Se soigner à l’étranger est une démarche qui séduit de plus en plus de Français. Ainsi, depuis une dizaine d’années, ce qu’on appelle désormais le « tourisme dentaire » est en forte croissance. Selon les données du Centre national des soins à l’étranger (CNSE), le nombre de dossiers de prise en charge de soins dentaires réalisés en Europe progresse chaque année de plus de 15 %, avec plus de 30 000 patients traités par an.
En cause : les prix pratiqués en France pour certaines interventions (implants dentaires, couronnes, bridges, facettes dentaires, blanchiment, chirurgie…).
Selon le ministère de la Santé, en moyenne en 2021, 45 % des actes prothétiques dentaires ont été réalisés avec un reste à charge pour le patient. « Le tourisme dentaire s’inscrit avant tout dans une démarche financière pour réaliser des soins complexes à prix avantageux », souligne le Dr Alain Vallory, secrétaire général des chirurgiens-dentistes de France, syndicat qui regroupe près de 10 000 praticiens.
« On ne se déplace pas à l’étranger pour soigner une carie, faire un détartrage ou poser une couronne unitaire. Mais bien pour un plan de traitement complexe, assez lourd, ce qui est d’autant plus risqué, notamment en l’absence de suivi. »
En France, 95 % du tourisme dentaire concerne des pays membres de l’Union Européenne, qui misent sur la proximité géographique. En tête des destinations : la Hongrie, leader incontesté, l’Espagne, le Portugal, l’Italie et l’Allemagne.
Dans ces pays, les économies sont parfois substantielles. À Budapest par exemple, comptez en moyenne 220 € pour une couronne céramo-métallique (contre 650 euros en moyenne en France) et 600 euros en moyenne pour un implant unitaire, contre 1 200 euros dans l’hexagone, selon Eurodentaire, plateforme de réservation et d’organisation de soins dentaires notamment en Hongrie.
De nombreuses agences spécialisées dans le tourisme dentaire ont vu le jour et proposent aux patients un accompagnement complet : de l’organisation du voyage à l’intervention. « Les patients sont interpellés par un prospectus ou un démarchage quelconque pour aller faire des soins à l’étranger et souvent en un laps de temps très court (en une semaine, tout doit être fait). Ce qui peut poser des problèmes au niveau de la cicatrisation des tissus », poursuit le Dr Alain Vallory.
Le risque majeur n’est pas tant la semaine passée sur place que l’absence de suivi et de prise en charge par la suite en France. « Si jamais le patient a des douleurs permanentes, un problème infectieux ou un élément cassé et qu’on est obligé de démonter et de refaire le traitement, il devra assumer les coûts en France. Donc pour une économie de 30 ou 50 % au départ, il se retrouve à payer à nouveau la totalité du traitement en France, en plus de ce qu’il a payé à l’étranger. Cela ne peut pas être au praticien français d’endosser la responsabilité des traitements réalisés par des confrères étrangers ».
Que faire en cas de litige ? « À ma connaissance, il n’y a pas de recours sur le sol français pour ce qui s’est passé à l’étranger, soutient le praticien. Le patient doit de son propre fait, et à ses frais, engager une procédure dans le pays en question – aussi compliquée que coûteuse – dans une langue étrangère et à des centaines de kilomètres de chez lui ».
La pratique n’est donc pas sans risque. « Il y a eu de nombreux reportages qui ont mis en avant les dérives et les risques du tourisme dentaire, conclut le Dr Vallory. Je pense qu’avec la mise en place du 100 % santé, les arguments de renoncements aux soins pour des raisons financières en France se sont extrêmement réduits. Aujourd’hui, seuls les patients sans complémentaire santé posent encore problème à ce niveau ».