L’eusko au Pays basque, la sol violette à Toulouse, la gonette à Lyon, le galléco en Ille-et-Vilaine ou encore la pêche en Ile-de-France. Des noms poétiques pour des monnaies locales en développement ces dernières années. Il y en aurait actuellement autour de 5 000 dans le monde, dont une trentaine dans notre pays et au moins autant en projet.
À l’initiative de citoyens ou de collectivités locales, elles sont portées le plus souvent par des associations. Complémentaires à l’euro, ces monnaies n’ont évidemment pas vocation à le remplacer. Limitées à une zone géographique donnée (une ville, une communauté de communes, un département…), elles permettent de payer sa baguette chez le boulanger ou sa coupe de cheveux chez le coiffeur. Leur but ? Favoriser les circuits courts et redynamiser l’économie locale, mais aussi créer des liens.
Les commerçants ou artisans qui acceptent la monnaie ne sont pas choisis au hasard. « Ils doivent souvent répondre à des critères sociaux ou environnementaux. Par exemple, vendre des produits locaux ou travailler essentiellement avec des entreprises du territoire. Avec l’objectif de limiter l’impact carbone et de soutenir l’emploi », explique Marie Fare*, maître de conférences en sciences économiques à l’université Lumière Lyon-2. « La monnaie a également une dimension symbolique forte, ajoute la spécialiste. Et c’est aussi un lien social entre les individus. »
Monnaie du Pays basque Nord, l’eusko s’inscrit dans cette démarche. Lancée en janvier 2013, elle compte le plus grand nombre d’utilisateurs en France : plus de 3 000 habitants (sur 300 000) et 650 entreprises et commerçants. « Nous demandons à ces derniers de proposer au moins trois produits locaux, et nous leur fournissons une traduction gratuite pour qu’ils mettent en place un affichage bilingue français-basque, car l’un des buts de l’eusko est aussi de faciliter l’usage public de la langue basque », précise Dante Edme-Sanjurjo, coprésident d’Euskal Moneta.
L’association a également d’autres projets. Ses adhérents pourraient bientôt disposer d’un compte en euskos et d’une carte de paiement, pour une utilisation plus facile de la monnaie au quotidien. Elle travaille aussi avec des municipalités de son territoire afin qu’il soit possible de payer la piscine, la cantine, sa facture d’eau, sa place de cinéma ou encore le centre de loisirs des enfants en euskos. Comme c’est le cas déjà à Boulogne-sur-Mer, où on peut acheter son ticket de bus ou sa place de théâtre en bou’sols.
La loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS) de juillet 2014 reconnaît ces monnaies comme titres de paiement (dès lors qu’elles sont à l’initiative de structures relevant de l’ESS). Et un rapport, remis en 2015, préconisait de les développer.
Vous souhaitez créer une monnaie locale ? Il existe un guide pratique sur le site du réseau des monnaies locales complémentaires citoyennes.
*Auteure de Repenser la monnaie, paru fin 2016 aux éditions Charles Léopold Mayer.