D’après les derniers chiffres de l’Insee datant de 2012, la France compte environ 1 40 000 personnes sans domicile fixe, dont 3 000 à 7 000 sont sans-abri, c’est-à-dire qu’elles dorment dans la rue, une cave, une voiture… sans bénéficier d’un hébergement d’urgence. Ces chiffres, certainement en deçà de la réalité, sont en hausse constante depuis les années 2000 avec « une augmentation de près de 50 % en dix ans », précise Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes).
Les pouvoirs publics consacrent toujours plus de moyens financiers pour lutter contre le sans-abrisme – pour atteindre 2 milliards d’euros aujourd’hui. Mais cet argent sert surtout à financer l’hébergement d’urgence, qui coûte cher, sans être une solution pérenne. « Ce qui manque, c’est la création de places de logements sociaux à bas loyer pour personnes avec faibles ressources », souligne Victor d’Autume, chargé de mission logement au sein de la Fédération des acteurs de la solidarité*.
* La Fédération des acteurs de la solidarité regroupe 870 associations dont Emmaüs France, la fondation Abbé Pierre…
En matière d’accès au logement, une petite révolution est apparue en France au début des années 2010 avec la démarche « Housing First ». Né aux États-Unis, le concept rompt totalement avec ce qui se fait d’ordinaire. Plutôt qu’une réinsertion « classique » par étapes, en accompagnant les personnes de l’hébergement d’urgence au logement ordinaire en passant par l’hébergement social, il consiste à reloger directement depuis la rue les personnes sans-abri, à l’aide d’un accompagnement social et médico-social. Et ce sans condition. « Avec ce modèle, on arrête avec l’idée que les personnes doivent passer par telle ou telle étape avant de pouvoir habiter dans un logement », explique Victor d’Autume.
En 2011, sur ce principe, l’association Aurore a expérimenté le dispositif Un chez soi d’abord, adressé aux sans-abri avec des troubles psychiques sévères. Quatre ans plus tard, plus de 85 % des 353 personnes du dispositif étaient toujours logées et accompagnées. « Cette expérience montre que les personnes retournent peu à la rue », souligne la Fédération des acteurs de la solidarité. C’est pourquoi le Gouvernement a inclus dans son plan de lutte contre le sans-abrisme 2018-2022 un volet « Logement d’abord ».
Cela dit, « le recours à cette démarche demeure modeste », relativise Jérôme Vignon, président de l’Onpes. Elle est certes efficace mais très coûteuse financièrement en accompagnement.
Le logement n’est pas le seul terrain d’innovation en matière d’aide aux sans domicile. Depuis quelques années apparaissent des initiatives qui permettent à tout un chacun d’améliorer les conditions de vie des SDF, souvent avec leur propre implication. L’application mobile Entourage et le programme Le Carillon de l’association La Cloche par exemple visent à tisser des réseaux d’entraide entre commerçants, habitants et personnes sans domicile d’un même quartier (voir la carte de France des réseaux Le Carillon).
Loin d’être « gadget », ces initiatives, complémentaires des actions des professionnels, sont jugées très positives. « Elles créent du lien social et servent à sensibiliser le grand public », explique Victor d’Autume. Et Jérôme Vignon de résumer : « Elles aident aussi à faire comprendre que ce problème n’est pas réservé aux professionnels et aux personnes de bon cœur mais concerne toute la société ».