Animaux admis au travail : un bien-être pour le salarié ?

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Par Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Certaines entreprises permettent à leurs collaborateurs de venir travailler avec leurs animaux de compagnie. Cette initiative serait bénéfique pour la santé et la cohésion des équipes. Qu’en est-il réellement ? Quelles sont les limites de ce dispositif ?

C’est l’heure de prendre la route du travail. Iolite, 11 ans, et Lazuli, 9 ans, grimpent à bord du véhicule de Charline Sagnard sans se faire prier. Les deux chiens rejoignent les locaux communs de CadoMaestro, société d'e-commerce, et de Camalo, société d'e-logistique, co-dirigées par leur maîtresse et son conjoint Sylvain. Une fois arrivés sur site, à Veauche dans la Loire, ils retrouvent Pepsi, leur collègue à quatre pattes dont les maîtres sont des collaborateurs du couple d'entrepreneurs. 

Les trois toutous ne sont pas les seuls animaux de compagnie à passer leurs journées au boulot. Cette présence sur le lieu de travail n’est plus marginale dans le monde de l’entreprise. « De plus en plus de dirigeants se laissent séduire par cette cohabitation salutaire pour le bien-être de leurs salariés. Lesquels sont rassurés de ne pas laisser leurs compagnons seuls à la maison », indique Clémence Gautherin, directrice Communication et Responsabilité sociale d’entreprise de Purina France. 

L’entreprise d’alimentation pour animaux de compagnie a été pionnière dans la démarche du « Pets At Work (1) » qui consiste à accepter que ses collaborateurs viennent travailler avec leurs chiens. « Depuis 2003, c’était plutôt officieux. Puis, nous avons intégré cette pratique dans nos statuts et lancé le mouvement Pets At Work en Europe qui regroupe deux cents entreprises membres. On en compte une bonne vingtaine en France ».

De meilleures performances, plus de concentration et moins de stress 

La mairie de Suresnes a ouvert le bal des collectivités territoriales tricolores qui accueillent les animaux de compagnie de leurs agents. Un accord avec les organisations syndicales a été conclu en septembre 2020, après des mois d’auditions et de réunions. « Il s’inscrit dans un dispositif plus global de « Bien-être et qualité de vie au travail » qui inclut notamment le sport et la culture sur le temps travaillé », souligne Nabila Tigane, cheffe du service Qualité de vie au travail à la direction des ressources humaines de la Ville de Suresnes. 

Avant d’accepter les animaux dans les services non-ouverts au public, la commune des Hauts-de-Seine a mené une enquête en interne et sollicité l’avis de professionnels de santé, dont celui du psychiatre Patrick Légeron, spécialiste du stress en entreprise. Ce dernier affirme que la présence animale est un « antipoison » capable de neutraliser les tensions et de stimuler les salariés, en favorisant les échanges et la communication entre les personnes. « Notre vécu lui donne raison », soutient Nabila Tigane. 

Des études ont démontré que les salariés qui cohabitent avec des animaux développent de meilleures performances. « Ils sont plus concentrés et moins anxieux », analyse le docteur Virginie Delpont, membre du conseil de l’ordre des vétérinaires d’Île-de-France. Selon un sondage Ipsos de 2017, 45 % des employés déclarent que la présence d’un chien amoindrit leur stress. Et la fédération française de cardiologie estime qu’elle réduit de 36 % le risque de maladies cardiovasculaires.

Le chien prescrit contre la dépression, le chat contre l’anxiété

Le psychiatre, chercheur et écrivain Patrick Lemoine (2) est convaincu que les animaux ont un réel impact sur le bien-être et la santé des humains. « L’animal est fédérateur pour l’homme. Il m’arrive de le prescrire à mes patients. Le chien est très bien pour les personnes qui souffrent de dépression et s’inscrivent dans des retards de phase du sommeil (3) ». Le fait de s’occuper d’un toutou les resynchronise. « Ils n’ont pas le choix. Ce dernier leur rappelle qu’il faut le sortir à horaires fixes, lui donner à manger ». 

Le médecin préconise le chat pour traiter l’anxiété. « Lui n’en souffre pas et a le pouvoir de tranquilliser, d’apaiser ». Un vivarium ou un aquarium sont conseillés aux patients qui ont un problème d’affirmation de soi. « Ainsi, ils deviennent maîtres d’un univers à gérer et prennent progressivement de l’assurance ». Les oiseaux sont recommandés chez les personnes hyperactives. « Ils donnent tellement à voir, tant leur vie est intéressante, qu’on passe des heures à les observer. Ça canalise ». 

Lorsqu’il dirigeait le service d’exploration et de traitement des troubles du sommeil du centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, le médecin avait fait installer un grand aquarium dans la salle d’attente. « Les effets étaient positifs sur les patients. Ce spectacle vivant de poissons au ralenti les déstressait. Ils avaient moins de craintes à consulter et géraient mieux l’impatience provoquée par nos possibles retards sur l’horaire de rendez-vous ».

Le chien est l’animal que l’on prend majoritairement au travail

La loi n’interdit pas de venir au travail accompagné de son animal. En revanche, toute entreprise peut stipuler dans son règlement intérieur que cette présence n’est pas désirée sans obligation d’en motiver la raison. Cela doit être écrit clairement et tout salarié doit s’y conformer. 

Poissons, canidés et félins sont les animaux qui sont en principe acceptés sur le lieu de travail de leur maître. Le chien est toutefois celui que l’on amène plus facilement au travail. « Le chat est un incroyable support émotionnel mais il est plus imprévisible de nature et plus territorial. Donc le prendre au bureau n’est pas forcément évident », relève la vétérinaire Virginie Delpont. 

Selon elle, tous les chiens peuvent accompagner leur maître au travail tant qu’ils sont bien éduqués. « Mais il y a des races qui ont besoin de beaucoup se dépenser, qui sont toniques et demandent de l’interactivité. En principe, elles ne sont pas faites pour rester sagement couchées derrière un bureau ». L’accord relatif à l’accueil d’animaux à la mairie de Suresnes mentionne que les chiens d’attaque, tels que les Pitbulls, et les chiens de garde et de défense, comme les Rottweilers, sont interdits dans les locaux.

L’animal doit être à jour de ses vaccins et traité contre les parasites 

Forte de son expérience, la société Purina France se propose d’accompagner gracieusement les entreprises qui veulent accueillir sur leur site les animaux domestiques de leurs salariés. Elle prodigue des conseils adaptés à chaque cas de figure et un guide fourni, sorte de charte des règles à respecter pour que la cohabitation animaux-employés se déroule dans les meilleures conditions. 

Par exemple, l’animal doit bénéficier d’une bonne hygiène, être à jour de ses vaccins, traité contre les puces… Il doit supporter la présence de ses semblables et des hommes. « Il est en tout temps sous la responsabilité de son maître. Il est important de s’assurer que la démarche remporte l’adhésion de tous les collaborateurs. Nous conseillons de réaliser une enquête pour s’en enquérir et, pourquoi pas, d’initier une journée d’essai », commente Clémence Gautherin. 

À Veauche, lors du recrutement d’un nouveau collaborateur, Charline Sagnard mentionne d’emblée la présence des chiens, qu’elle appelle affectueusement « les responsables du bonheur ». Cela évite toute surprise lors de la première rencontre. Des aménagements ont été pris pour contenter tout un chacun. « Nous avons deux sonnettes. Une pour les clients qui aiment côtoyer notre trio canin. Une autre pour ceux qui les appréhendent. Quand elle est actionnée, on sait qu’il faut maintenir les chiens à distance ». 

De l’école aux Ehpad, le pouvoir bienfaisant des animaux 


Il s’appelle Silou. C’est un Golden Retriever. Grâce à sa présence au collège d’Evreux dans l’Eure, les rapports entre élèves se sont pacifiés et la phobie scolaire de certains d’entre eux n’est plus qu’un mauvais souvenir. En France, plus d’une quinzaine d’établissements scolaires ont fait le choix de s’entourer d’un chien dit d’assistance à la réussite scolaire afin de lutter contre le décrochage, le stress... 

Dans les Ehpad, le bienfait animal est aussi reconnu. Un amendement de la loi dite « Bien vieillir », adoptée fin novembre 2023, prévoit l’obligation de garantir le droit aux résidents d’accueillir leur animal sous couvert qu’ils soient en mesure de s’occuper eux-mêmes de l’hygiène de leur compagnon à poils. « C’est une présence qui rassure, qui aide au maintien de l’autonomie », affirme le psychiatre Patrick Lemoine, qui se dit favorable à leur présence encadrée en établissements de santé. 

En milieu hospitalier, l’accueil des animaux reste encore délicat pour des raisons d’hygiène et de sécurité. En 2017, l’hôpital Cochin à Paris a permis à un patient, admis pour une grave infection, d’avoir son chien à son chevet. Le CHU de Bordeaux l’a aussi expérimenté récemment auprès de certains patients hospitalisés dans le service de réanimation. 

(1) Traduire par Animaux au boulot. 
(2) Le dernier livre du docteur Patrick Lemoine, « À quoi servent les symptômes ? », est publié aux éditions Odile Jacob. 
(3) Le retard de phase se traduit par un endormissement tardif associé à un réveil difficile le matin. 

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