Le jury du Prix Solidarité a choisi de récompenser cette année Les échoués* de Pascal Manoukian. Un roman qui fait écho à l’actualité puisqu’il relate le destin de Virgil le Moldave, Chanchal le Bangladais et Assan le Somalien, migrants sans-papiers qui arrivent en France au début des années 1990. Condamnés à être exploités, ils trouveront le soutien de quelques personnes.
* Publié en 2015 aux éditions Don Quichotte.
Pascal Manoukian : Sur la route de l’exil, il n’y a pas beaucoup d’entraide. La seule solidarité qui existe est intracommunautaire : les Moldaves avec les Moldaves, les Afghans avec les Afghans… C’est la géopolitique du parking. Dans Les Échoués, j’ai contraint un musulman, un orthodoxe, des gens qui ont des parcours différents, à être solidaires entre eux, ce qui arrive rarement.
P.M. : Les gens découvrent ces routes migratoires, or cela fait plus de vingt ans que l’on y meurt. Virgil, Assad et Chanchal sont des pionniers. Ceux qui partent sont les plus entreprenants : ils ont un projet, ils le financent, le mènent au bout malgré les obstacles. Ils acceptent de sacrifier une génération pour que la suivante vive mieux. L’immigration se juge sur le long terme. Il faut regarder non pas ce que sont les nouveaux arrivants, mais ce qu’ils peuvent devenir.
P.M. : Ma propre grand-mère a quitté l’Arménie et s’est échouée en France en 1927, sale et fatiguée. Si on ne me l’avait pas présentée comme une personne avec une histoire, elle m’aurait fait peur. La fiction m’a permis d’établir un rapport d’intimité avec les migrants, de raconter et de partager leur vécu.
P.M. : Depuis un an, avec la promotion du livre, je découvre la France ouverte et généreuse. Je crois à la vertu de la relation directe entre les gens. Ce qui ne représente pas grand-chose, pour les uns, peut être énorme pour les autres. Mes grands-parents m’ont toujours parlé de tous ceux qui les ont aidés. Aujourd’hui, je croise beaucoup de personnes qui ont toutes accueilli chez elles Assad ou Virgil… Je suis plutôt optimiste : cette solidarité-là est partout.