Traitement de l’obésité : quel est le rôle des interventions non médicamenteuses (INM) ?

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Patricia Guipponi

Temps de lecture estimé 1 minute(s)

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Des programmes d’activité physique adaptée, des psychothérapies, des protocoles d’hypnose ou d’art-thérapie peuvent agir positivement dans le traitement de l’obésité. Ces pratiques peuvent aussi prévenir le surpoids.

Près d’un Français sur deux est en surpoids, dont 17 % en obésité. Le surpoids se caractérise par un indice de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 25. Lorsqu’il est égal ou supérieur à 30, on parle alors d’obésité. Chez l’enfant, l’IMC est à interpréter en fonction de l'âge et du sexe. Selon l’Assurance maladie, 20 % des 6 - 17 ans sont en surpoids, dont 5,4 % obèses

Face à ce constat, la Haute autorité de santé a récemment réaffirmé la nécessité d’améliorer la prévention, de personnaliser les soins pour un meilleur accompagnement des personnes concernées. Selon elle, le suivi doit être global et coordonné par une équipe médicale pluridisciplinaire. Les interventions non médicamenteuses (INM) pourraient jouer un rôle important dans ce processus. 

« Les INM peuvent se traduire par un programme d’activité physique adaptée (APA), une psychothérapie ciblée ou un protocole d’hypnose ou d’art-thérapie. Elles améliorent la relation du patient à son corps, sa santé, l’alimentation… », observe le docteur Jean-Michel Lecerf (1), médecin nutritionniste, spécialiste en endocrinologie et maladies métaboliques, et responsable du service Nutrition et activité physique de l’institut Pasteur de Lille.

Les INM peuvent mieux personnaliser le parcours de soins du patient

« Les INM visent à prévenir, soigner ou guérir un problème de santé ciblé. Leurs effets doivent être démontrés par une ou plusieurs études cliniques », souligne le Professeur Grégory Ninot (2), président de la NPIS, société savante internationale consacrée au développement de la recherche et de l’innovation dans les INM. 

En fonction de chaque patient, les professionnels formés personnalisent les protocoles INM validées par la science. Les définir comme des médecines douces serait réducteur. « En effet, ces médecines alternatives peuvent parfois servir de porte d'entrée à des pratiques dangereuses, voire sectaires… », précise le Professeur Ninot. 

L’obésité est une maladie chronique qui se soigne mais ne se guérit pas. « Les médicaments vont améliorer le poids, mais très souvent quand ils sont arrêtés, le patient le reprend », indique le docteur Jean-Michel Lecerf. La chirurgie de l’obésité, ou chirurgie bariatrique, n’est pas non plus une solution à moyen ou long terme. « Elle comporte des effets secondaires (3) et le poids perdu finit par être récupéré par beaucoup de patients ».

Des programmes d’éducation thérapeutique encadré par un infirmier 

L’un des objectifs des INM dans la prévention et le traitement de l’obésité est de ne pas aggraver la maladie. « Il s’agit d’améliorer la relation qu’ont les patients avec leur corps, leur santé et leur alimentation », commente le docteur Jean-Michel Lecerf. Grâce aux INM, une problématique qui pourrait devenir pathologique et sérieuse peut être repérée et prise en charge plus tôt. « On peut éviter que s’installe l’irréversible avec toutes les difficultés que cela induit pour les personnes concernées et les coûts que cela engendre pour la société », note le Professeur Grégory Ninot. 

Le surpoids n’est pas considéré comme une maladie à la différence de l’obésité. C’est un facteur de risque, notamment celui de développer un cancer, un diabète, une maladie cardiovasculaire ou une dépression. « Une INM, comme un programme d’APA, permet de perdre de la masse grasse et de gagner en muscle. Cela nécessite la mise en place d’exercices d’endurance au moins trois fois par semaine », explique le président de la NPIS. 

En fonction de la situation, d’autres INM pourront compléter ce programme d’APA après avis médical et décision favorable du patient. « Ce peut être une psychothérapie ciblée ou un programme éducatif encadré par un diététicien permettant d’apprendre à cuisine et s’alimenter autrement. Cela peut être aussi un programme d’éducation thérapeutique, délivré par un infirmier et/ou un pharmacien, pour mieux gérer les médicaments ». Ces INM peuvent se dérouler en cabinet de ville ou à l’hôpital.

Faire preuve d’écoute et de souplesse envers le patient 

Les séances des protocoles INM doivent avoir une régularité et une fréquence suffisantes pour que leur impact soit effectif. Le patient s’engage à fournir un investissement sur une durée établie. « Les soignants doivent faire preuve de bienveillance et de créativité dans la mise en œuvre de ces programmes. Par exemple, les personnes qui éprouvent des difficultés et des douleurs pour bouger du fait de leur poids peuvent être orientées vers des sessions d’APA aquatique », observe le Professeur Ninot. 

Dans le centre de soins spécialisé dans les applications médicales de l'hypnose qu’il dirige, le docteur Jean-Marc Benhaiem (4) reçoit des patients dont le surpoids ou l’obésité handicapent le quotidien. « L’intérêt avec cette INM, c’est que l’on peut modifier une perception. L’action ne se passe pas seulement au niveau du mental. La sensation va être également corporelle ». 

L’objectif pour le médecin n’est pas d’expliquer à ses patients leur problématique ni de leur inculquer des principes ou de les culpabiliser. « Ils savent pourquoi ils sont dans leur situation, qu’ils ont un problème avec l’alimentation. Ils n’ont pas besoin de sommations ni de blâmes. Il faut en revanche rester dans l’écoute et la bienveillance et qu’ils comprennent leurs impulsions et apprennent à les éteindre ».

Un référentiel d’INM labellisées disponible fin 2024

L’efficacité des INM n’est toutefois pas immédiate. Si les effets psychologiques apparaissent après quelques séances, les effets physiologiques se manifestent au deuxième mois en moyenne. « Ce n’est pas aussi radical qu’une chirurgie », admet le président de la NPIS. Un référentiel des INM ciblées et efficaces sur la prévention et le soin de l’obésité, labellisées NPIS, sera accessible fin 2024 pour les professionnels comme le grand public. 

Tout professionnel du soin et de la prévention ou tout groupe de santé (hôpital, clinique, réseau de soins…) pourra les proposer à ses patients. Les praticiens volontaires devront s’engager à respecter les attendus éthiques et de mise en pratique de chaque INM pour garantir le meilleur service à leurs patientèles (bénéfice santé, sécurité, impact sur le mode de vie, etc.).

« Ce choix éclairé et consenti pourra être combiné à la chirurgie et aux nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. Ces derniers n’auront pas un effet miraculeux seuls, d’où la pertinence d’un suivi en simultané d’un programme d’APA et d’un programme diététique », confie le Professeur Ninot. Chaque INM mentionnée dans le référentiel disposera d’un code unique qui permettra à l’Assurance maladie, aux mutuelles et aux organismes de prévoyance de les tracer. Le patient pourra bénéficier d’une prise en charge partielle ou intégrale. 
 

Deux parcours personnalisés dans la prise en charge de l’obésité. 

Récemment, la Haute autorité de santé (HAS) a présenté deux parcours de soins, recommandés aux professionnels de santé ainsi qu’aux agences régionales de santé, pour une meilleure prise en charge du surpoids et de l’obésité. L’un est adressé à l’adulte et inclut de nouvelles recommandations sur la prise en charge pré et post chirurgie bariatrique. L’autre concerne l’enfant et précise les examens biologiques à réaliser. Ces indications visent à mieux accompagner les personnes concernées. 

L’objectif est de soutenir le patient, de lui redonner confiance et autonomie pour faciliter son engagement dans le processus de soin. Cela passe par un suivi coconstruit adapté à la situation du malade en anticipant d’éventuelles difficultés sociales, professionnelles ou scolaires. Des INM psychosociales peuvent être mises en place. 

Autre préconisation : celle de ne pas stigmatiser le malade en évitant d’adopter une posture de jugement et en restant à l’écoute notamment des adolescents, particulièrement vulnérables. Enfin, la HAS a rappelé que la chirurgie bariatrique, en augmentation ces dernières années, n’était pas indiquée dans toutes les situations et ne devait intervenir qu’en dernier recours. Par ailleurs, seule la moitié des patients opérés est suivie à deux ans de l’intervention. C’est trop peu car l’obésité peut entraîner le développement d’autres maladies qu’il est impératif de surveiller (diabète, maladie rénale chronique, maladie du foie…).

(1) Docteur Jean-Michel Lecerf, Le surpoids c'est dans la tête ou dans l'assiette et 40 idées fausses sur les régimes aux Editions Quae. 
(2) Professeur Grégory Ninot, 100 médecines douces validées par la science aux éditions Belin.
(3) Nausées, vomissements ou encore douleurs abdominales. 
(4) Docteur Jean-Marc Benhaiem, Enfin, je maigris : 40 exercices aux éditions Albin-Michel. 

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