Thierry Beaudet : Pour faire face collectivement à la crise, les mutuelles sont au rendez-vous. Nos 2800 établissements et services mutualistes s’engagent pour soigner les malades du coronavirus, mais aussi pour maintenir l’accès aux soins des plus fragiles et les accompagner à domicile. Des milliers de salariés mutualistes sont sur le terrain chaque jour en première ligne auprès des Français, dans nos hôpitaux, nos centres de soins, nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), à domicile auprès des personnes en perte d’autonomie ou encore dans nos crèches.
Les mutuelles sont aussi au rendez-vous pour assurer la continuité des droits pour les 35 millions d’adhérents qu’elles protègent. Ce qui s’est traduit par le développement des capacités de télétravail pour poursuivre les services vitaux auprès des adhérents – dont le paiement des prestations santé et prévoyance – malgré la fermeture des points d’accueil au public.
Pour aller au-delà et soutenir les plus fragiles, les mutuelles s’engagent à mettre en place un socle commun de dispositifs avec la prise en charge des arrêts de travail déclenchés pour les personnes vulnérables. En cas de chômage partiel, ce socle prévoit le maintien des garanties, en prenant les indemnités de chômage partiel comme assiette des cotisations appelées.
Pour les très petites entreprises (TPE) et les travailleurs non salariés en difficulté, les mutuelles conservent en garantie tous les contrats pendant la période de confinement, et accompagnent au cas par cas les demandes pour suspendre ou reporter les versements.
Enfin, elles protègent ceux qui rencontrent le plus de difficultés avec notamment la mobilisation de fonds d’aide sociale mutualiste qui permettront de répondre aux situations individuelles les plus difficiles.
De nombreuses mutuelles ont décidé d’aller encore plus loin dans les garanties et solutions proposées. Au total, les initiatives lancées pour soutenir nos adhérents représentent au minimum un investissement financier de 150 millions d’euros.
Les professionnels de santé, établissements de soins et centres de santé sont mobilisés pour lutter contre cette épidémie et ses conséquences sanitaires. Mais ils peuvent aussi être fragilisés financièrement dans cette période de confinement. Les soutenir est une priorité de la Mutualité Française. C’est pourquoi nous sommes disponibles pour participer, aux côtés de l’Assurance maladie obligatoire, à toutes réflexions et initiatives de soutien aux professionnels et établissements de santé, dans le cadre du travail annoncé par le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.
T. B. : La réorganisation a été très rapide, avec la déprogrammation de nos activités non urgentes pour se préparer à accueillir des malades du Covid-19. Dans nos cliniques, plusieurs établissements ont doublé, voire triplé, leur capacité d’accueil de malades.
Au sein de nos 221 EHPAD, nous avons aussi tout fait pour accroître les mesures de sécurité. En parallèle, nous avons lancé de nouveaux services, comme des hotlines pour rompre l’isolement des personnes âgées confinées. Plus globalement, toutes nos structures – qu’il s’agisse de nos crèches qui se sont concentrées sur l’accueil d’enfants de soignants, ou de nos centres de santé – se sont réorganisées pour adapter leurs services à la population.
T. B. : Je tiens à saluer l’engagement, le professionnalisme, l’esprit de coopération et de solidarité qui ont prévalu et guidé les dirigeants élus et salariés des mutuelles dans la prise de décisions responsables et adaptées, ainsi que leur mise en œuvre. Des décisions attentives à la fois à la réassurance, à la sécurité des collaborateurs et aux exigences de service, de prise en charge, d’accompagnement dus à celles et ceux par qui et pour qui nous existons. De ces décisions et parfois de leurs limites, nous aurons aussi à tirer de nombreux enseignements pour l’avenir.
D’un point de vue plus sociétal, des phénomènes porteurs d’espoir ont émergé ces dernières semaines. Malgré le confinement de la population et l’éloignement physique, on assiste ainsi à un renforcement des solidarités de proximité. C’est un signe qui entre en résonance avec l’idéal mutualiste. Je forme le vœu qu’après la crise, nous ne perdions pas cet effet positif et que parvenions à entretenir ces chaudes solidarités. Les mutualistes y contribueront.
T. B. : Puisque le confinement empêche de sortir mais pas de penser, collectivement, sans attendre, regardons et réinterrogeons avec lucidité le fonctionnement de notre monde, ses dérèglements, pour mieux penser la vie. Comment remettre la recherche, la santé, le développement durable au cœur des politiques publiques ? Comment mieux se préparer à la prochaine crise ?
Le risque pandémique, la bombe atomique de l’avenir que redoutait Bill Gates, impose de considérer la santé comme un bien souverain, au même titre que l’énergie ou encore la sûreté nucléaire. Ce qui supposera d’en assumer les conséquences financières et aussi de faire revenir en Europe, et singulièrement en France, une production de ce qui nous paraît être essentiel pour la vie de la nation : ne plus être dépendants de médicaments ou de masques produits à des dizaines de milliers de kilomètres.
Les changements à opérer sont considérables. Militants mutualistes, nous devrons être au premier rang de ceux qui portent ces réflexions, ces exigences, ces combats. La crise a provoqué une transition numérique à marche forcée. En me plaçant du point de vue de nos entreprises mutualistes, je constate aussi que cela a également eu des effets positifs. De nouveaux projets collaboratifs émergent spontanément entre collaborateurs se coordonnant à distance. J’aimerais que nos mutuelles parviennent à encourager encore plus cela après la crise.
Viendra le jour d’après. Les mutualistes en seront des acteurs, en tirant parti de leur expérience, mais aussi des réflexions qu’ils comptent engager avec les acteurs de la santé, de la protection sociale, avec les chercheurs, les universitaires qui comptent, comme nous, redonner, sinon un autre sens, tout au moins du sens à cette vie, après le coronavirus.