Donner une seconde vie au matériel médical

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© F. Grimaud – Envie autonomie

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Le reconditionnement et le réemploi des fauteuils roulants et autres lits médicalisés permettent de réduire les coûts environnementaux et financiers pour les particuliers, les établissements de santé et la société. Immersion dans un secteur en construction.

L’économie circulaire est un modèle de production et de consommation qui privilégie le partage, la réutilisation, la réparation et le recyclage des produits et des matériaux. Leur cycle de vie est ainsi prolongé et permet de réduire l’exploitation des matières premières et l’accumulation des déchets dans un souci de préservation de la planète dont les ressources sont limitées.

Cette économie touche progressivement tous les domaines d’activité, dont le secteur de la santé. Cela se traduit notamment par le réemploi des aides techniques en bon état d’usage. Entendre par là, le fait de donner une seconde vie aux matériels adaptés à la perte d’autonomie liée à l’âge, au handicap ou à la maladie (fauteuils roulants, lits médicalisés, aides à la toilette, téléphones à grosses touches, etc.).

Un matériel en bon état qui n’a servi qu’entre 6 et 24 mois


La durée de vie moyenne d’une aide technique est de 8 ans. Plus de 40 % de ce matériel est utilisé entre 6 et 24 mois avant de ne plus servir. La plupart du temps, ce gisement est dans un état très correct. « Cette réalité a alerté le Groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques (GIHP) Aquitaine qui a répondu, en 2015, à un appel à projet lancé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) », confie Gretta Mbazoule, chargée de mission du réseau Transition écologique pour l’autonomie en Nouvelle-Aquitaine.


S’en est suivie une étude expérimentale sur les possibilités de remise en service des aides techniques non utilisées. Puis, l’ouverture d’une Recyclothèque, portée par le GIHP Aquitaine. Basée en Gironde, la structure collecte les fauteuils roulants, les loupes ou encore les lits médicalisés qui ne servent plus, auprès des particuliers. Ces derniers peuvent les apporter dans l’un des trente-six points d’apport volontaire répartis sur le territoire. Le matériel peut être aussi donné par des établissements de santé (Ehpad, hôpitaux…).
La Recyclothèque ne remet pas en bon état d’usage les aides techniques qu’elle collecte. Elle confie ce service à un sous-traitant. Le matériel reconditionné est ensuite proposé gratuitement en prêt et à l’essai à de nouveaux usagers avec l’accompagnement d’un ergothérapeute. « C’est une juste préconisation. En effet, nous estimons qu’il pourrait y avoir une mauvaise utilisation ou un renoncement de l’aide technique sans cet encadrement », explique Gretta Mbazoule.

Favoriser l’emploi des personnes exclues du marché du travail


Envie autonomie, réseau d’économie circulaire, intervient également dans le secteur du réemploi du matériel médical. Il a été lancé en 2015 à Angers, par le réseau Envie, dont l’activité est la rénovation d’équipements électriques et électroniques, en vue de leur réutilisation, par des salariés en parcours d’insertion professionnelle.
La branche Envie autonomie dispose de vingt antennes sur le territoire français vouées au traitement du matériel médical et au retour à l’emploi de personnes exclues du marché du travail. Les déambulateurs, fauteuils roulants et autres sièges de bain sont collectés grâce aux dons. Triés, ils partent dans des ateliers pour y être reconditionnés à des fins de réemploi.
Les aides techniques qui ne peuvent être réutilisées sont envoyées dans des filières de revalorisation. Envie autonomie propose aussi un service de maintenance pour garantir le bon fonctionnement du matériel. Le matériel de seconde main remis sur le marché est contrôlé et est conforme aux caractéristiques dont bénéficient les produits sortis d’usine. Il est loué ou vendu deux fois moins cher que le matériel neuf et est garanti deux ans.

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Le réseau Envie Autonomie collecte et remet en état des fauteuils roulants, des sièges de bain et autres déambulateurs. Crédit photo : Grégoire Maisonneuve - Envie autonomie.

43 % des besoins en aides techniques non couverts en France


D’autres structures œuvrent au reconditionnement des aides techniques au
quotidien. Dans l’Hérault, le dispositif Recycl’Aides 34 répond à cette ambition. Reconnu d’intérêt général, il tourne grâce à l’énergie de 25 bénévoles et de 5 salariés en emploi aidé sur deux sites. « Nous souhaitons à terme pouvoir employer localement plus de personnes en situation sociale défavorisée ou en situation de handicap », indique Sylvie Joviado, la coordinatrice du dispositif.
Le but de Recycl’Aides 34 est aussi de lutter contre le gaspillage et de faciliter l’accès au matériel médical à ceux dont les revenus ne permettent pas l’achat du neuf, même lorsqu’une part peut être prise en charge par l’Assurance maladie. « On estime que 43 % des besoins en aides techniques ne sont pas couverts en France », observe Sylvie Joviado. Le travail de reconditionnement très minutieux, de maintenance et de gestion des pièces détachées de la recyclerie couvre tout le département héraultais. « On court en permanence. Les demandes sont très importantes. »
Sylvie Joviado a calculé sur six mois les retombées du reconditionnement des aides techniques. « Nous avons collecté du matériel dont la prise en charge par l’Assurance maladie, lors de sa prescription, s’élevait à 172 000 € ». De surcroît, ce gisement serait parti dans le meilleur des cas au recyclage. Et faute de mieux, à l’enfouissement, avec toutes les conséquences coûteuses et environnementales que cela engendre. L’association s’est tout récemment dotée d’un fourgon atelier pour pouvoir intervenir, avec des pièces détachées d’occasion, chez les particuliers et les établissements qui la sollicitent.

Les aides techniques reconditionnées bientôt prises en charge par la Sécurité sociale


La loi anti-gaspillage*, promulguée en 2020, a pour mission d’accélérer le changement des modèles de production et de consommation. Dans son sillage, d’autres évolutions législatives sont attendues ces prochains mois. Un décret, annoncé en juillet 2023 puis retardé, devrait préciser et arrêter les modalités de la prise en charge par l’Assurance maladie des aides techniques reconditionnées. Une liste du matériel éligible au remboursement sera constituée. Une norme Afnor est en cours d’élaboration pour fixer un cadre qualitatif de remise en état d’usage des aides techniques et garantir ainsi la sécurité de ce matériel. Ces avancées permettront d’envisager la structuration à part entière d’une filière de l’économie circulaire du réemploi des aides techniques.

* Loi Agec, promulguée en 2020.

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