Martine Pinville : L’économie sociale et solidaire (ESS) concilie utilité sociale et efficacité économique et les fait fructifier au bénéfice l’une de l’autre. Les acteurs qui optent pour ce modèle veulent être utiles à la société, mais ils souhaitent aussi mettre en place des structures économiques pérennes et dynamiques, qui soient gouvernées de manière démocratique. Voilà en quoi il est différent. L’objectif ultime n’est pas la rentabilité du capital, mais l’impact social.
Pour autant, contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’une économie qui ne serait pas profitable. Comme toute entreprise, les entreprises de l’ESS (associations, fondations, mutuelles, coopératives mais aussi certaines entreprises commerciales) sont amenées à trouver un équilibre pour développer leur activité. La seule distinction étant que leur objectif final n’est pas de réaliser des profits pour des actionnaires, mais d’utiliser les gains pour permettre à l’entreprise de se développer dans la durée.
M.P. : C’est un modèle robuste, résistant, qui a fait la preuve de son efficacité : depuis 2000, la croissance de l’emploi dans l’ESS atteint 24 % quand, sur la même période, l’ensemble de l’emploi privé n’a augmenté que de 4,5 %.
L’économie sociale et solidaire représente 10 % du PIB, c’est-à-dire deux fois plus que le secteur de la finance par exemple. Elle compte également près de 2,4 millions de salariés (1 emploi privé sur 8, le plus souvent non-délocalisable), soit deux fois plus que dans la construction. Enfin, dans l’ensemble de l’ESS, 600 000 emplois seront renouvelés d’ici à 2020. Mon objectif est d’encourager la création d’emplois supplémentaires pour atteindre 700 000 recrutements d’ici à 2020.
L’ESS apporte donc une contribution dynamique à notre économie nationale et représente un véritable vivier d’emplois. C’est notamment la raison pour laquelle il me tient à cœur de sensibiliser, de former les jeunes générations aux débouchés offerts par cette autre façon d’entreprendre.
M.P. : Le budget lié à mon portefeuille est très loin d’être la seule contribution au budget global de l’ESS. Les crédits bénéficiant à l’économie sociale et solidaire sont répartis au sein de nombreux autres portefeuilles ministériels.
On peut par exemple ajouter les 8 millions d’euros de crédits dédiés au Fonds d’innovation sociale intégrés au sein du budget général du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, mais aussi les crédits alloués au développement de la vie associative, les programmes dédiés aux entreprises adaptées (300 millions), ou à l’insertion par l’activité économique (800 millions), ou encore ceux rattachés à la Direction Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle, comme le budget dédié aux dispositifs locaux d’accompagnement (10 millions).
Tous ces budgets ont été maintenus à leur niveau et il n’y a pas de baisse prévue dans la loi de finances 2016.
M.P. : La bonne compréhension de ce qu’est l’ESS est un véritable enjeu. Les Français ont un vrai intérêt pour cette économie, mais un certain flou les retient parfois de choisir ce modèle.
La loi ESS de 2014 donne pour mission à la Chambre Française de l’ESS, qui rassemble l’ensemble des acteurs concernés, de promouvoir les modèles de l’économie sociale et solidaire. C’est un enjeu primordial pour ce secteur, ces entreprises et notre économie.
Néanmoins, une loi ne suffit pas à engager le changement d’échelle que nous appelons de nos vœux. Cela passe par la mobilisation des acteurs, par leur appropriation des outils, mais aussi par une structuration efficace de l’environnement de ces entreprises. À ce titre, je compte m’appuyer sur le Conseil supérieur de l’ESS pour mettre en place une stratégie nationale de développement de ce modèle.
M.P. : Les fondations et les mutuelles sont en effet des acteurs majeurs et historiques de l’économie sociale et solidaire.
Depuis leur création au 19ème siècle, les mutuelles ont su évoluer et se renouveler pour proposer des solutions adaptées à de nouveaux besoins sociaux. Elles ont su aussi imaginer de nouveaux modes d’intervention pour être toujours plus efficaces. Quant aux fondations, ce sont des acteurs plus récents mais leur nombre et leurs effectifs de salariés ont connu une augmentation de 20 % depuis 2010.
Et il faut rajouter les sociétés commerciales comme acteurs à part entière de l’ESS. Si elles répondent à un certain nombre de conditions (la poursuite d’un objectif d’utilité sociale, le respect d’une gouvernance démocratique et le réinvestissement de la majorité de leurs bénéfices au profit de leur activité), elles font partie de l’ESS. Il y a un fort potentiel en France, libéré depuis le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur de la partie du texte de la loi qui concerne les sociétés commerciales.
M.P. : La loi est aujourd’hui applicable à près de 90 % : seuls quelques décrets sont en attente. L’élaboration des textes est un travail fastidieux qui a été mené dans des délais relativement courts.
Une certitude : les acteurs se mobilisent et il faut valoriser les initiatives ambitieuses pour qu’elles servent d’exemple. En matière de financement, je pense par exemple aux premiers titres associatifs, mobilisés par l’association ADIE ou la Chambre régionale de l’ESS (CRESS) PACA, et à la vingtaine de premiers prêts ESS qui ont été accordés. En termes d’organisation d’entreprise, on peut souligner l’utilisation du dispositif Scop d’amorçage par Delta Meca qui va permettre de transmettre progressivement en sept ans l’entreprise aux salariés.
Ces expériences sont concluantes et doivent encourager d’autres initiatives.
Mieux comprendre l’économie sociale et solidaire sur le portail des ministères de l’Économie et des Finances, avec notamment une explication des mesures de la loi ESS du 31 juillet 2014.