Qu’est-ce que le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) ?

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Par Natacha Czerwinski

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Pathologie psychiatrique peu connue, le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) altère profondément l’humeur des femmes juste avant leurs règles. Il impacte souvent lourdement leur vie personnelle, professionnelle et sociale. Mais une prise en charge adaptée peut contribuer à atténuer les symptômes.

Vous êtes plutôt heureuse et épanouie mais, quelques jours par mois, vous vous sentez particulièrement déprimée, irritable et anxieuse, au point de ne plus vous reconnaître et d’avoir l’impression de perdre le contrôle de vous-même ? Et si vous étiez atteinte du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) ? Cette maladie qui, à l’approche des règles, entraîne un affaissement massif de l’humeur et bouleverse le fonctionnement quotidien, toucherait entre 2 et 8 % des femmes en âge de procréer*.

Elle reste encore méconnue, aussi bien des patientes que des praticiens. « Ce trouble touche à la fois au tabou de la santé mentale et à celui de la santé des femmes, ce qui explique sans doute cet angle mort », analyse Emélie Froment, présidente et co-fondatrice de l'association TDPM France, dont la mission est de mettre en lumière cette pathologie chronique.

Le TDPM est « une forme sévère du syndrome prémenstruel (SPM) avec des symptômes psychiatriques au premier plan », décrit le Dr Joëlle Robion, gynécologue médicale et membre du Syndicat des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof). En effet, si le SPM se caractérise surtout par des manifestations physiques (douleurs aux seins, maux de tête, troubles du transit, douleurs musculaires et articulaires, acné), le TDPM, lui, est référencé comme un trouble dépressif. Ce qui n’empêche pas les femmes de présenter, aussi, les signes corporels du SPM.

Le TDPM peut survenir à tout âge

Cette affection a la particularité de se manifester après l’ovulation et de s’apaiser au moment des menstruations. « D’une semaine à l’autre, le trouble disparaît, ce qui le rend compliqué à cerner », fait remarquer Emélie Froment qui, pour sa part, a compris qu’elle en était atteinte il y a 5 ans. « Tout allait parfaitement bien dans ma vie : j’avais mes activités, ma famille, mon chéri, mes amis, confie la jeune femme de 26 ans. Mais une sorte de désespoir s’installait en moi quelques jours par mois. J’ai fini par me rendre compte que mes règles arrivaient peu de temps après cet état de brouillard profond. C’est là que je me suis questionnée sur l’aspect cyclique du phénomène. »

« La dimension répétitive est essentielle dans le TDPM : on considère qu’il faut au moins deux cycles symptomatiques consécutifs pour valider le diagnostic, signale le Dr Robion. Par ailleurs, la maladie peut se déclencher à tout âge et survenir de façon brutale, même après des années de cycles normaux. »

La durée des symptômes varie, en fonction des femmes, de 3-4 jours à une dizaine et ils sont multiples. Parmi les caractéristiques principales du TDPM, on trouve : des changements d’humeur prononcés (brusque sentiment de tristesse, hypersensibilité au rejet…), une humeur dépressive marquée, une augmentation des conflits interpersonnels, une fatigue intense, une diminution de l’intérêt pour les activités habituelles, une modification de l’appétit ou encore des problèmes de concentration.

Une maladie très invalidante

« Un TDPM se définit par le fait qu’il est handicapant, observe Hélène Marais-Thomas, psychologue clinicienne et chercheuse spécialisée sur le sujet**. Il ne s’agit pas "juste" d’être un peu en colère deux jours avant ses règles. Les patientes ont du mal à travailler, à maintenir des interactions sociales. Même traiter l’information et élaborer une pensée s’avère plus dur. Tout cela peut donner lieu à des comportements impulsifs, des prises de décision inhabituelles. Le danger, c’est de ne plus arriver à faire la distinction entre sa propre personnalité et le trouble. Dans ces cas-là, on rentre dans un schéma de dévalorisation. »

La détresse des malades est parfois telle qu’elle peut conduire au pire. Une étude américaine a montré que les femmes qui souffrent de TDPM sont plus nombreuses que les autres à avoir des idées suicidaires et à faire des tentatives de suicide. « C’est une maladie qui plonge dans une solitude extrême », confirme Emélie Froment, dont l’association propose justement des réseaux d’échange et d’entraide pour permettre aux femmes de partager leurs ressentis.

Plusieurs causes pour un même trouble

Les causes de la pathologie ? Elles sont multifactorielles (à la fois biologiques, psychologiques et sociales) sachant que, d’une personne à l’autre, les explications peuvent varier.

D’un point de vue physiologique, le TDPM serait lié à une sensibilité du système nerveux central aux variations hormonales, la carence en sérotonine serait notamment en cause. La génétique pourrait aussi jouer un rôle. « Certaines femmes développent un TDPM de génération en génération, donc on pense qu’il pourrait y avoir des prédispositions familiales, sans que cela soit, bien sûr, systématique, indique le Dr Robion. Des antécédents d’agressions sexuelles, de traumatismes au niveau gynécologique sont aussi mentionnés dans les origines possibles du trouble. »

Le stress n’est pas non plus étranger à cette maladie. « Les symptômes du TDPM sont modulés par l'état psychologique et physique de la personne, assure Hélène Marais-Thomas. En fonction de ce qu’elle vit durant le mois (anxiété, pression professionnelle, difficultés à gérer ses émotions…), il peut y avoir une forme de décompensation en phase prémenstruelle. »

Il existe plusieurs stratégies thérapeutiques pour soulager les patientes. Adopter une meilleure hygiène de vie (dormir suffisamment, pratiquer une activité physique et sportive) peut ainsi être utile pour réguler le stress, tout comme modifier son régime alimentaire (limiter les apports en sel, sucre, alcool et caféine). Se tourner vers le yoga, la méditation ou la relaxation constitue aussi des pistes de mieux-être.

Antidépresseurs et psychothérapie

En matière de traitement médicamenteux, plusieurs études ont montré l’efficacité des antidépresseurs dits « inhibiteurs de la recapture de la sérotonine » (tels que la Fluoxetine, la Paroxetine ou encore la Sertraline) pour atténuer les symptômes. La prise intermittente de ces psychotropes (pendant la phase lutéale uniquement – soit deux à dix jours avant les règles – et non en continu) peut d’ailleurs être suffisante. « La pilule, dans la mesure où elle met les ovaires au repos et permet de lisser les variations hormonales, peut également être une solution pour certaines femmes », ajoute Joëlle Robion.

Une prise en charge psychologique – notamment via une thérapie comportementale et cognitive (TCC)*** – peut aussi s’avérer très bénéfique. « Celle-ci permet à la fois d’identifier les variations d’humeur pour mieux gérer les phases prémenstruelles mais aussi d’apprendre à avoir des bonnes pratiques le reste du temps afin de renforcer ses ressources psychologiques », détaille Hélène Marais-Thomas. Elle invite d’ailleurs toutes les femmes confrontées à une souffrance mentale avant leurs règles à consulter.

« Le TDPM est la somme d’un ensemble de symptômes qui se présentent sous une fréquence spécifique, à une intensité spécifique, résume l’experte. Mais, même si vous ne cochez pas toutes les cases, cela ne signifie pas que vous n’êtes pas légitime à être accompagnée. »

* Les chiffres varient selon les études.
** Hélène Marais-Thomas achève actuellement une thèse portant sur la création d’un programme psychothérapeutique spécifique au TDPM.
*** Les TCC sont des thérapies brèves dont le but est d’aider les patients à identifier et à modifier leurs modèles de pensées dysfonctionnels et les comportements nuisibles qui en découlent.

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