Fracture numérique

Quelles solutions pour les exclus d’Internet ?

En 2015, 17 % des Français ne disposaient pas de connexion internet*. Parmi les populations les plus touchées : les personnes âgées, non diplômées, vivant seules, avec un faible niveau de revenu, les habitants des communes rurales. La fracture numérique recouvre ainsi une triple discrimination : sociale, géographique et générationnelle. Parmi ses effets les plus pénalisants : la difficulté d’accéder à des services publics et sociaux massivement passés sur le web. « Retraite, assurance maladie, allocations familiales, chômage… Tous ces services ont introduit des démarches en ligne, susceptibles de constituer une barrière pour les personnes qui ont le plus besoin d’un filet de protection sociale », explique Florian Le Berre, directeur de Défis, une association bretonne de solidarité numérique.

Les « précaires digitaux » sont également privés des ressources et opportunités qui s’offrent sur internet : trouver un logement, rechercher un travail, consommer malin et moins cher, accéder à la culture et à l’information, organiser ses déplacements… Plus le numérique s’étend et plus les inégalités se creusent. « Par exemple, les habitants de territoires dépourvus de connexion internet risquent de rester à l’écart des progrès de la télémédecine et des applications mobiles de santé », souligne Cédric Colson, directeur de Scani, une coopérative d’accès à internet. Enfin, l’exclusion digitale aggrave et accentue l’isolement social, en ajoutant à la difficulté concrète de communiquer avec ses proches le sentiment d’être dépassé.

 

Le bus numérique fait le plein

Face à ces difficultés, de nombreux acteurs (associations, collectivités, entreprises, pouvoirs publics…) se mobilisent pour trouver des solutions. À commencer par la création d’une offre numérique accessible à tous. « Nous militons auprès des pouvoirs publics pour la mise en place d’un tarif internet de première nécessité, sur le modèle de l’électricité », déclare Florent Guéguen, directeur général de la FNARS**. Sans attendre une solution nationale, les initiatives locales se multiplient. Emmaüs Connect, par exemple, s’est associé à un opérateur téléphonique pour fournir des forfaits à bas prix.

Mais les meilleurs résultats portent sur le coût de l’équipement, grâce au recyclage. « Nous reconditionnons les ordinateurs donnés par les entreprises et les administrations, avant de les offrir à moindre coût ou en prêt gratuit aux personnes en difficulté », explique Florian Le Berre, le directeur de Défis. L’association a ainsi pu équiper 1800 foyers du pays lorientais, où elle est implantée.

Les acteurs de l’e-inclusion s’investissent également dans l’alphabétisation et la formation digitales. En pointe dans ce combat, l’association Espace Numérique Sud Charente (ENSC) a lancé un bus numérique, embarquant wifi et formateurs pour des séances hebdomadaires d’initiation au web dans les communes rurales et les maisons de retraite du Sud Charente. « Nous répondons à des besoins très divers : une personne âgée qui veut échanger par internet avec ses petits-enfants, un agriculteur qui doit gérer ses comptes en ligne, un demandeur d’emploi qui a besoin d’un profil professionnel sur un réseau social… », relate Didier Jamot-Aupetit, un responsable d’ENSC.

 

Faciliter l’insertion professionnelle

L’habileté numérique est notamment devenue une condition essentielle d’insertion professionnelle. Presque une question de survie. À Lorient, chaque année, l’association Défis forme aux basiques du net et à la recherche d’emploi en ligne une centaine de personnes en situation de précarité, adressées par les services d’action sociale dans le cadre d’un projet avec le conseil départemental du Morbihan. « Les sessions sont aussi, pour les stagiaires, l’occasion de nouer des liens, de reprendre confiance ensemble », précise Florian Le Berre. Le dispositif affiche 30 % d’impact positif à la fin du stage (formation, entretien ou embauche).

 

Percée de l’internet associatif

Troisième terrain de lutte pour l’e-inclusion : la couverture des « zones blanches », non connectées à internet. « Dans l’Yonne, c’est 10 à 15 % du territoire », estime Cédric Colson. En 1998, il a créé avec trois amis, dans un garage de Bussy-en-Othe, un fournisseur alternatif d’internet : PC Light. La technologie ? De simples antennes radio, raccordant les villages et foyers délaissés jusqu’à la fibre la plus proche. De quoi fournir un internet haut débit à très haut débit pour un coût minime. Et lever ainsi un frein majeur à l’installation d’entreprises et de nouveaux habitants. La demande des petites communes est telle que PC Light a créé une coopérative –Scani – pour poursuivre et amplifier son œuvre de solidarité 2.0.

À l’échelle nationale, la Fédération French Data Network regroupe 25 fournisseurs associatifs qui, comme Scani, désenclavent les zones blanches. Elles réunissent régulièrement leurs néo-connectés autour d’événements festifs. Car résorber la fracture numérique, c’est aussi se rencontrer en chair et en os.

 

* Baromètre du numérique 2015, Crédoc
** Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale

  • Paul Arguin
  • Crédit photo : fotosipsack / Istock

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