À l’automne 2015, un hebdomadaire, L’Obs, soumettait à un laboratoire d’analyse des mèches de cheveux de soixante-trois enfants de moins de 12 ans, vivant en ville ou à la campagne. Les résultats publiés dans le dossier « Votre enfant est-il pollué ? » montraient que les perturbateurs endocriniens s’y bousculaient.
Chaque enfant avait en moyenne une vingtaine de molécules sur la soixantaine testée, parmi lesquels de nombreux insecticides et pesticides, parfois interdits avant même leur naissance.
« Un perturbateur endocrinien, appelé aussi « leurre hormonal », est une molécule qui modifie l’action d’une hormone, en l’empêchant ou en la majorant, explique le Dr Sika Nassouri, médecin endocrinologue-diabétologue au CHU de Limoges. Or, le système hormonal est comme un chef d’orchestre dans le fonctionnement et le développement du corps humain. Il intervient de la conception à la mort. ».
Les perturbateurs endocriniens peuvent être naturels (les phyto-estrogènes comme le soja), être des hormones de synthèse (comme les pilules contraceptives) ou encore des produits chimiques destinés non pas à avoir une action hormonale mais à une fonction industrielle (comme les phtalates qu’on retrouve dans beaucoup de plastiques).
« De fortes préoccupations sont exprimées par certains scientifiques, des organismes de recherche indépendants et des associations sur l’impact sanitaire éventuel de substances, présentes dans l’environnement ou dans des produits de consommation sur le système hormonal », explique l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
Les effets des perturbateurs endocriniens ont été étudiés chez l’animal. Par ailleurs, de nombreuses études ont montré chez l’homme le lien entre une exposition à un perturbateur endocrinien et des pathologies ou troubles divers.
« Il n’existe pas d’effets de seuil, c’est-à-dire que l’action sur le fonctionnement hormonal peut se faire à doses infimes et être responsable d’effets néfastes à moyen et long terme sur l’individu et/ou sa descendance, explique le Dr Nassouri. L’autre difficulté, c’est l’effet cocktail : un individu n’est pas soumis seulement au bisphénol A ou aux phtalates ou aux parabènes. Tous ces éléments sont présents dans notre environnement au quotidien, sans compter les pesticides et insecticides utilisés au domicile, les retardateurs de flamme sur le mobilier… On ne connaît pas à l’heure actuelle les conséquences de ce cocktail d’expositions. »
La liste des problèmes de santé qui pourraient être provoqués par les perturbateurs endocriniens est déjà longue et court sur toute une existence, à commencer par un poids de naissance inférieur à la normale. Chez les garçons, on assiste à une augmentation des malformations génitales. Les pubertés précoces chez les filles et des retards pubertaires chez les garçons se multiplient également.
Plus tard, les perturbateurs endocriniens sont aussi suspectés d’être à l’origine d’infertilité féminine et masculine (le nombre de spermatozoïdes aurait baissé de 30 % en une trentaine d’années*), de diabète et d’obésité, ainsi que certains troubles du comportement.
Ils sont également mis en cause dans des cancers hormono-dépendants comme ceux du sein et de la prostate. Si, à tous les âges de la vie, l’exposition aux perturbateurs endocriniens peut être dangereuse, c’est plus particulièrement vrai pendant la vie intra-utérine, la petite enfance et la puberté.
* Selon l’association Alerte des Médecins sur les pesticides, étude CECOS 2014.