Comment parler de la maladie ou de la mort à un enfant ?

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Par Émilie Gilmer

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La question de la maladie est délicate, le sujet de la mort, souvent tabou. Pourtant, mieux vaut entamer un dialogue avec son enfant et répondre à ses questions sans détour, car le silence et les non-dits autour de la mort ou de la maladie peuvent être la source d’angoisses et de fausses croyances. Explications.

Bien souvent, les interrogations des enfants nous bousculent. Mais parmi les sujets sensibles, la mort est sans doute celui qui nous pose le plus de problèmes… « Le statut de parent s’accompagne d’une sorte de pensée imaginaire sur le thème « je te protégerai toujours, je serai toujours là pour toi », note le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan(1). Or, en évoquant la mort, on remet en cause cette illusion, cette fausse idée d’éternité. On rappelle non seulement que nous sommes mortels, mais que nous risquons un jour de disparaître de la vie de notre enfant et qu’il continuera à vivre sans nous. Voilà pourquoi il nous est si difficile d’aborder le sujet… » Pourtant, même si la question est douloureuse, mieux vaut ne pas l’écarter, car le risque est grand de créer chez son enfant confusions et malentendus.

Dialoguer autour de la mort

« Il y a mille occasions d’en parler – la mort du chien ou du poisson rouge, la lecture d’un livre, etc. – avant d’y être réellement confronté, remarque Patrick Ben Soussan. Il est d’ailleurs préférable de le faire dans un temps serein plutôt qu’au moment où l’on perd un être cher, car l’émotion rend les choses plus difficiles encore. » Pour la psychologue et psychothérapeute Dana Castro(2), l’annonce proprement dite d’un décès ou même d’une maladie mérite d’ailleurs, parfois, un temps de recul : « Il est indispensable d’informer un enfant de ce qui vient de se passer (ou qui est en train de se passer), mais si l’on est trop bousculé émotionnellement, mieux vaut prendre un temps pour soi (quelques heures par exemple) pour se calmer et choisir ses mots, indique-t-elle. Si un enfant constate que le sujet est trop pénible pour son parent, il n’osera plus en parler. »

Utiliser des mots simples et précis

Soucieux de « protéger » leur enfant, certains adultes contournent le sujet, en disant par exemple « mamie nous a quittés », « tonton est monté au ciel ». « Grave erreur ! », notent les spécialistes. « On risque de créer une confusion dans l’esprit de son enfant qui attendra que sa mamie revienne de l’endroit où elle est partie ou que son tonton redescende du ciel…, remarque Dana Castro. Lorsqu’on parle de la mort, la première règle est d’être factuel et d’employer des mots simples, sans ambiguïté : mamie est morte, son cœur s’est arrêté, on ne la reverra plus… » Même chose lorsqu’on évoque la maladie. « Là encore, il est essentiel d’être factuel pour que l’enfant comprenne ce qu’il se passe et sache que l’on met tout en œuvre pour surmonter la difficulté, précise l’experte. Dire “papa va aller à l’hôpital”, “on va lui donner des médicaments pour l’aider à guérir”… »

Répondre à ses questions autour de la maladie

Vient ensuite le temps des questions… « En ce qui concerne l’annonce d’une maladie, la première interrogation d’un enfant est bien souvent de savoir quel impact cet événement aura sur sa vie, souligne Dana Castro. Je recommande de le rassurer en lui disant que ça ne va rien changer pour lui, l’école, les copains. » Autre précision nécessaire : lui rappeler qu’il n’y est pour rien. « Un des modèles imaginaires de l’enfant est de penser qu’il est responsable de tout, indique Patrick Ben Soussan. Il est important qu’il comprenne que tout le monde peut un jour tomber malade, que cela fait partie de la vie. On peut aussi le rassurer sur le fait que ce n’est pas contagieux : ce n’est pas parce qu’un proche est malade qu’il le sera aussi. »

Parler de « l’après »

« Où va-t-on quand on est mort ? », « que se passe-t-il après ? »… Certains parents ne s’y attendent pas, mais bien souvent, ces questions-là finissent aussi par surgir. « Pendant longtemps, on a cru que les enfants ne saisissaient le caractère définitif de la mort qu’autour de 7-8 ans, remarque Patrick Ben Soussan. Mais c’est faux, la plupart des enfants l’ont compris bien avant et s’interrogent sur ce que l’on devient… » Et bien que les hypothèses soient différentes que l’on soit croyant ou non, la réponse la plus raisonnable est sans doute de dire que, d’un point de vue scientifique, on ne le sait pas… « Pour incarner un après, on peut néanmoins parler du cimetière, de la tombe, du columbarium(3), de cet endroit où l’on se recueillera, suggère Dana Castro. Et rappeler également que la personne disparue continue à vivre dans la tête et dans le cœur de ceux qui restent. »

Ne pas le tenir à l'écart

S’il est important d’informer un enfant de l’évolution d’une maladie, il est également crucial de l’associer aux différentes étapes des funérailles lorsqu’un décès survient. « Combien d’adolescents et de jeunes adultes ont dit leur douleur d’avoir été écartés de l’enterrement d’un proche lorsqu’ils étaient enfants, comme exclus de la mémoire familiale, souligne Patrick Ben Soussan. L’enfant fait partie de la famille, il a besoin de communier et de pleurer avec les autres membres de la famille lorsqu’un proche disparaît. En le tenant à l’écart de toutes ces étapes (la vue du corps, l’enterrement ou la crémation), on croit le protéger, mais c’est tout le contraire, on entrave son processus de deuil. »

(1) Coauteur de « L’enfant face à la mort d’un proche : en parler, l’écouter, le soutenir », éd. Albin Michel, 2006. A aussi dirigé « L’enfant confronté à la mort d’un parent », éd Erès, 2013.
(2) Auteure de « La mort pour de faux et la mort pour de vrai » et « Frères et sœurs, les aider à s’épanouir », éd. Albin Michel
(3) Il s’agit d’un bâtiment pourvu de niches où sont conservées les urnes contenant les cendres des personnes incinérées.

A lire avec son enfant

Différents ouvrages destinés à la jeunesse évoquent la maladie et la mort.
Voici quelques incontournables.

Les amis de blaireau sont inquiets. Ce matin, il n’est pas sorti pour leur dire bonjour… Ce classique de la littérature jeunesse aborde avec justesse la disparition d’un être cher.

Parce qu’il a cru que sa chatte Bergamotte était morte, Piccolo entame une discussion avec sa maman sur le thème de la mort. Le support idéal pour en faire autant…

« Quand un apiculteur meurt, il faut le dire à ses abeilles. Si on ne leur dit rien, elles ne comprennent pas ce qui se passe » … Un texte agrémenté de photos qui évoque avec tendresse et poésie la mort, l’absence et le manque.

Zigzou, une amie de Lili, vient d’apprendre qu’elle est atteinte d’un cancer… Un support intelligent et bien conçu pour entamer le dialogue autour de ce thème difficile.

  • « Envolée » Corinne Dreyfuss, éd. Frimousse, 2012 :

Une histoire sans paroles (illustrations uniquement), qui prend son temps pour aborder la mort du père ou de la mère, en accompagnant un oisillon sur le chemin long et douloureux de la perte et du deuil.

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