Enfants HPI : pas un trouble et encore moins une maladie

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Nathania Cahen

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Les cours de récréation doivent en être remplies vu le nombre de parents qui devisent ou s’inquiètent au sujet de leur enfant précoce, surdoué, à haut ou très haut potentiel intellectuel (HPI). La proportion, établie à environ 3 % de la population, ne bouge pourtant pas.

« C’est la nouvelle maladie du siècle », s’amuse le Pr David Da Fonseca. Rectifiant derechef : « En fait, être surdoué ou à haut potentiel intellectuel (HPI) n’est en rien une maladie ni un trouble, c’est une chance. Les HPI sont des personnes vives, curieuses, créatives, douées d’une envie de comprendre et de maîtriser phénoménale ! Il y en a toujours eu, mais on y accorde aujourd’hui beaucoup plus d’attention ».

Selon le professeur de pédopsychiatrie à Aix Marseille Université et praticien à l’APHM, la plupart des jeunes HPI, dont le quotient intellectuel est supérieur à 130, vont majoritairement plutôt bien. Ils sont armés pour s’autonomiser, s’adapter et composer avec une intelligence et une sensibilité particulières.

Les problèmes proviennent souvent d’un autre trouble

Quand on en parle comme d’un problème, « c’est bien souvent parce qu’il existe d’autres troubles associés. Troubles anxieux, dépression, angoisse, TDAH (trouble déficitaire de l'attention)…, souligne le médecin. Il y a aussi souvent une confusion avec les TSA, les troubles du spectre de l’autisme. Or il y a d’un côté, un fonctionnement cognitif analogique et accéléré, de l’autre, un trouble du traitement de l’information. D’un côté, un fonctionnement très flexible et empathique, de l’autre, très rigide et moins empathique ».

Être HPI n’étant pas une maladie, il n’y a pas de raison de consulter. « Sauf quand il y a de la souffrance bien sûr, une rupture dans le fonctionnement, des répercussions sur les apprentissages, les relations sociales, familiales ou professionnelles. »

Donner à l’enfant HPI le goût de l’effort

Et si la scolarité est compliquée, « il faut interroger la pédagogie et l’environnement scolaire, l’écoute et la compréhension des professeurs, invite le Pr Da Fonseca, pédopsychiatre. Parfois aussi l’attention familiale portée à l’enfant qui n’est pas bien compris par ses proches. Le risque est également de le laisser croire qu’il peut y arriver sans effort, qu’il est plus doué que les autres. Même s’il a des facilités, à un moment l’effort est nécessaire et là, attention à la chute ! »

De fait, pour la psychologue Jeanne Siaud-Facchin (1), être doté d’un haut ou très haut potentiel est une grande ressource, mais ne rime pas forcément avec être premier de la classe. Si la puissance intellectuelle et la capacité d’analyse sont supérieures à la moyenne, cela se double souvent d’une importante porosité au monde qui les rendent particulièrement sensibles. Une sensibilité qui sera exprimée ou inhibée mais qui va colorer la construction et l’expression de leur personnalité.

Parfois en opposition avec les adultes

Ces enfants ou ados à haut potentiel intellectuel qu’elle a surnommés affectueusement les « zèbres » (encadré) sont facilement blessés ou en colère. Souvent en désaccord et déterminés à interagir ou à argumenter avec les adultes, et notamment les enseignants.

« Ils supportent mal le carcan qui veut que tout soit appris d’une certaine façon et à un certain rythme. Et le fait de ne pouvoir exercer leur intelligence de façon naturelle peut amener certains à se désinvestir de l’école ou se montrer très dissipés. Les autres y verront quelqu’un qui veut se rendre intéressant et jouer les bolosses », décrypte Jeanne Siaud-Facchin, pointant des « alchimies complexes ».

Prêter davantage attention aux petites filles HPI

Il y a autant de filles que de garçons à haut potentiel intellectuel. Pourtant, au cours de sa carrière, la psychologue a relevé que les trois quarts de ses patients sont masculins. Ce qui l’alerte.

« Les filles ont souvent grandi dans une exigence de perfection, de rentrer dans le moule, avec la peur de ne pas être à la hauteur. Tandis que les garçons sont souvent plus bruyants et se font remarquer. Or, à l’âge adulte, vers la trentaine, certaines jeunes femmes HPI non diagnostiquées font des burn-out très caractéristiques. Elles n’en peuvent plus de s’adapter et ne supportent plus les pressions ». Elle préconise donc de prêter davantage attention aux petites filles.

Les enfants à haut potentiel intellectuel mieux détectés

Ce qui a changé, c’est un repérage plus important car la nouvelle génération de parents (parfois encouragée par les enseignants) consulte beaucoup plus facilement. « Pas forcément pour les bonnes raisons. Ils ont tendance à penser qu’être un bon parent, c’est être le parent d’un enfant qui réussit à l’école. Soumis à cette pression, ils s’inquiètent beaucoup plus vite pour un mauvais bulletin que pour un manque d’appétit ou d’entrain », remarque Jeanne Siaud-Facchin.

Reste que certains ne seront jamais détectés et suivront des parcours académiques sans histoire, en raison d’une personnalité bien structurée. Pour les autres, il est important d’éviter que cette intelligence ne devienne une source de difficultés voire de souffrance.

Dans la famille HPI, je demande les parents, les grands-parents, les fratries… Pour le Professeur Da Fonseca, « le facteur génétique ne fait aucun doute » !

(1)    Son dernier ouvrage, « La guérison émotionnelle », est paru en 2023 aux éditions Odile Jacob. Elle y a également publié « L’enfant surdoué » en 2002.
 

Jeanne Siaud-Facchin et les zèbres

Ce terme qui s’est imposé à elle en 2002, « parce que ces enfants sont de drôles de zèbres. Ils me font penser à cet animal dont le pelage rayé, unique, crée un effet stroboscopique lorsqu’il court. Un animal qui a besoin de la compagnie de son troupeau, car il n’aime pas vivre seul ».

Elle a baptisé Zébra le centre qu’elle a créé en 2011 à Marseille. « Pour accueillir les jeunes qui se trouvaient en marge de leur vie, exclus de l’établissement scolaire, médicalisés de façon outrancière, avec des parents dépassés ». Ce n’est ni une école, même si des enseignants interviennent, ni un centre de soins, mais un lieu pensé « comme une station de gonflage ».

La psychologue est par ailleurs à l’origine des centres de diagnostic et de prise en charge des troubles des apprentissages scolairesCogito’Z. Le réseau, créé il y a vingt ans, regroupe aujourd’hui des psychologues indépendants mais interreliés, en France comme dans certains pays étrangers (Suisse, Maroc, Angleterre, Belgique…). Avec des consultations en présentiel mais une majorité pratiquant le distanciel depuis le Covid.

Conseil de lecture aux parents : Deux lectures lui semblent de bonnes ressources pour les parents déconcertés : « 100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel », ouvrage collectif paru chez Tom Pousse, et « Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante », par Jean-Charles Terrassier, fondateur en 1971 de la première école dédiée aux enfants intellectuellement précoces.

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