dans une famille où il n’y avait pas de violence sont plus sûrs d’eux, ont plus d’empathie et refusent toute forme de violence », remarque le médecin. « Pour qu’il y ait zéro violence dans la société, il faudrait donc commencer par supprimer la VEO. »

 

Apprendre à connaître les besoins de son enfant

« L’enfant est un être en construction, rappelle le docteur Lazimi. Il apprend par l’expérience de ses relations avec les autres. Il y a donc de fortes chances pour qu’il reproduise plus tard le même modèle éducatif. » Le médecin insiste sur la grande vulnérabilité psychique des enfants, et précise par ailleurs que « 50 % des enfants reçoivent des tapes ou des fessées avant l’âge de deux ans ». Or un enfant, dans ses premières années de vie n’existe qu’à travers le regard de ses parents.

Si l’on perd patience et qu’on laisse échapper une parole vexante ou un geste brutal (personne n’est infaillible), il peut comprendre que l’on s’est emporté à tort si on prend le temps de lui expliquer. Apprendre à connaître les besoins de son enfant et le laisser exprimer ses émotions est primordial pour qu’il s’épanouisse.

 

Les mots qui rabaissent

Les mots peuvent blesser et leur portée ne doit pas non plus être minimisée. Les parents ne mesurent en effet pas toujours l’impact de certaines phrases prononcées sous le coup de la colère, comme : « Tu me fais honte », « Mais qu’est-ce j’ai fait pour avoir un fils comme toi ? », ou encore « Ton frère est bien plus intelligent que toi ». Ainsi, l’angoisse, l’anxiété, le manque de confiance en soi, l’agressivité chez des personnes adultes sont souvent liés aux violences verbales éducatives vécues pendant l’enfance. « Quand on est adulte, on a le bagage pour comprendre, alors que ce n’est pas le cas de l’enfant, chez qui les mots restent ancrés. », souligne Gilles Lazimi, coordinateur des campagnes de sensibilisation contre la violence éducative ordinaire (VEO).

Par Catherine Chausseray (ANPM-FRANCE MUTUALITÉ)

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