Incontinence urinaire : quels sont les traitements ?

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Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 8 minute(s)

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L'incontinence urinaire se caractérise par la perte involontaire d’urine. Elle est plus fréquente chez les plus de 65 ans et touche majoritairement les femmes. Cependant, les personnes plus jeunes peuvent aussi pâtir de cette affection qui altère la qualité de vie. Diverses solutions existent pour arrêter ces fuites.

L’incontinence urinaire est une affection très gênante. Elle se caractérise par la perte involontaire d’urine. On tend à l’associer à la vieillesse mais, bien qu’elle atteigne 2,6 millions de Français de plus de 65 ans, elle peut concerner les personnes plus jeunes.


Les enfants peuvent, en effet, souffrir d’incontinence urinaire à un âge où la propreté est généralement acquise. La forme la plus fréquente constatée chez eux est l’énurésie nocturne, perte de contrôle de la vessie durant la nuit. En principe, ces fuites disparaissent avec le temps. Elles sont souvent d’origine psycho-comportementale. « Ça touche autant de filles que de garçons. Ce n’est jamais grave, bien que ça puisse être impactant », explique le Professeur Benoît Peyronnet, chirurgien urologue au CHU de Rennes, responsable du comité urologie de la femme de l’Association française d’urologie.


Les femmes plus touchées par les fuites urinaires en raison de leur anatomie


Les fuites urinaires sont fonctionnelles. Il en existe une dizaine de différentes chez l’adulte mais les plus répandues sont au nombre de quatre. Il y a tout d’abord les incontinences d’effort. Les résistances de l’urètre, canal qui évacue l’urine de la vessie, sont insuffisantes. De ce fait, dès que l’on tousse, rit, éternue ou encore lorsqu’on soulève un poids, des fuites urinaires se manifestent.


Puis, il y a les incontinences par urgenturie. L’hyperactivité vésicale en est le principal symptôme. Le besoin d’uriner est alors soudain et irrépressible. « La vessie se contracte seule même quand elle n’est pas pleine et les urines sont expulsées », commente l’urologue. L’incontinence urinaire mixte est un mélange des deux affections précitées. « La rétention chronique d’urine est une autre incontinence fréquente. La vessie ne se vidange pas et le trop-plein déborde ».


La femme est plus touchée que l’homme en raison de son anatomie. « Son urètre est plus court ». D’autre part, son plancher pelvien est composé du hiatus urogénital. « Cette zone de faiblesse, où se trouve notamment le vagin, va favoriser le développement de descentes d’organes », indique le médecin. Les grossesses et les accouchements vont abîmer les tissus au niveau du périnée et du pelvis, favorisant ainsi l’apparition de fuites urinaires.


Le port de protections urinaires a un coût important pour le patient


Le poids de l’incontinence peut être très lourd sur le plan social. « Ça peut amener à l’incompréhension d’autrui qui associe les fuites malodorantes à un manque d’hygiène », analyse le Professeur Benoît Peyronnet. Le patient a souvent une image de lui-même dégradée. Il s’isole, se sédentarise. « Sa vie intime et sexuelle est bouleversée. Sans compter que cela peut entraîner, par ricochet, des troubles plus sévères comme l’anxiété, la dépression, les idées suicidaires ».


Certaines personnes vont s’accommoder des fuites urinaires. Elles n’iront jamais consulter. « Souvent parce qu’elles ont honte de l’avouer », reconnaît le praticien. D’autres seront complètement dévastées par le problème qui altère leur qualité de vie. « Le rôle des urologues est d’évaluer à quel point cela handicape le patient et jusqu’où il est prêt à aller pour régler l’affection ».


Le port de protections urinaires permet d’éviter les conséquences de ces fuites inattendues. « Mais cela coûte cher. Certains patients dépensent entre 300 et 400 € par mois alors que ça n’atténue rien », remarque l’urologue. En outre, le frottement des protections peut entraîner « des problèmes cutanés au niveau du plancher pelvien ».


La rééducation du périnée seule ne suffit pas toujours


Des solutions existent pour gérer les fuites urinaires. « En cas d’incontinence d’effort, la rééducation du périnée est conseillée dans un premier temps, associée à des règles hygièno-diététiques », souligne le Professeur Peyronnet. Il est recommandé de manger sainement, de ne pas fumer, d’éviter les aliments irritants la vessie comme le thé, le café, l’alcool… « Les personnes en surpoids ou obèses sont sujettes aux pertes urinaires. Perdre du poids peut les aider ».


On pense à tort qu’il faut uriner souvent pour éviter les fuites. « Pourtant, ça participe à un dysfonctionnement de la vessie qui n’a alors plus l’habitude de se remplir et ne réagira plus très bien ». Autre croyance erronée : « On dit qu’il faut beaucoup boire mais ce n’est pas une bonne chose quand on a une vessie capricieuse ».


L’incontinence urinaire d’effort peut aussi être traitée par des dispositifs intravaginaux. « Des petits anneaux en plastique, pourvus d’un renfort qui va soutenir l’urètre, se substituent aux ligaments défaillants. Ce procédé peut aider, par exemple, les jeunes femmes qui courent et ont des fuites », observe le chirurgien urologue du CHU de Rennes. Chez les femmes ménopausées, l’œstrogénothérapie locale est une solution. « Il s’agit d’appliquer des ovules ou des crèmes au niveau vaginal. Ça améliore la tonicité des tissus ».


Des injections à l’implantation de bandelettes pour arrêter les fuites urinaires


La question de la chirurgie se pose quand aucune autre solution n’a fonctionné. Sous anesthésie locale, les urologues vont pratiquer des injections d’agents de comblement péri-urétraux. « On introduit dans l’urètre un gel, constitué essentiellement d’eau, pour renforcer le sphincter », poursuit le Professeur Peyronnet. Ce traitement est surtout efficace sur les patientes âgées.


La pose de bandelette, positionnée sous l’urètre, est également une solution chirurgicale. « On la pratique en transobturateur, c’est-à-dire en passant à la racine des cuisses. C’est aussi possible en rétro-pubien, voie que l’on tend de plus en plus à favoriser en France et ailleurs », affirme l’urologue. Le premier procédé est en effet plus compliqué. « Il traverse une zone où se trouve un nerf avec différentes branches et une petite artère que l’on peut blesser. Ça peut provoquer des douleurs ». Par ailleurs, la bandelette transobturatrice est très difficile à retirer.
 

Une autre bandelette, dite autologue, est aussi posée pour traiter les fuites urinaires. « Elle fonctionne comme les précédentes. On la prélève au niveau de l’enveloppe musculaire de la cuisse ou au niveau des muscles abdominaux ». Toutefois, elle peut engendrer des difficultés à uriner. D’autres dispositifs existent, comme les petits ballonnets de silicone, positionnés de part et d’autre de l’urètre, ainsi que le sphincter artificiel. « Il permet de régler l’incontinence d’effort dans près de 100 % des cas mais il impose une intervention plus importante ».

Les bandelettes transobturatrices sur le banc


La pose des bandelettes destinées au traitement de l’incontinence urinaires et des descentes d’organes, mises sur le marché en 2011, fait l’objet d’une surveillance renforcée après plusieurs cas de complications chez des patients. Ces dispositifs peuvent, en effet, occasionner des douleurs postopératoires ou encore des infections. Entre 2017 et 2022, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a reçu 202 signalements.


Deux arrêtés (du 23 octobre 2020 et du 22 septembre 2021) encadrent rigoureusement la pratique des actes associés à la pose de ces bandelettes. « Les sociétés savantes, comme l’Association française d’urologue dont je fais partie, participent à des travaux pour encore mieux encadrer l’utilisation de ce dispositif à la suite des problématiques soulevées par des patientes », souligne le Professeur Benoît Peyronnet, chirurgien urologue du CHU de Rennes. Il milite pour que les bandelettes transobturatrices, mises en cause par une majorité de plaignantes, ne soient plus utilisées.

Les fuites urinaires peuvent alerter sur la présence d’une maladie grave


Pour traiter l’incontinence par urgenturie, deux catégories de médicaments (1) sont prescrites, dont l’objet est de « décontracter » la vessie et d’éviter les spasmes associés aux envies urgentes d’uriner et aux fuites. Par ailleurs, la neurostimulation tibiale postérieure donne de bons résultats. Des électrodes sont positionnées derrière la cheville, où se trouve un nerf qui a des connexions avec ceux de la vessie. « En le stimulant à domicile avec un petit dispositif externe, on stimule cette dernière », explique le médecin.


La stimulation électrique peut également être effectuée directement sur le nerf de la vessie. « On peut aussi avoir recours aux injections de botox, les mêmes utilisées dans le traitement des rides en chirurgie esthétique. Elles calment l’hyperactivité de la vessie et diminuent ses contractions involontaires ».


L’urologue du CHU de Rennes conseille de consulter quels que soient la fréquence et le type d’incontinence dont on souffre. En effet, les fuites urinaires peuvent être révélatrices de pathologies plus graves. « Par exemple, on peut déceler un cancer de la vessie. Ça peut aussi alerter sur la présence d’une maladie neurologique comme la sclérose en plaques ou encore Parkinson », conclut le responsable du comité urologie de la femme de l’Association française d’urologie.
 

Elle témoigne de ses souffrances liées à la pose de bandelettes.


Anabela Neto revit. Après des années de douleurs insoutenables, un chirurgien urologue vient de retirer la bandelette transobturatrice qu’on lui avait implantée en juillet 2021. Un mois plus tôt, la mère de famille paloise fait une randonnée avec son mari lorsqu’elle subit une descente d’organes. Elle consulte un urologue qui lui propose de les remonter grâce à l’implantation d’une bandelette.


Lors de la même intervention, il procède aussi à la pose d’une bandelette contre les fuites urinaires. Anabela ressent immédiatement des douleurs postopératoires qui s’amplifient de jour en jour. « Mon urologue avait beau me rassurer. J’avais la sensation permanente d’accoucher et d’avoir des coups de poignards dans le vagin ». Anabela Neto multiplie en vain les rendez-vous médicaux chez son généraliste, au cabinet d’urologie et au centre de la douleur. Les antidouleurs et les antibiotiques qu’elle prend ne sont pas très efficaces.


Devant sa détresse, son généraliste l’adresse à un autre urologue qui s’interrogera notamment sur le bien-fondé de la pause des bandelettes au vu de son état de santé d’avant opération. « À l’époque, mon corps était déjà sujet aux douleurs ». Aujourd’hui, sortie d’affaire, elle veut témoigner de son histoire pour aider d’autres femmes. Elle espère que la pratique d’implantation de bandelettes sera encore plus rigoureusement encadrée et les patients pleinement informés de cet acte.


(1). Anticholinergiques et Beta 3 agonistes.

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