Des cantines scolaires avec du 100 % bio local et une cuisine faite maison

Publié le

Alexandra Luthereau

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

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Alors que la loi Egalim fixe à 20 % la part de produits bio dans les repas des cantines scolaires, des communes vont plus loin et visent le 100 % bio local et une cuisine faite maison. Celles-ci sont gagnantes sur tous les plans : c’est meilleur pour la santé, l’environnement et même le porte-monnaie.

En septembre, les enfants de l’école élémentaire Maryse Bastié à Romainville (Seine-Saint-Denis) ont retrouvé le chemin de l’école et celui de leur cantine. Une rentrée classique, cependant marquée par un changement de taille : le restaurant scolaire prépare désormais ses 320 repas quotidiens à partir de produits bio uniquement et en grande partie locaux. De l’entrée au dessert, tout est fait maison. C’est une première en Île-de-France.
Jusqu’en 2022, les repas servis aux écoliers étaient livrés par un syndicat intercommunal de restauration collective. Au menu alors : beaucoup de plats avec des ingrédients transformés par l’industrie agroalimentaire ou préparés entre un et cinq jours plus tôt et gardés au réfrigérateur. Le tout servi directement dans des barquettes en plastique, réchauffées par l’office de l’établissement scolaire.

« À l’époque, ma fille disait souvent qu’elle ne mangeait rien, sinon du pain et des yaourts. Que ce n’était pas bon », se souvient Stéphane Dupré, conseiller municipal de la commune de Romainville, en charge de la démocratie alimentaire depuis 2020. Le bio et le bon à la cantine deviennent alors pour le « militant politique » un « combat mené d’abord comme parent d’élève pour une alimentation saine et de qualité pour tous ».

Des cantines avec une cuisine plus végétale

L’école a été accompagnée dans cette transformation par la société coopérative d'intérêt collectif (Scic) Nourrir l’avenir, créée en 2020 par le collectif Les pieds dans le plat. Car passer de la cuisine centrale à la restauration maison, bio et locale demande de sérieux changements : recours à de nouveaux fournisseurs, recrutement de personnels supplémentaires, achat de matériel et travaux pour les cuisines, nouvelle gestion des coûts… Cette conversion nécessite aussi une formation des cuisiniers.

« Aller vers du 100 % maison, bio, local implique de cuisiner davantage de végétal. Or en formation cuisine, on nous apprend à cuisiner en référence à un modèle alimentaire basé sur la protéine animale », précise Séverine Quencez, cuisinière et nutrithérapeuthe, salariée de la Scic qui accompagne les projets en Nouvelle-Aquitaine. La coopérative forme aussi les accompagnants sur les temps de repas pour « mettre de l'émotion, encourager les enfants à goûter ce qui est proposé. Les enfants ne sont pas des tuyaux qu’on remplit », image-t-elle.

Dans la ville de Montignac, en Dordogne, Clara Coutanceau est la cheffe cuisinière de la cantine de l’école primaire, accompagnée par la coopérative. « Aujourd'hui, nous avons préparé des cordons-bleus et de la purée, tout maison. Cela nous a demandé deux heures d’élaboration à deux cuisinières rien que pour les cordons-bleus. Il a fallu aussi éplucher 25 kg de pommes de terre, les faire cuire, les égoutter… », nous raconte-t-elle.

Cuisiner maison demande beaucoup plus de temps. Ainsi une cuisinière supplémentaire a été recrutée pour préparer les 180 repas quotidiens à Montignac. L’école Maryse Bastié de Romainville compte deux recrutements et un changement radical pour les cuisinières. « Avant, elles étaient trois à mi-temps et réchauffaient des barquettes en plastique. Aujourd’hui, il y a 5 personnes, avec le chef, tous à temps plein », précise Stéphane Dupré.

Le bio : une meilleure valeur nutritionnelle, moins de pesticides et de métaux lourds

Un tel projet a donc beaucoup de conséquences positives : le plaisir retrouvé de cuisiner, le sourire des enfants qui se sont régalés, les odeurs d’oignons en train de rissoler dans l’école et l’assurance de proposer des repas riches en saveurs et sains.

« Contrairement aux produits frais, les produits hypertransformés, contiennent beaucoup de glucides qui apportent certes de l’énergie sur le moment mais pas de fibres, de vitamines ou de minéraux, indispensables à une bonne santé », décrypte Séverine Quencez. De plus, « les aliments bio ont une valeur nutritionnelle bien meilleure que les aliments conventionnels. De plus, ils contiennent moins de métaux lourds, de résidus pesticides, de nitrates. Et plus de polyphénols, d’omégas 3, de vitamines, de magnésium et de zinc », relève Isabelle Bretegnier, présidente de Nourrir l’avenir.

Selon l’étude Nutrinet-Santé, qui suit depuis plus de dix ans les habitudes alimentaires de dizaines de milliers de Français, les mangeurs bio ont moins de risques de déclarer des cancers, d’être en surpoids ou de souffrir d’obésité. « Manger bio, c’est meilleur pour la santé, c’est aussi meilleur pour l'environnement et les personnes qui travaillent dans les champs », ajoute la présidente de la Scic, formée à la diététique.

Question coût, là encore les cantines qui se sont reconverties sont gagnantes. À Romainville, le prix d’un repas s’élève aujourd’hui à 6,38 euros, denrées alimentaires et charges incluses. Alors que le repas fourni par le site de production central coûte 7,35 euros. Cette baisse s’explique par la réduction des protéines animales dans les repas, remplacées par les protéines végétales (céréales, légumineuses), moins chères et tout aussi nutritives.

L’autre source d’économie provient de la réduction drastique du gaspillage alimentaire, « en adaptant les quantités et en individualisant les portions pour chaque enfant », souligne Séverine Quencez. À Maryse Bastié, le gaspillage alimentaire a été divisé par trois.

Culture de l’alimentation durable

Romainville et la Dordogne ne sont pas les premiers territoires à se lancer dans cet ambitieux objectif, qui va au-delà de celui de la loi Egalim qui oblige les cantines scolaires à proposer au moins 20 % de bio au 1er janvier 2022. Dans les Alpes-Maritimes, Mouans-Sartoux fait partie des communes pionnières. Sa démarche est aussi exemplaire : la municipalité cultive ses propres légumes bio, qui fournissent les cantines de façon ultra-locale. Pour cela, elle emploie des agriculteurs.

Depuis 2012, les cantines des trois groupes scolaires de la commune sont 100 % bio Plus que cela, une véritable « culture de l'alimentation durable » s’est développée au fil du temps dans la commune provençale auprès de tous les habitants. Laquelle culture est portée par la maison de l’éducation à l’alimentation durable (MEAD), fondée en 2016. Ainsi, selon une étude menée par la MEAD en 2019, 87 % des familles dont les enfants vont à l'école ont modifié leurs pratiques alimentaires prenant exemple sur les actions menées au sein de la restauration collective de la commune.

Volonté politique

Ces initiatives inspirent et se développent. La MEAD de Mouans-Sartoux accompagne les municipalités qui veulent se lancer à leur tour et a même participé à l’élaboration d’un diplôme universitaire (DU) de chef de projet alimentation durable en collectivité territoriale, dispensé à l’université de Nice. Le département de la Dordogne convertit l’ensemble de ces cantines d’écoles et de collèges.

De son côté, Romainville poursuit aussi son projet et espère réaliser la transformation de ses 16 autres écoles d’ici huit ans. Pour cela, tous le disent, un ingrédient est indispensable : une « forte volonté politique ». Et autre chose : « c’est possible ! ».

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