L’immunothérapie, une arme anticancer en plein essor

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Damienne Gallion

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L’immunothérapie, une arme anticancer en plein essor © Getty image

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L’immunothérapie vise à réactiver le système immunitaire du patient afin que celui-ci reconnaisse les cellules cancéreuses et les détruise. Ce traitement, dont l’arrivée a marqué un tournant décisif dans la lutte contre la maladie, devrait continuer à progresser en continu.

L’histoire commence au début des années 2010 : l’immunothérapie obtient des résultats spectaculaires dans des cas de mélanomes métastatiques (2011) et de cancers du poumon (2013) jugés désespérés. Des patients voient leur tumeur régresser, voire disparaître, et gagnent plusieurs années de vie. Le « boom » de l’immunothérapie est sur les rails.

À l’origine de ce nouveau traitement, des décennies de recherche et la découverte de la capacité de la tumeur cancéreuse à « endormir » le système immunitaire. Les cellules tumorales expriment en effet à leur surface des « récepteurs », également appelés « bloqueurs », qui leur permettent d’avancer masquées vis-à-vis de nos défenses naturelles. En identifiant ces mécanismes, les scientifiques ont pu mettre au point les premières molécules capables de lever ces freins.

Un mode d’action différent de celui des traitements traditionnels


« L’immunothérapie stimule le système immunitaire, qui va se mettre à reconnaître les cellules cancéreuses et à les détruire, résume le Professeur Nicolas Girard, chef du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie. Par son principe même, elle diffère de la chimiothérapie et des thérapies ciblées qui s’attaquent directement aux cellules tumorales. »

La communauté médicale s’accorde à dire que l’immunothérapie représente un véritable « changement de paradigme » dans la lutte contre le cancer. Ce nouveau mode d’action se traduit par plusieurs bénéfices pour les patients. « Alors que l’effet des traitements traditionnels s’arrête lorsqu’ils ne sont plus administrés, l’immunothérapie, qui s’appuie sur un mécanisme naturel, a un impact prolongé, qui dure après le traitement », indique le Professeur Nicolas Girard.

Autres points positifs : elle est généralement mieux tolérée et permet une meilleure qualité de vie, avec notamment des possibilités de soins à domicile.

Si ses effets secondaires sont moins fréquents, ils sont cependant bien réels : l’immunothérapie peut déclencher des maladies auto-immunes ou inflammatoires, l’effet le plus courant étant un dérèglement de la thyroïde (entre 5 et 10 % des patients).

Prédire l’efficacité de l’immunothérapie pour chaque patient


L’immunothérapie est aujourd’hui principalement administrée dans les cas de mélanomes et cancers du poumon. Mais son utilisation s’étend de plus en plus : cancers ORL, vessie, œsophage, sein, certaines formes de leucémies, etc. Le traitement se fait par perfusion intraveineuse, à raison d’une injection toutes les deux ou trois semaines. Elle peut être administrée seule ou en association avec les traitements traditionnels (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie…).

Chez les patients réceptifs, elle a des effets spectaculaires. « À l’institut Curie, nous l’utilisons en traitement préopératoire dans des cas de cancers de poumon non-métastatiques. Chez un quart des patients, la tumeur disparaît complètement », indique ainsi Nicolas Girard.

Mais l’immunothérapie ne fonctionne pas pour tout le monde. Selon les cancers, elle s’avère efficace chez 20 à 40 % des malades. Il s’agit là d’un des grands enjeux de cette stratégie thérapeutique : pouvoir prédire son efficacité pour chaque patient afin de décider de son administration. Un véritable défi compte tenu de l’extrême complexité du système immunitaire, de ses mécanismes, de ses interactions avec l’organisme, tout cela différant d’une personne à l’autre.

Des voies d’amélioration « infinies »


Dans les faits, l’immunothérapie recouvre plusieurs formes de traitement, aux noms quelque peu barbares pour les non-initiés : les « check point inhibiteurs » (qui lèvent les freins à la reconnaissance des cellules cancéreuses) ou encore les « cellules CAR-T », cette stratégie consistant à prélever les lymphocytes T du patient, à les armer contre la cellule cancéreuse et à les lui réinjecter.

« Qu’il s’agisse des marqueurs prédictifs d’efficacité ou des traitements d’immunothérapie en eux-mêmes, tous ces domaines sont en constante évolution et les possibilités d’amélioration sont infinies », souligne Claude-Agnès Reynaud, immunologue et présidente du conseil scientifique national de la Ligue contre le cancer.

Vaccins thérapeutiques : la prudence est de mise


C’est de l’immunothérapie que viendra la prochaine révolution très attendue dans la lutte contre le cancer : les vaccins thérapeutiques, censés apprendre au système immunitaire à éliminer un cancer déjà présent dans l’organisme. Ils font actuellement l’objet d’essais cliniques en France et dans le reste du monde.

« En accélérant la recherche sur la technologie des vaccins à ARN messager, l’épidémie de Covid-19 a déclenché un renouveau dans ce domaine », explique le Professeur Benjamin Besse, directeur de la recherche clinique de l’institut Gustave-Roussy. Aujourd’hui, grâce à cette technique, on peut fabriquer un vaccin pour un patient déterminé : autrement dit, un vaccin à la carte. Mais il faut rester très prudent à ce stade. Les données sont encore très préliminaires ».

À titre d’exemple, le Pr Benjamin Besse supervise les essais cliniques d’un vaccin contre le cancer avancé du poumon. Si tout se passe bien, la mise sur le marché est prévue pour… 2027.

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