C’est une première en France. En décembre 2012, une jeune femme a porté plainte au pénal contre le géant pharmaceutique Bayer, accusant la pilule de 3e génération, commercialisée par ce dernier, d’être responsable de l’accident vasculaire cérébral qui l’a laissée handicapée à 65 %. Ce mois-ci, elle devrait être suivie par une trentaine d’autres jeunes femmes s’estimant victimes comme elle. Si le nombre d’accidents graves liés à ces pilules est aujourd’hui difficile à évaluer, les risques ne peuvent pas être ignorés. Mais, au-delà du battage médiatique et judiciaire, une juste estimation des risques est essentielle.
Apparue dans les années 1960, la pilule contraceptive est le moyen le plus efficace pour prévenir une grossesse. Il en existe plusieurs dizaines sur le marché. Elles diffèrent selon leur dosage en œstrogènes et le type de progestatif. On parle de générations car elles sont apparues successivement dans le temps.
Les premières, fortement dosées en œstrogènes, ont été suivies par des formules minidosées (2e génération), afin de diminuer le risque d’accidents cardiovasculaires. Puis par une 3e et 4e génération contenant des progestatifs différents, qui, selon l’industrie pharmaceutique, améliorent la tolérance.
En terme d’efficacité, il n’existe aucune différence entre pilule de 2e et 3e générations. Si elles sont prises correctement, le risque d’être enceinte est le même (environ 3 grossesses par an pour 1 000 utilisatrices). Par ailleurs, aucune étude ne montre de façon formelle que la pilule de 3e génération est mieux tolérée que la 2e. Maux de tête, douleurs mammaires, saignements intermittents, prise de poids… ont la même fréquence avec l’une et l’autre.
À cela viennent s’ajouter d’autres facteurs majorant l’ensemble de ces risques, tels que le surpoids, les antécédents familiaux, l’hypertension, l’hypercholestérolémie, et l’âge.
En d’autres mots, chaque année, alors que sans contraception orale, une femme sur 10 000 fait un accident thromboembolique, elles sont 2 sur 10 000 chez les utilisatrices de pilules de 2e génération. Et 3 à 4 sur 10 000 pour celles qui prennent une pilule de 3e ou 4e génération. Des chiffres qui restent très faibles si l’on considère par exemple que la grossesse, est responsable de 6 accidents thromboemboliques pour 10 000 femmes enceintes. Et qu’environ 10 % seulement des thromboses veineuses profondes sont mortelles.
Dès 2007, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé de ne prescrire la pilule de 3e génération qu’en seconde intention, c’est-à-dire uniquement si la patiente supporte mal sa pilule de 2e génération. Une recommandation peut-être mal comprise par certains médecins qui ont continué de la prescrire massivement à des jeunes filles mal informées.
Il est évident que la pilule de 3e génération doit être réservée à quelques femmes uniquement, et non être prescrite aussi massivement comme c’est le cas dans notre pays. Si le niveau de prescription ne baisse pas, l’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) envisage de réserver cette prescription aux seuls spécialistes (gynécologues, endocrinologues), voire de retirer ces pilules du marché.
Quant aux femmes qui consomment déjà ces pilules de 3e génération, l’ANSM signale que « le surrisque thromboembolique veineux ne justifie pas un arrêt brutal d’une pilule de 3e génération jusque-là bien supportée chez une femme utilisatrice depuis une longue période. » Elle préconise néanmoins qu’à l’occasion du renouvellement de prescription, médecin et patiente envisagent une autre méthode contraceptive plus appropriée.