L’homéopathie déremboursée : restera-t-elle aimée des Français ?

Publié le , actualisé le

Par Pauline Hervé

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© LuCaAr / Getty

Le ministère de la Santé a tranché. Dès janvier 2021, l’homéopathie ne sera plus prise en charge par la Sécurité sociale. La décision fait suite à diverses polémiques sur l’efficacité réelle de cette médecine, pourtant plébiscitée par de nombreux Français.

C’est désormais officiel : à partir de 2021, l’homéopathie ne sera plus du tout prise en charge par l’Assurance maladie. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn s’est rangée à l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS). La HAS avait estimé, en juin 2019, que ces médicaments n’avaient « pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d’un remboursement » même partiel comme c’était le cas jusqu’à aujourd’hui. En 2018, l'homéopathie a représenté 126,8 millions d'euros de remboursement, selon les chiffres de l’Assurance maladie.

Cette décision vient clore des mois de vive polémique, et annonce une petite révolution dans le paysage médical hexagonal, dans lequel l’homéopathie est historiquement bien ancrée. 50 % des Français y ont eu recours dans leur vie*. 5 000 médecins la pratiquent et 25 000 d’entre eux la prescrivent occasionnellement. Elle est inscrite au registre de la pharmacopée depuis 1965. Pourtant, ces derniers mois, les débats ont pris un nouveau ton sur la légitimité de cette médecine non conventionnelle et son remboursement à 30 % par l’Assurance maladie française.

* Selon l’Ordre national des médecins.

Qu’y a-t-il dans les granules ?

Inventée à la fin du XVIIIe siècle par le médecin allemand Samuel Hahnemann, l’homéopathie part du principe que, pour soigner un symptôme, il faut utiliser des substances qui sont censées causer ce même symptôme… mais en les diluant en des quantités infinitésimales. Les fameux « granules » homéopathiques contiennent ainsi du sucre (à 85 %) et du lactose (à 15 %), auxquels on incorpore la solution obtenue après de très nombreuses dilutions du principe actif, les plantes d’arnica par exemple.

Les raisons pour lesquels les Français ont le plus souvent recours à l’homéopathie sont les « troubles dépressifs, troubles du sommeil, états anxieux, dont se plaignent 10 à 15 % des habitants des pays occidentaux », selon le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF). Certains médecins la prescrivent également pour les problèmes de « l’appareil respiratoire, les troubles ORL, les allergies ». Les homéopathes la recommandent aussi en cas « d’arthrose, de lombalgie, de troubles gynécologiques, de maladies de la peau ou de l’appareil circulatoire… »

Pas de preuve scientifique

Malgré ces différents usages depuis son invention il y a plus de deux siècles, et malgré des centaines d’études menées, l’efficacité de l’homéopathie n’a jamais pu être expliquée d’un point de vue scientifique, en dehors de son effet placebo.

Les polémiques sont récurrentes mais, depuis mars 2018, le débat s’est fait plus vif après la publication d’une tribune signée par 124 médecins dans Le Figaro, appelant le Conseil de l’Ordre des médecins à « ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins ou professionnels de santé qui continuent de promouvoir » l’homéopathie. Ces médecins jugent qu’elle s’appuie sur des pratiques « ni scientifiques ni éthiques » portées par « des charlatans en tous genres qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire. »

« Une solution de plus pour les médecins »

Les médecins homéopathes réfutent vivement ces accusations. « L’homéopathie s’est toujours développée et se développe encore au sein de la médecine et non en parallèle. Elle constitue une solution de plus à la disposition des médecins et des professionnels de santé, en complément de leur pratique », répond le docteur Charles Bentz, président du SNMHF.

Selon lui, sortir l’homéopathie du champ de la médecine exposerait au contraire à des dérives. « Seul un médecin homéopathe peut décider de la pertinence ou non d’un traitement homéopathique, sur la base d’un diagnostic médical. Le véritable risque, avec l’homéopathie, surviendrait dès lors qu’une automédication sauvage provoquerait des retards de diagnostic et des aggravations. Ainsi le non-remboursement de l’homéopathie entraînerait son usage par des non-médecins, guérisseurs, naturopathes ou, pire, par de véritables charlatans. »

L’écoute du patient au cœur du soin

En juin 2018, le Conseil de l’Ordre des médecins a néanmoins indiqué placer l’homéopathie dans les pratiques « non éprouvées par la science ». Enfin, à la rentrée 2018, la faculté de médecine de Lille a suspendu pour un an son diplôme d’homéopathie. « Nous enseignons une médecine fondée sur les preuves – on tient à une rigueur scientifique, absolue -, et force est de constater qu’en parallèle l’homéopathie n’a pas évolué, (…) que les études sont rares sur l’homéopathie, qu’elles sont peu solides. Maintenir notre enseignement serait le cautionner », a souligné son doyen Didier Gosset. D’autres doyens d’université ont cependant appelé au maintien de cet enseignement, avec une évaluation renforcée. En août 2018, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait demandé à la Haute autorité de santé (HAS) de se pencher sur l’utilité du remboursement de ces médicaments : une étude qui aboutit à la décision de déremboursement total.

Pourtant, de nombreux patients continuent de plébisciter cette médecine, notamment pour la façon dont les consultations sont abordées. « La méthode homéopathique nécessite de s’intéresser au patient dans sa globalité et non seulement à son organe malade, souligne le docteur Bentz. La consultation sera donc plus longue car elle sera la même que celle d’un autre médecin avec en plus la recherche du médicament homéopathique bien indiqué. Ce qui nécessitera donc un interrogatoire et un examen individualisé. »

Pour aller plus loin :

Où trouver un médecin homéopathe ? Le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) propose un annuaire en ligne ainsi que le site internet de l’Assurance maladie.

Dossier du webzine du Conseil national de l’Ordre des médecins sur les médecines alternatives et complémentaires.

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