Le mot n’est pas très joli, mais ce néologisme est ce que l’on a trouvé de plus efficace pour qualifier la situation « d’illettrisme numérique ». Le SPS travaille depuis plus de vingt ans à lutter contre l’illettrisme. Dans ce cadre, il y a près de dix ans, nous avons commencé à évoquer les inégalités entre Français face à Internet. À l’époque, on parlait davantage de la « fracture numérique » qui désignait les inégalités en termes d’équipement technologique.
Avec les années, cette inégalité s’est beaucoup réduite. Aujourd’hui, 89 % des Français sont équipés : smartphone, tablettes, ordinateur portable… En revanche, un nombre important de personnes connaît des difficultés face aux usages du numérique. Pourtant, celui-ci est partout de nos jours : acheter un billet de train, faire sa déclaration d’impôt, être en contact avec le collège de ses enfants, communiquer avec la CAF, acheter des articles sur un site commercial… Nous avons voulu faire la lumière sur ce « malaise » face aux usages numériques.
D’abord, l’aspect positif. 77 % des personnes interrogées se déclarent tout à fait à l’aise avec les usages du numérique… mais cela laisse de côté 23 % soit presque 11 millions de Français qui s’estiment, eux, « mal à l’aise ». Et parmi eux, on en recense 19 % qui, dans l’année écoulée, ont été conduits à renoncer à une démarche administrative, un achat, une déclaration en raison de leurs difficultés sur Internet. Nous les appelons les « abandonnistes ». C’est inquiétant car vu le tournant numérique que prend la société, on risque d’avoir de sacrés problèmes en termes d’accès à l’information, et de citoyenneté tout simplement !
Il n’y a pas de profil unique, c’est ce qui est très étonnant ! Notre enquête révèle qu’on y trouve autant de femmes que d’hommes, d’urbains que de ruraux, et de toutes les classes sociales. Il ne s’agit pas d’une population très spécifique, qui manquerait des savoirs de base comme dans l’illettrisme. La seule exception concerne les personnes de plus de 75 ans dont la pratique et la maîtrise des usages du numérique sont majoritairement plus difficiles.
Il y a probablement un problème de formation des usagers. Mais nous insistons beaucoup sur le fait que c’est aussi aux concepteurs des sites internet de se mettre au niveau de ce que les gens peuvent utiliser. Certains sites sont trop complexes et pas forcément adaptés. Nous aimerions, au SPS, aboutir à un guide des bonnes pratiques pour participer à cette simplification. Nous souhaitons constituer un laboratoire d’idées, un groupe d’experts de tous les horizons, psychologues, sociologues, des personnes de la société civiles et aussi pourquoi pas des spécialistes de l’intelligence artificielle, pour voir comment créer des sites internet plus simples d’utilisation. Nous avons déjà un partenariat avec le syndicat national des radios libres, souvent locales et donc bien implantées sur le territoire, sur ce sujet. Et en septembre nous diffuserons un spot de sensibilisation sur l’illectronisme. Nous espérons ainsi participer à une prise de conscience sur cette nouvelle inégalité.
Le syndicat de la presse sociale (SPS) rassemble environ 80 éditeurs (associations, coopératives, mutuelles, syndicats…) pour plus de 100 publications autour de l’information sociale. Essentiel Santé Magazine en est membre.
L’illectronisme en France : résultats détaillés de l’enquête menée par l’institut CSA pour le SPS.