Ségolène Neuville : « La priorité : l’inclusion scolaire et sociale des personnes autistes »

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L’État français a été condamné en juillet 2015 à verser plus de 240 000 euros à plusieurs familles d’enfants autistes. Entretien avec Ségolène Neuville, secrétaire d’État en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur la prise en charge des jeunes autistes en France.

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En juillet dernier, vous avez qualifié  « d’historique », le retard de la France dans la prise en charge de l’autisme. À votre sens, quels problèmes sont à l’origine de cette situation ?

Ségolène Neuville : L’Hexagone a en effet accusé un retard historique concernant l’autisme mais il se comble progressivement. Plusieurs éléments expliquent cette situation. Il faut d’abord souligner la prédominance en France de l’approche psychanalytique de l’autisme qui a conduit à couper notre pays des avancées et connaissances internationales. Il a fallu attendre 1996 pour qu’une loi reconnaisse que l’autisme était aussi un handicap et nécessitait donc un accompagnement éducatif adapté. C’est d’ailleurs au mouvement associatif que l’on doit ces évolutions.

Ensuite, notre pays a eu tendance, pour l’ensemble des situations de handicap, a privilégier les réponses en institution et c’est pour cela que de nombreux enfants et adultes autistes ont été – et il faut se le dire, c’est encore malheureusement vrai à certains endroits – mis à part. La place des enfants et adultes autistes n’est pas à l’hôpital. Enfin, les interventions proposées, les services et réponses éducatives et comportementales ont mis de trop nombreuses années à se développer en France. C’est pour remédier à ces situations que plusieurs Plans Autisme se succèdent depuis 2005 et nous en sommes actuellement au troisième (2013-2017).

 

Le parcours des parents d’enfants autistes, du dépistage à la scolarisation, est loin d’être simple ?

S.N. : Même si les choses s’améliorent, c’est encore trop souvent un parcours du combattant. Il faut tout d’abord réduire le délai entre les premières inquiétudes des parents par rapport à leur enfant et l’accès à une évaluation spécialisée et à un diagnostic. C’est pourquoi le Plan Autisme 2013-2017 prévoit des mesures importantes sur ce que l’on nomme le « triptyque » (détection, diagnostic et interventions précoces) avec des crédits prévus à hauteur de 71,4 millions d’euros sur les 205 millions du plan.

Il est aussi essentiel de permettre une scolarisation dès le plus jeune âge et c’est pour cela que nous créons les « unités d’enseignement en maternelle ». Il en existe déjà 60 et nous en aurons 100 (soit 1 par département) d’ici 2017. Cela va donc concerner 700 enfants autistes de 3 à 6 ans. Mais ce n’est pas le seul mode de scolarisation puisque nous poursuivons les efforts afin de recruter et former des accompagnants d’élèves en situation de handicap et aussi la création de services d’accompagnement spécialisé (les SESSAD) dédiés à l’autisme dont 850 places sont prévus d’ici 2017 (voir Pour en savoir plus).

 

Quelles autres initiatives comptez-vous mettre en place pour rattraper ce retard ?

S.N. : L’inclusion scolaire et sociale des enfants et adultes autistes est notre priorité. Nous travaillons donc sur la création de nouvelles places pour les accueillir. En 2015, il en existe déjà 15 000 totalement dédiés aux personnes autistes et 490 000 qui accueillent des personnes, tout handicap confondu. D’ici la fin du Plan en 2017, nous créerons 6 300 places supplémentaires spécialisées en autisme, auxquelles il faudra ajouter 14 000 nouvelles places, tout handicap confondu.

Il faut aussi mettre l’accent sur la formation initiale et continue des professionnels éducatifs, de santé et bien évidemment du secteur médico-social. Nous avons donc comme optique de former 5 000 nouveaux professionnels. D’autre part, nous avons décidé, pour la première fois, de former les parents : ils ont des savoir-faire et compétences qu’il faut soutenir et valoriser. Plus de 1 200 parents ont déjà bénéficié d’une formation co-construite entre eux et les professionnels.

 

De nombreuses associations œuvrent pour venir en aide aux familles sans recevoir d’aides de l’État. Entendez-vous soutenir, économiquement, certaines initiatives du monde associatif ?

S.N. : Les associations représentant les personnes autistes et les familles sont essentielles, elles sont des partenaires sans qui rien n’est possible. Ce sont souvent elles qui portent les innovations et proposent de nombreuses initiatives, j’y attache donc le plus grand intérêt. C’est pourquoi elles sont très étroitement associées aux actions du Plan Autisme, dans le cadre duquel elles peuvent se voir octroyer des financements. L’État prend donc ses responsabilités dans un contexte, il faut l’avouer, très contraint.

 

Pour en savoir plus

  • Les unités d’enseignement en maternelle : implantées en écoles maternelles « ordinaires », elles accueillent des enfants autistes de 3 à 6 ans, encadrés par des enseignants et professionnels médico-sociaux afin de leur permettre de mobiliser leurs capacités d’inclusion et d’apprentissage.
  • Les SESSAD (Services d’Éducation Spéciale et de Soins à Domicile), service médico-social, ont pour principale mission de favoriser l’intégration en milieu scolaire des enfants handicapés grâce à une prise en charge globale en matière de soins, de rééducation et d’enseignement, sur le lieu de vie ou l’établissement scolaire de l’enfant.
  • Pauline Leduc
  • Crédit photo : Ministère des Affaires sociales de la Santé et des Droits des femmes

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